La Forge des mensonges
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Description

1 Il était tard. Très tard. Le patron du bar du boulevard Saint-Germain s’impatientait en briquant sa machine à café. Il guettait le moindre mouvement dans la salle. Les cinq clients qui occupaient une table d’angle ne se décidaient toujours pas à sortir et il était fatigué. Il avait refusé de servir les derniers verres commandés, prétextant que sa caisse était bouclée, retourné les chaises et à demi abaissé le rideau métallique sur la seule porte restant libre. Le message était clair : on ferme ! Il observa le grand maigre qui revenait des toilettes. Bernier. Pierre Bernier. Il l’avait encore vu la semaine précédente dans un débat télévisé. Soucieux, le bonhomme ! Tous se tournèrent vers lui et après un instant de flottement, il déposa son sac à dos sous son siège, s’assit à côté de la femme aux yeux pétillants et lui glissa quelques mots à l’oreille en riant. Belle fille. Une blonde intelligente, pensa-t-il avec un sourire. Mince et sportive. Un peu jeune pour faire partie de cette bande de journalistes de la presse écrite. Il en connaissait au moins deux depuis fort longtemps. Des vieux de la vieille. L’avantage de tenir un café à deux pas de la salle de la Mutualité où pas mal d’évènements intéressant les médias se déroulaient chaque semaine. Ce soir, justement, c’était un meeting sur la défense de la liberté de la presse, bien menacée depuis quelque temps.

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Publié le 30 juin 2014
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Langue Français

Extrait

1 Il était tard. Très tard. Le patron du bar du boulevard Saint-Germain s’impatientait en briquant sa machine à café. Il guettait le moindre mouvement dans la salle. Les cinq clients qui occupaient une table d’angle ne se décidaient toujours pas à sortiret il était fatigué. Il avait refusé de servir les derniers verres commandés, prétextant que sa caisse était bouclée, retourné les chaises et à demi abaissé le rideau métallique sur la seule porte restant libre. Le message était clair :on ferme !Il observa le grand maigre qui revenait des toilettes. Bernier. Pierre Bernier. Il l’avait encore vu la semaine précédente dans un débat télévisé. Soucieux, le bonhomme! Tous se tournèrent vers lui et après un instant de flottement, il déposa son sac à dos sous son siège, s’assit à côté de la femme aux yeux pétillants et lui glissa quelques mots à l’oreille en riant. Belle fille.Une blonde intelligente, pensa-t-il avec un sourire. Mince et sportive. Un peu jeune pour faire partie de cette bande de journalistes de la presse écrite. Il en connaissait au moins deux depuis fort longtemps. Des vieux de la vieille. L’avantage de tenir un café à deux pas de la salle de la Mutualité où pas mal d’évènements intéressant les médias se déroulaient chaque semaine.Cesoir, justement, c’était un meeting sur la défense de la liberté de la presse, bien menacée depuis quelque temps. Journalistes malmenés dans les manifestations, interrogés ou mis en garde à vue dans certaines affaires. Écoutes et surveillances. Pressionset évictions de l’audiovisuel public…L’association internationaleReporters sans frontières,dans un papier récent s’inquiétait de la dégradation affolante du respect de ces droits fondamentaux dans les états démocratiques. Son top annuel reléguait désormais le pays des droits de l’homme à la quarante-troisième place du classement mondial, en baisse de huit points par rapport à l’année précédente.Alors, bien évidemment, ils y étaient tous, les gratte-papiers et même les beaux parleurs des télévisions. Double soirée, pour lui. Il avait abreuvé, avant la conférence, la masse de policiers en civil qui prenaient leur poste pour voir de quoi il retournait et qui était là. Les journalistes étaient dans le collimateur de la Préfecture. Et à la sortie, les participants assoiffés par l’ambiance surchauffée de la réunion. Un mouvement de chaises lui fit lâcher son torchon. La presse levait enfin le camp! Chacun décrocha son blouson ou son manteau, les chapeaux regagnèrent les crânes, et les sacs, les épaules. Un dernier geste de la main vers le bar, et ils se courbèrent pour passer sous la grille. Le cafetier bondit pour finir d’abaisser le rideau de fer et le verrouilla.Le groupe se séparait devant l’immeuble en riant fort. La fille blonde posa au grand maigre une question inaudible. — Je t’appelle ! répondit-il en brandissant son téléphone. Il se précipita vers le boulevard vide qu’il traversa à grandes enjambées et remonta vers la rue Monge sous la lumière jaune des lampadaires.
