THOKOZILE - Chapitre II - Constance
11 pages
Français

THOKOZILE - Chapitre II - Constance

-

YouScribe est heureux de vous offrir cette publication
11 pages
Français
YouScribe est heureux de vous offrir cette publication

Description

Nouvelle en cours d'écriture qui fera partie du recueil intitulé Pendant Ce Temps - Merci de bien vouloir m'adresser vos commentaires/critiques...

Sujets

Informations

Publié par
Publié le 30 octobre 2011
Nombre de lectures 124
Langue Français

Extrait

Constance
Anita:« On y sera dans combien de temps ? »
Le Père Clemente:« D’ici 7 à 9 mois… »
Anita, qui ressemble à Scarlett Johansson avec 15 ans
de plus et une enfant lorsque son visage rosit autour
de ses deux fossettes sur un sourire à craquer,
regarde, amusée, deux marins pousser au cul des
cochons récalcitrants. Les précèdent à bord une vache
laitière, deux oies qui toisent cinq chèvres un peu
perdues, dix-huit canards et autant de poulets
caquetant.
Passent ensuite 800 barriques de quelques 200 000
litres d’eau et la moitié de rouge, des tonneaux
étanches renfermant des kilos de pain séché, de
galettes bretonnes, de riz, de fèves, de fayots, de
farine, de bœuf salé d’Irlande, de jambon fumé et une
petite quantité de produits frais.
Le Père Clemente, qui sort un petit bout de papier
griffonné :«Je me suis renseigné sur le menu, on
aura droit chaque jour à quatre livres de biscuits, une
livre de cassaves, galette à base de farine de manioc,
souvent fourrée à la noix de coco ; trois quart de vin
dans la même quantité d’eau, quatre fois par semaine
un cinquième d’eau de vie, quatre repas de viande par
semaine, trois de poisson, sept de légumes,
assaisonnés d’huile d’olive ou de gruyère de
Hollande. »
Le Capitaine Gervois, un petit homme blond et rouge
à la barbe drue, s’avance vers le Père Clemente:« On
achètera des fruits et légumes, ainsi que de la tortue
séchée, à nos deux escales, au Cap vert et au Cap de
Bonne Espérance. Les prix y sont excessifs mais notre
navire est déjà plein comme un œuf et une partie
risque de pourrir en route. »
Quant aux Cafres,nom communément donné aux
Africains des régions australes, dérivé du mot Kafir,
l’incroyant ou l’infidèle, qui seront embarqués à l’Île du
Mozambique, le Capitaine Gervois leur fera servir du
local, du mil, du manioc, mélangés à des pois, des
fèves, car selon lui le mil tient mal la mer et le manioc
disparaît aussitôt ingéré ; des noix de coco, des
bananes.
Le Capitaine Gervois :«Il faut par contre éviter de
servir la nourriture trop chaude et il faut bien la
remuer car ils la mangent tellement vite qu’ils se
1brûleraient. Entre deux repas, ils auront droit à cinq
onces de biscuits de manioc et puis deux à trois fois
par semaine, un peu de fruits ou du punch mêlé à de
l’eau. Du tafia aussi, et de l’eau de vie; parfois, un
petit coup de rouge ou de blanc. Figurez-vous, Père
Clemente, que certains refusent catégoriquement le
rouge, qu’ils prennent pour du sang. Mais après y avoir
goûté, ils le préfèrent. »
D’un geste de la tête, sans calculer Anita, le Capitaine
Gervois invite le Père Clemente àvisiter le reste du
bateau : la soute d’abord, qui comporte quatre
niveaux, le plus élevé dédié aux armes, à la poudre,
aux voiles, et parfois certains hommes d’équipage y
dormiront en compagnie de petites Cafres à leurs
goûts.
Les trois niveaux inférieurs sont des parcs à Cafres,
les femmes et les enfants dans les deux premiers, les
hommes dans le dernier. Chacun bénéficie d’à peu près
70 à 80 cm d’espace en hauteur, depuis leur couchette
