Enquete ILC retraite et démence
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Traduction à l’initiative d’ ILC France de l’article publié dans l’« European Journal of Epidemiology » « Older age at retirement is associated with decreased risk of dementia » Eur. J. epidemiol 2014; 29:253-61. Un âge plus élevé à la retraite est associé à une diminution du risque de démence. Carole Dufouil, PhD1,2, Edwige Pereira E, MSc1,2, Geneviève Chêne, MD PhD1,2,3, M Maria Glymour ScD4, Annick Alpérovitch MD MSc2, Elodie Saubusse MSc5, Mathilde Risse-Fleury MD6, Brigitte Heuls MD7, Jean-Claude Salord MD8, Marie-Anne Brieu MD8, Françoise Forette MD8,9 1 INSERM, ISPED, Centre INSERM U897-Epidemiologie-Biostatistique & CIC-EC7, F-33000 Bordeaux, France 2 Univ. Bordeaux, ISPED, Centre INSERM U897-Epidemiologie-Biostatistique, F-33000 France 3 CHU de Pôle de Santé Publique, F-33000 Bordeaux, France 4 Department of Epidemiology and Biostatistics - University of California, San Francisco, USA 5 Régime Social des Indépendants, F-33000 Bordeaux, France 6 Régime Social des Indépendants, F-93200 Saint-Denis, France 7 Agence Nationale de sécurité du médicament et des produits de santé, F-93200 Saint-Denis, France 8 International Longevity Centre-France, F-75016 Paris, France 9 University René Descartes, F-75005, Paris, France Correspondance: Carole Dufouil - INSERM U897 and CIC-EC7 - Bâtiment ISPED- Université Bordeaux 2 - 146 rue Léo Saignat - 33076 Bordeaux Cédex, France, Phone : + 33557571423, Email : carole.dufouil@isped.u- bordeaux2.

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Publié le 17 juillet 2014
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Langue Français

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Traduction à l’initiative d’ ILC France de l’article publié dans l’« European Journal of Epidemiolog »« Older age at retirement is associated with decreased risk of dementia » Eur. J. epidemiol 2014; 29:253-61.
Un âge plus élevé àla retraite est associéà une diminution du risque de démence.
Carole Dufouil, PhD1,2, Edwige Pereira E, MSc1,2, Geneviève Chêne, MD PhD1,2,3, M Maria Glymour ScD4, Annick Alpérovitch MD MSc2, Elodie Saubusse MSc5, Mathilde Risse-Fleury MD6, Brigitte Heuls MD7, Jean-Claude Salord MD8, Marie-Anne Brieu MD8, Françoise Forette MD8,9
1 INSERM, ISPED, Centre INSERM U897-Epidemiologie-Biostatistique & CIC-EC7, F-33000 Bordeaux, France 2 Univ. Bordeaux, ISPED, Centre INSERM U897-Epidemiologie-Biostatistique, F-33000 Bordeaux, France 3 CHU de Bordeaux, Pôle de Santé Publique, F-33000 Bordeaux, France 4 Department of Epidemiology and Biostatistics - University of California, San Francisco, USA 5 Régime Social des Indépendants, F-33000 Bordeaux, France 6 Régime Social des Indépendants, F-93200 Saint-Denis, France 7 Agence Nationale de sécurité du médicament et des produits de santé, F-93200 Saint-Denis, France 8 International Longevity Centre-France, F-75016 Paris, France 9 University René Descartes, F-75005, Paris, France Correspondance:Carole Dufouil - INSERM U897 and CIC-EC7 - Bâtiment ISPED- Université Bordeaux 2 - 146 rue Léo Saignat - 33076 Bordeaux Cédex, France, Phone : + 33557571423, Email : carole.dufouil@isped.u-bordeaux2.fr Résumé Pour vérifier l’hypothèse d’une association entre l’âge de départ à la retraiteet le risque de démence chez les travailleurs indépendants en France, nous avons croiséles bases de données santé et retraite des travailleurs indépendants adhérants au Régime Social des Indépendants (RSI). Nous avons extrait les données des personnes qui étaientvivants et à la retraite au 31 décembre 2010. Les cas de démence étaient détectés dans la base de données soit par la déclaration d’une maladie chronique à long terme codée comme maladie d’Alzheimer et autres démences (ALD 15)(codes G30, F00, F03 de la Classification Internationale des Maladies), soit par la demande de remboursement de l’un des médicaments anti-Alzheimer.Les données étaient analysées à l’aide du modèle de Cox ajusté sur d’éventuels facteurs de confusion. La prévalence de la démence était de 2,65 % parmi les 429 803 travailleurs. Des analyses multivariéesont montré que le risque relatif de démence était de 0,968 [Intervalle de confiance 95 % = (0,962-0,973)] pour chaque année supplémentaire d’âge de départà la retraite. Après exclusion des travailleurs dont la 1