Elle tourna sur elle-même, plantée au bord du trottoir. Indécise. Pas de taxi en vue. Il était tard et les noctambules ne traînaient pas nombreux dans le secteur. Juste deux cars de CRS à bonne distance, et plusieurs voitures sombres caractéristiques. Responsables de la préfecture de police et renseignements généraux. Ils attendaient qu’il ne reste plus personne dans le quartier. Ils observaient. Des montagnes de rapports, demain matin. — Marie, je te ramène ?Elle sursauta et se retourna vers le bout de la rue de Bièvre, fit un signe dela main, puis courut rattraper Marc Nielsen, le reporter de l’AFP, qui se préparait à filer vers les quais.— Avec plaisir, Marco !Elle s’accrocha à son bras en riant. Il était à pied.La promenade dans l’air frais de la nuit lui fit du bien. Comme le centre de Paris était beau, passé deux heures du matin. Les eaux sombres de la Seine qui ondulaient un mélange de silhouettes inquiétantes et de taches colorées. Notre Dame et l’Hôtel de Ville illuminés juste pour eux deux. Les places désertes. Nielsen était un bel homme mince et nerveux. Il devait avoir moins de la quarantaine et avait bourlingué dans le monde entier. Sa gentillesse, ses yeux noirs et son humour pince-sans-rire ne la laissaient pas indifférente. Elle aurait traversé tout Paris sans rechigner, accrochée à son bras. Il l’abandonna pourtant en bas de chez elle. Une bise affectueuse sur la joue. Le lourd portail qui claque. Il reprit sa marche. Il vivait deux rues plus loin, derrière Beaubourg. Sitôt sa porte verrouillée, Marie jeta son manteausur le lit et le reste de ses vêtements au sol. Elle fila sous la douche.Tu pues, ma vieille ! Les papiers du Grand Pierre attendront. L’enveloppe marron était toujours là où il l’avait discrètement glissée, quand il était revenu des toilettes, tout à l’heure, au bar de la Mutualité. Dans la poche gauche de son manteau accroché au dos de sa chaise. Elle ne s’était aperçue de rien avant qu’il ne se penche vers elle pour le lui dire.— Tujetteras un coup d’œil à ce papier, aussitôt que tu seras tranquillechez toi, lui avait-il chuchoté à l’oreille.— Encore du boulot ?Son air faussement accablé l’avait fait rire. Elle adorait cet homme discret aux yeux sombres et à l’esprit vif. La grande classe. Il avait su l’accepter à son niveau de débutante, l’aiderà progresser en mettant en avant son travail. Et chaque fois qu’il le pouvait, il lui permettait de profiter de ses expériences et de ses contacts… Elle n’aurait pu rêver un meilleur maître de stage.Le Grand Pierre, comme on l’appelait souvent, montrait une extrême patience avec tous et arrivait toujours à obtenir les informations qu’il cherchait. Un excellent journaliste et un être humain de grande valeur, auprès de qui elle avait déjà beaucoup appris, en deux mois de présence. Elle l’avait trouvé tendu,depuis le début de la semaine, mais n’avait pas réussi à pénétrer le secret qu’il dissimulait de son mieux.L’enveloppe cachait une feuille de papier blanc pliée en quatre et un DVD enfermé dans une pochette à bulles. Elle sortit machinalement le disque.Le Cinquième élément. Au feutre noir. L’écriture en majuscules liées de Pierre Bernier. Elle resta un moment perplexe. Pourquoi donc lui
avait-il fait passer si discrètement ce film ? Rien dans sa mémoire qui lui rappelât une allusion à la fiction de Luc Besson dans leurs conversations de la semaine. La feuille blanche qu’elle avait laissée tomber sur le lit attira son œil. Elle la déplia. Au centre, elle trouva quelques lignes de l’écriture fine et serrée du journaliste.