en bois. L’accès aux trois niveaux ne peut se faire que
1plupart des interventions du Capitaine Gervois La
ainsi que de son chirurgien, sont inspirées librement
du Journal de bord du Capitaine Jean Brugevin publié
dans son intégralité par Gabriel Debien (Le Journal de
Traite de La Licorne au Mozambique, 1787-1788), qui,
d’après Eric Saugera dans Bordeaux Port Négrier
XVIIème-XIXème siècle, est à l’origine, en 1773, de
la première traite des côtes mozambicaines vers les
Petites Antilles. Brugevin avait en effet appris que de
l’autre côté du Cap de Bonne Espérance, on trouvait
des captifs à des prix défiant toute concurrence,
tandis que sur la côte occidentale de l’Afrique (entre
le Sénégal et l’Angola) la marchandise s’était raréfiée
et les tarifs avaient explosé. Des extraits de ce
journal apparaissent également, entre autres, dans
les ouvrages
Bordeaux Port Négrier XVIIème-
par des écoutilles, solidement cadenassées et
renforcées de barres de fer.
Le CapitaineGervois :toute façon, en cas de« De révolte, l’arrière de la dunette est pourvu en 2 permanence de fusils et de canons à mitrailles… »
Sur le pont, Anita regarde tomber de la grêle égarée
en plein printemps.
Elle respire profondément. Elle revoit sa fille,
Constance, dans le jardin de leur maison à La
Martinique, qui crie :viens voir, viens« Maman,
vite ! »
XIXème siècle d’Eric Saugera et Navires Négriers et
Traites des Noirs de Patrick Villiers.
2 Description inspirée du navire négrier l’Olympe, décrit par Patrick Villiers dans Traite des Noirs et Navires Négriers au XVIIIème siècle.
Des flocons de neige dansent dans le ciel caribéen,
sous les étonnements et acclamations de la population
toute entière.
48 heures de giboulées intenses plus tard, des arbres
se coupent en deux tous seuls, et le rhum des
troquets gèle dès qu’on l’éloigne du feu.
Anita et sa fille, Constance
Les plus exposés sont les vieillards et les nourrissons.
En quelques jours, l’espérance de vie, qui n’était déjà
pas fort brillante, est descendue à 20 ans, aussi bien
pour les hommes que pour les femmes.
Des oiseaux, raidis en plein vol, comme des flèches,
viennent s’éclater et se brisent tel du cristal sur les
fenêtres de la boulangerie de la ferme, où Anita et
Constance se sont réfugiées, car c’est l’un des
endroits les plus chauds la nuit grâce au four à pain
activé parcimonieusement 4 heures en tout.
Anita porte difficilement à ses lèvres un bouillon d’eau
bouillante recouvert d’une couche de glaçons. Elle vient
de perdre sa deuxième dent.
Dans la cour, des carcasses de bovins et de restes
humains dont la viande est distribuée par un ouvrier
de ferme en armes, qui n’a pas dormi depuis 5 jours.
Devant la porte, un chien errant lèche quelques
gouttes de sang. L’animal, si maigre qu’il ne pourrait
plus faire de mal à une mouche, est aussitôt assailli
par Constance et Anita qui, d’un coup de coutelas,
avant même qu’il ait temps de détaler comme un lapin,
le plaquent d’un coup d’un seul au sol.
Mais le lendemain matin, tandis que le soleil écarte
enfin les nuages de son doigt de fée, Constance est
retrouvée rôtie à l’intérieur du four à pain où elle
avait sans doute eu l’idée de se réfugier au beau milieu
de la nuit pour combattre le froid.
Depuis ce jour, Anita n’a qu’une idée en tête,
retrouver Xicuembo, le père de Constance, pour qu’il
lui fasse un autre enfant, avec l’intime espoir que ce
sera une fille.
  • Univers Univers
  • Ebooks Ebooks
  • Livres audio Livres audio
  • Presse Presse
  • Podcasts Podcasts
  • BD BD
  • Documents Documents