démence a été diagnostiquée dans les 5 ans suivant la retraite, les résultats sont restés inchangés et hautementsignificatifs (p < 0,0001). Il ne fait aucun doute qu’une diminution significative du risque de développer une démence est associéà un âge plus élevé de départ à la retraite, en accord avec l’hypothèse «use it or loose it» (ce qui n’est pas utilisé est perdu )D’autres données seront nécessaires pour affirmer un lien de cause à effet, mais d’après nos résultats, il semble capital de conserver un haut niveau de stimulation cognitive et sociale tant au cours de la vie active que pendant la retraite
Mots clés: Démence. Réserve cognitive. Prévention. Stimulation intellectuelle.
Il est admis aujourd’hui quela stimulation intellectuelle pourrait prévenirla démence ou différer sa survenue. Les premiersarguments proviennent de l’association constamment 1,2 rapportée entre un niveau d’éducation plus élevé et un risque plus faible de démence. Ces résultats robustes permettent de proposerle concept de « réserve cognitive », en postulant qu’un niveau d’éducation plus élevé protège, passivement ouactivement contre les effets - 35 biologiques du vieillissement cérébral. A côté du niveau d’éducation, d’autres activités intellectuellement stimulantesprotègent également contre les manifestations cliniques du 6 7-10 vieillissement cérébral: les occupations qui nécessitent une activité mentale complexe ainsi quela participation à des activités de loisir ou d’autres activités cognitives 11,12 stimulantes .Globalement, il semble qu’une activité mentale pendant toute la vie 13 pourrait protéger de la démence. L’impact, tout au long de la vie, des modifications de l’activité mentale sur l’évolution du déclin cognitif, a aussi été analysé. D’une part, certaines études indiquent qu’un entraînement cognitif intensif est efficace pour retarder/ralentir le 14-16 déclin cognitif, d’autre part des études ont recherché si la diminution de l’implication intellectuelle ou de la stimulation cognitive au cours de la vie étaient associées au risque de démence. La retraite est une source potentiellement importante de réduction de la stimulation mentale.Le risque potentiel d’augmentation de démence à la retraite a des implications cliniques et politiques, dans la mesure où les politiques de retraite et de 17 pension influentfortement sur l’âge de départ à la retraite. Même si l’âge de la retraite 2
n’a que des effets modestes sur la chronologie de survenue de la démence, l’effet en termes 18 de santé publique et d’impact financier pourrait être énorme. À ce jour,peu d’études ont analysé le lien entre retraite et risque de démence ou déclin cognitif. Dans la plupart de ces 19-21 17 études ,mais pas dans toutes, la retraite est associée à de moins bons scores des tests cognitifs, qui montrent que l’âge de la retraite pourrait s’associer à un risque de démence, même si lesmesures de données cognitives sont limitées dans la plupart des études.
Notre objectifest d’étudier les relations entre l’âge de départ à la retraite et le risque de démence, à l’aide d’informations issues des bases de données des pensions et soins de santé des travailleurs indépendants adhérant à un système spécifique combinantassurance santé et retraite (RSI).