« Necherche pas à comprendre et n’en parle absolument à personne. Cache simplement le DVD parmi les tiens, et ne l’ouvre dans ton ordi que s’il m’arrivait malheur. Brûle tout de suite ce papier.Je te fais confiance, je t’expliquerai demain. »— Qu’est-ce que c’est que cette histoire ?grogna-t-elle à voix haute. Marie tourna la feuille dans tous les sens, mais n’en tira rien de plus. Son ordinateur était sur la table à portée de main. Elle hésita. Pierre lui demandait de ne l’ouvrir que s’il lui arrivait malheur.Son cœur tressaillit.Le journaliste était-il en danger? Elle sauta sur son téléphone et commença à composer le numéro. — Arrête, tu es nulle ! Tu as vu quelle heure il est ? Arrête de te raconter des fables. Il a dit «je t’appellerai », en partant. Il doit dormir. On se voit demain matin à la première heure. Elle suivit à la lettre les consignes. Une fois le disque dissimulé dans la pile de ses films à elle, elle mit le feu au papier blanc au-dessus de la cuvette des toilettes. Comme dans ses romans d’espionnage préférés. Elle le regarda se tordre en se consumant jusqu’à ce que la flamme lui lèche les doigts. Elle lâcha alors le dernier morceau qui descendit en tourbillonnant jusque dans l’eau. Un coup de chasse fit disparaître les cendres.— Terminé !Tu vas m’entendre, demain, Pierre Bernier, tu as intérêt à avoir une explication qui tienne la route. Il ne faut pas me faire des frayeurs pareilles !Elle se glissa sous sa couette en le menaçant du poing, serra sa peluche préférée dans ses bras et la fatigue l’emporta dans unsommeil de petite fille. 2Les infos du matin que diffusait la radio s’insinuèrent lentement jusqu’à son cerveau, mais quelque chose en elle refusait de la laisser se réveiller. À peine sept heures. Trop courte la nuit. Elle songea tout à coup au DVD de Pierre et le voile se déchira. Ils devaient aller tous les deux à Orléans pour couvrir une réunion politique importante, en fin de matinée. Elle avait rendez-vous au journal à huit heures.Debout !Elle repensa aux évènements de la soirée.Perplexe. Ils auraient le temps d’en discuter dans la voiture. Elle aurait son explication.
À huit heures, elle pénétra dans la ruche bourdonnante de l’immeuble duCourrier, rejoignit le bureau du journaliste et s’installa à l’attendre. Un exemplaire toutfrais sorti des presses avait été déposé sur l’imprimante. Elle jeta un coup d’œil à la une et remarqua un article qui avait poussé pendant la nuit. «Une nouvelle bombe artisanale désamorcée à la Gare de l’Est. »Le titre s’étalait sur trois colonnes.«La lutte antiterroriste sera renforcée, a affirmé le Président qui vient de se rendre sur place pour féliciter les démineurs de l’unité spéciale.»Rien de plus dans le papier. Le service de presse de l’Élysée en profitait seulement pour décrire le dispositif antiterroriste en vigueur et le durcissement prévu. Des unités de l’armée de plus en plus nombreuses patrouillant dans les rues et aux frontières, les armes prêtes à servir. Les contrôles de plus en plus fréquents. Des milliers de caméras supplémentaires mises en place chaque année. L’état policier qui s’installait.Malgré tout ça, comment les extrémistes arrivaient-ils à disparaître sans laisser de trace ?« Bidon !Juste histoire de faire encore monter la peur dans la tête des Français obligés de se déplacer pour aller travailler », aurait fulminé Pierre. La troisième bombe désamorcée en deux mois. Des pistes foireuses menant, comme par hasard, chez des activistes de gauche qu’on plaçait en garde à vue, qu’on interrogeait et qu’on relâchait quand on ne pouvait plus les garder enfermés, faute de preuves, après avoir décortiqué leur vie et leurs relations. Ou bien chez Al-Qaïda… L’occasion de remplir les centres de rétention et d’expulser une nouvelle volée d’étrangers. De remettre au goût du jour une surveillance des frontières. «»,Le sécuritarisme galopant installe insensiblement les outils de la dictature… avait écrit son maître de stage, peu de temps auparavant. L’Élysée avait pensé faire voter un projet de loi qui instaurait des règlesadaptées à cette menace. L’Assemblée avait grogné qu’il n’était pas question d’établir des exceptions en matière de droits de l’homme et de justice. On avait vu ce que ça avait donné aux États-Unis, quelques années en arrière. Mais l’idée faisait son chemin. La tactique habituelle : annoncer fort, démentir face aux réactions et mettre en place, discrètement, une bonne partie du projet par petites touches successives. La porte s’ouvrit brusquement et une paire d’yeux fit un tour d’horizon de la pièce.— L’est pas là, Grand Pierre ?Marie affirma qu’il devait arriver d’un moment à l’autre. La tête disparut et le battant se referma. Elle replongea dans le compte rendu du meeting de la veille. À neuf heures, l’inquiétude prit le dessus. Elle songea soudain à la phrase écrite au creux du papier blanc,s’il m’arrivait malheur… Elle décida de l’appeler. La sonnerie dans le vide. Le répondeur.Il doit être en route, se rassura-t-elle. Le téléphone vibra, la faisant sursauter. Elle décrocha, pleine d’espoir.— Marie ? Vous pouvez monter dans mon bureau ?Marescal. Le directeur de la rédaction qu’elle avait déjà rencontré plusieurs fois, mais qui n’avait pas l’habitude de la convoquer ainsi. La panique grimpa d’un cran et sa voix se fit aiguë.— Pierre Bernier n’est pas là, Monsieur. Je sais, montez tout de suite.
Elle bredouilla un mot et raccrocha. — Ouf,il doit être là haut! se dit-elle à voix haute, en récupérant au passage son blouson et l’agenda du journaliste qu’elle glissa dans son sac.Le bureau était vaste et encombré de dossiers qui avaient débordé des étagères pour venir squatter plusieurs chaises. Le directeur de la rédaction était un petit homme jovial qui avait été autrefois correspondant dans toutes les guerres du globe. On avait dû lui trouver un poste plus sédentaire après qu’il eût été sérieusement blessé dans un attentat à Bagdad. Tout le monde l’appréciait, au journal. Il avait attaqué son nouveau job comme il menait l’ancien, avec un enthousiasme contagieux. Pour le moment il faisait une drôle de tête et le couple qui occupait les deux chaises libres devant sa table surchargée n’avait pas l’air d’apporter de bonnes nouvelles. Il se précipita vers Marie et lui serra la main. Celle-ci cherchait désespérément le journaliste des yeux. Marie, il semblerait que Pierre ait eu un problème. Elle le regarda fixement sans dire un mot. Il se tourna vers ses visiteurs comme pour demander leur aide et la présenta. Marie Vernhes, notre stagiaire. Elle travaille avec Bernier. L’homme se leva, et avant qu’il ne parle, la jeune femme comprit qu’il était arrivé quelque chose de grave à son maître de stage. Capitaine Joël Mortier de la PJ. Et le lieutenant Lucie Glaenec. Il avait un léger accent du Sud. Plutôt du Sud-ouest, nota-t-elle instinctivement. Monsieur Bernier a été tué cette nuit, en rentrant chez lui. Deux balles dans la poitrine. Ils ne lui ont laissé aucune chance. Ils devaient l’attendre dans la cour de son immeuble. Le corps a été découvert ce matin derrière les conteneurs à ordure. Ils devaient l’attendre? Vous les avez, capitaine? Vous pensez qu’ils étaient plusieurs attrapés ?La question était montée toute seule, comme ça. Une interrogation de journaliste. Par réflexe. Le policier fit non de la tête. On a deux empreintes de chaussures différentes qui ont marqué le sol quand ils l’ont caché…Marie prit soudain conscience que ce n’était pas un fait divers comme on en traitait chaque jour dans la presse. C’était le Grand Pierre qui avait été assassiné par deux tueurs.Son Pierre Bernier à elle. Elleeut comme un flash où elle le vit baignant dans son sang dans la pénombre froide et l’odeur aigre d’un local à poubelles. Elle n’entendrait plus jamais sa voix moqueuse.Le lieutenant Glaenec la sentit s’affaisser, lui avança une chaiseen catastrophe et elle s’y effondra en larmes. Pourriez-? Votre directeur nous a dit que vous deviezvous répondre à quelques questions l’accompagner hier soir au meeting de la Mutualité. Vous étiez bien avec lui, n’est-ce pas ?La jeune femme renifla et s’essuya les yeux d’un revers de main.— Oui. Et nous avons passé un bon moment ensemble au bar avec d’autres confrères après la réunion publique. Mais vous savez déjà tout ça, il y avait encore des voitures banalisées en face quand nous sommes sortis…Les deux policiers se regardèrent un instant. Surpris.Ils n’étaient pas au courant,nota-t-elle.