Population et Méthodes
Le Régime Social des Indépendants (RSI) est une organisation spécifique des travailleurs indépendants. Il couvre les pensions et soins de santé pour ses membres. Les bases de données des pensions et soins de santé sont anonymisées. Elles contiennent des informations sur les caractéristiques démographiques et les soins médicaux (par exemple, les visites chez le généraliste et autres spécialistes, les analyses de laboratoire, les médicaments prescrits). Pour chaque médicament prescrit, le code [selon le système de classification Anatomique, Thérapeutique et Chimique (ATC)], la date d’achat et le nom des prescripteurs sont entrés dans la base de données. Celle-ci n’inclut aucune information clinique autre que, lorsqu’il le faut, la déclaration des maladies chroniques [appelées e « affectionsde longue durée» (ALD) et codées selon la 10révision de la Classification Internationale des Maladies] ainsi que, si besoin est, leur date de diagnostic. Nousn’avons pris en compte que les maladies chroniques antérieures à un diagnostic de démence. Les bases de données des pensions comprennent des informations relatives à la retraite (date, montant de la pension) et des données sur les dernières occupations professionnelles effectuées avant la retraite. Dans cette étude, la population source est définie comme toutes les personnes appartenant aux bases de données du RSI, recevant une pension de retraite au
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31 décembre 2010 et pour qui les données des soins de santé étaient disponibles. Les données ont été extraites en mai 2011.
Données prises en compte En France, 30 maladies chroniques sont classées en ALD et numérotées de 1 à 30, permettant un remboursement à 100 % de toutes les dépenses médicales. La démence (maladie d’Alzheimer et autres démences) est l’ALD 15 dans cette liste. La définition des cas de démence est basée sur 1) l’achat de médicaments contre la démence ou 2) le diagnostic de démence basé sur la demande de classement d’un patient en ALD dans la catégorie « démence » par un médecin. Les médicaments contre la démence utilisés pour la définition d’un cas sont soit des inhibiteurs de l’acétylcholinestérase (donépézil, galantamine, rivastigmine) soit des antagonistes partiels duNMDA récepteur(mémantine). Ces médicaments ont été systématiquement prescrits en France aux stades légers à sévères de la maladie, jusqu’à la mise à jour récente (octobre 2011) des recommandations de l’Agence Nationale de Sécurité du Médicament (ANSM). Sur la demande de son médecin, le patient peut bénéficierde l’ALD 15 après validation par le RSI. Cette validation peut comprendre soit l’examen du dossiermédical soit, dans certains cas, un examen clinique spécifique par un médecin travaillant pour le RSI. L’âge au moment du diagnostic de la démence était défini comme l’âge du premier achat de médicament contre la démence oucelui dela déclaration de l’ « ALD 15 ». La date du diagnostic de la démence recouvretoute la période de retraite er de chaque individu ; les médicaments n’étant disponibles qu’à partir du 1janvier 2008, ils ne peuvent concourir audiagnostic qu’après cette date. Exclusions Les exclusions sont les suivantes : Les professions autres qu’artisans ou commerçants (par exemple, avocats indépendants) qui ont vraisemblablement d’autres sources de revenu de retraite que le RSI
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Les bénéficiaires de l’assurance autres que le travailleur indépendant lui-même (par exemple son épouse ou ses enfants peuvent être couverts par l’assurance du RSI pour le remboursement des frais de santé, mais les informations qui y sont liées sont effacées de la base de données analytique)
Les personnes prenant des antiparkinsoniens ou diagnostiquées comme « maladie de Parkinson » selon la déclaration de l’ALD
Les personnes qui travaillent tout en recevant une pension Les personnes démentes avant ou au moment de leur départ à la retraite Covariables Les covariables extraites des bases de données sont : le sexe, le lieu de résidence, la situation matrimoniale (marié vsmarié), le nombre de semestres de travail non validés pour le calcul du niveau de pension du RSI, le montant de la pension due par le RSI, la dernière catégorie professionnelle (artisans et/ou commerçants), le type de retraite selon la classification du RSI (anticipée, pour handicap, à taux réduit, à taux plein, surévaluée), toutesles prescriptions de médicaments en 2010, la déclaration éventuelle de n’importe laquelle des sept autres ALD et leur âge de déclaration. Parmi les 29 maladies chroniques restantes, nous insistons plus particulièrement sur : l’AVC (ICD-10 « I60-I69, G81 »), le diabète (ICD-10 « E10-E14 »), l’hypertension sévère (ICD-10 «I10 »),la maladie coronaire («ALD 13» ;codes ICD-10 «I20, I21, I25»), l’artériopathie chronique (codes ICD-10 «I70-I74, I25»), l’insuffisance cardiaque sévère («I05-I06, I34-I35, I42, I48-I50, Q22-Q28), les troubles psychiatriques (codes ICD-10 «F10, F20, F22, F29, F31-F34, F401, F60, F79, F84). Les troubles psychiatriques sont classés comme « absents », « présents et diagnostiqués moins de 1 an avant ou après le départ à la retraite », « présents et diagnostiqués entre 1 et 5 ans avant ou après le départ à la retraite », « présents et diagnostiqués plus de 5 ans avant ou après le départ à la retraite ». Nous avons aussi classé les personnes avec un « Diagnosticd’au moins une maladie chronique autre que la démence» pour toute « ALD ».
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Méthodes statistiques
Le risque de démence en relation avec l’âge au moment de la retraite est analysé à l’aide dumodèle de régression de Cox. Dans ces modèles, la variable dépendant du temps était l’âge au moment du diagnostic pour les cas de démences et l’âge au 31 décembre 2010 pour les personnes non démentes (données censurées). Dans toutes les analyses, nous avons ajusté en fonction du sexe mais aussidu lieude résidence, de la situation matrimoniale, la catégorie d’emploi, le type de retraite, le montant de la pension, le nombre de semestres travaillés comme « artisan ou commerçant », le diagnostic d’hypertension, de diabète. Nous avons aussi réalisé des analyses stratifiées par sexe, catégorie d’emploi et autres diagnostics de maladies (selon « l’ALD »). Dans une analyse de sensibilité, nous avons exclu tous les cas de démence étant intervenus dans les 5 ans ou dans les 10 ans suivant la retraite pour minimiser les biais de causalité inverse. Comme certaines personnes ont travaillé une partie de leur carrière dans d’autres activités qu’ « artisan ou commerçant », nous avons aussi analysé l’échantillon restreint de ceux qui avaient travaillé au moins 20 ans dans cette activité (presque 70 % de l’échantillon). La retraite anticipée (avant 60 ans) étant potentiellement liée à une mauvaise santé, nous avons aussi évalué l’association entre l’âge au moment de la retraite et le risque de démence chez ceux qui ont pris leur retraite après 60 ans et ceux qui l’ont prise après 70 ans, afin d’évaluer la fiabilité des résultats. Les analyses étant seulement basées sur les personnes encore vivantes au 31 décembre 2010 (date de l’extraction des données), nous avons examiné l’impact des biais de survie et de l’effet de l’âge de la cohorte sur nos résultats en réalisant des analyses stratifiées par tranches d’années de naissance [< 1920, (1920-1930), (1930-1940), 1940 et plus]. Les troubles psychiatriques (surtout les épisodes dépressifs majeurs) sont plus fréquents chez les patients déments que chez les témoins et peuvent conduire à une retraite anticipée. Afin de contrôler un éventuel biais ou effet confondant, nous avons réalisé des analyses de sensibilité en ajustant le délai entre la survenue des troubles psychiatriques et la date de la retraite et aussi en excluant les personnes diagnostiquées moins de 1 an avant ou après le départ en retraite.