— Vousvous êtes séparés sur le trottoir? Il est parti à pied? A-t-il dit quelque chose de particulier avant de vous quitter ?Il a dit bonne nuit et il a traversé. Il habitait plus haut, dans le quartier, pas très loin. Et il aimait marcher. Est-ce que vous avez remarqué dans son attitude, ces derniers temps, quelque chose qui pourrait laisser penser qu’il avait peur, ou qu’il se croyait en danger ?Une boule dure se forma au niveau de son estomac. On y était. Devait-elle parler de l’enveloppe brune qu’il avait glissée dans sa poche juste avant de sortir du bar? Et du papier qu’elle avait brûlé ?Elle se sentit rougir. Rien qu’à voir sa tête, ils devaient suspecter qu’elle savait quelque chose de plus. Elle écouta son instinct de journaliste qui lui disait de se taire et de trouver une explication plausible à son trouble. Non, rien de précis, hésita-t-elle en essuyant ses yeux avec sa manche. Cependant,depuis deux ou trois semaines au moins, il me semblait tendu, préoccupé, quand il était seul. Je le voyais souvent, vous comprenez, on travaillait beaucoup ensemble. Je lui ai posé la question, plusieurs fois. Mais il était champion pour changer de sujets’il ne voulait pas répondre. Il m’a juste dit en riant, il y a trois jours, qu’il tenait peut-être un scoop. Je n’ai pas pu en apprendre davantage.Elle eut soudain un mouvement de panique en lisant l’heure à la pendule accrochée au mur et se tourna vers le patron de la rédaction. — On devait partir à Orléans, ce matin…— J’ai envoyé Rollien, dès que j’ai su…Elle sortit un kleenex de sa poche et se moucha discrètement. Ses larmes coulaient toujours et voilaient ses yeux. Sur quels sujets travaillait-il, ces derniers temps ?La question s’adressait également au directeur et il s’empressa de répondre.— Pierreétait un grand spécialiste de l’international, un expert en relation avec le Moyen-Orient. Il écrivait dans plusieurs revues. Des livres aussi. Ici, il suivait tout ce qui concernait notre politique intérieure. Tout le monde aimait son tact et sa patience. Il avait ses entrées dans tous les partis et avait beaucoup de contacts au gouvernement. Ces jours-ci, il travaillait sur la grogne de certains parlementaires de la majorité face aux nouvelles mesures antiterroristes. Sur une masse d’autres sujets politiques plus ou moins sensibles aussi.— Il n’a jamais enquêté sur des affaires judiciaires touchant de près le crime organisé ? Ou écrit dessus ?— Non, jamais ! Ce n’était pas ce genre de journalisme. Vous pensez à des professionnels ?— Groscalibre, deux balles groupées dans la région du cœur, trop efficace! Ce n’est pas un crime crapuleux, ça ressemble fort à une exécution. — On lui a dérobé quelque chose ? demanda Marie de sa petite voix ? Il trimbalait toujours son Mac dans son sac… Il disait qu’il avait toute sa vie à l’intérieur.Son sac a disparu et on l’a délesté de son portefeuille, mais rien ne justifie lesdeux balles. De plus…
Les deux flics se regardèrent un instant, puis le capitaine termina sa phrase. De plus, on a retrouvé son trousseau de clefs sur le sol, près de là où il a dû être agressé et son appartement, trois étages plus haut, n’a pas été visité. Dans sa poche, son téléphone commença à diffuser les premières mesures deLa Cucaracha. Un grognement d’excuse.— Mortier… Oui, je suis encore au journal…Sa mâchoire se contracta et il écouta son interlocuteur pendant un long moment, sans poser de question, puis replia son mobile et le remit à sa place. — Correction !L’appartement vient juste d’être visité… Et on y va tout de suite, ajouta-t-il en tirant sa collègue par le bras.
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