Les conditions du diagnostic de démence ayant changé en France au cours du temps, nous avons aussi réalisé une analyse stratifiée par année de diagnostic (< 2006, 2006, 2007, 2008, 2009, 2010). Résultats Au total, 429803 personnes ont été incluses dans l’étude, dont 11397 (2,65 %) étaient démentes au 21 décembre 2010. La prévalence de la démence varie de 0,07 % chez les personnes de 65-69 ans à 10,2 % chez celles de 85 ans et plus. La prévalence de la démence ne varie pas entre les hommes et les femmes jusqu’à l’âge de 80 ans. Après 85 ans, une différence marquée apparaît, la prévalence doublant presque chez les femmes (12,8 %) par rapport aux hommes (7 %). Parmi les 11397 cas de démence, 88 % (n = 10029) sont classés comme tels sur la déclaration de l’ALD et 12 % sont identifiés seulement par l’utilisation d’un médicament prescrit sur ordonnance. Le tableau I montre les caractéristiques de l’échantillon au moment de l’extraction des données en fonction du diagnostic de démence. En moyenne, les personnes atteintes de démence ont 10,9 ans de plus que les non-démentes. Les cas de démence sont plus fréquents chez les femmes, plus fréquents chez les artisans, et plus souvent accompagnés d’une maladie cardiovasculaire, en particulier hypertension et AVC. Leur niveau moyen de pension est plus faible que celui de ceux qui ne sont pas déments. La figure 1 montre la distribution de l’âge au moment de la retraite, avec deux groupes, un à 60 ans et l’autre, plus petit, à 65 ans ; ces âges correspondent aux âges minimum légauxde départ à la retraite dans la législation française (l’âge de départ légal à la retraite est passé de 65 à 60 ans en 1982). Les travailleurs indépendants n’étant pas liés par l’âge de départ légal à la retraite, la variabilité de ces deux groupes est considérable. En moyenne, les personnes étaient parties à la retraite depuis 12,5 ans [Écart type (ET) = 7,6], mais les personnes démentes étaient parties à la retraite depuis plus longtemps, ce qui est cohérent avec un âge plus élevé en moyenne. 7
Dans le modèle de Cox ajusté sur le sexe, nous observons qu’une augmentation de 1 an de l’âge de départ à la retraite s’associe à un risque plus faible de 3,1 % de démence (p = 0,0001). Une autre analyse multivariée ajustée sur un plus grand nombre de facteurs confondants potentiels (situation matrimoniale, lieu de résidence, montant de la pension, durée du travail en tant que travailleur indépendant, catégorie d’emploi, type de retraite, diabète, hypertension) a conduit à des estimations similaires [risque relatif (RR) exprimé en ratio de risque (HR) pour une année supplémentaire d’âge de départ à la retraite = 0,968; IC 95 % = (0,962-0,973)]. L’association d’un âge de départ à la retraite plus élevé et d’une diminution du risque de démence est plus forte chez les hommes [ratio de risque = 0,956 ; IC 95 % = (0,947-0,964)] que chez les femmes [ratio de risque = 0,976; IC 95 % = (0,970-0,983)] (Tableau II). Une série d’analyses stratifiées par catégories d’emploi, types de retraite, comorbidités, est concordanteavec l’association entre un âge plus élevé au moment du départ en retraite et un risque plus faible de démence (Tableau II). Dans les études de sensibilité excluant les cas de démence intervenant moins de 5 ans après le départ à la retraite (n = 517), l’estimation ponctuelle du R est même plus basse [HR = 0,95, IC 95 % = 0,944-0,956)]. De même, nous avons estimé des modèles excluant les cas de démence survenus dans les 10 ans après la retraite (n = 1 549), l’estimation ponctuelle du RR était alors 0,918, IC 95 % = (0,912-0,924). Nous avons aussi répété des analyses en excluant les personnes qui ont pris leur retraite après 75 ans en cas d’erreur de classification de l’âge de départ à la retraite; les estimations étaient presque identiques (HR = 0,970). Les analyses limitées à ceux qui ont travaillé plus de 20 ans comme « artisans ou commerçants » sont cohérentes avec l’association entre l’âge de départ à la retraite et le risque de démence (HR = 0,965, IC = 0,959-0,972). Nous avons exclu les personnes qui ont pris leur retraite avant l’âge de 60 ans, une retraite anticipée pouvant être signe de mauvaise santé (n = 34677) mais les résultats sont restés inchangés [HR = 0,969, IC 95 % = (0,964-0,975)]. La dépression majeure représente 80 % des troubles psychiatriques diagnostiqués. En ajustant sur le délai entre le diagnostic du trouble psychiatrique et la date de départ à la retraite ou en excluant les personnes ayant un trouble psychiatrique moins de 1 an après ou 8
avant le départ à la retraite, le résultat principal n’a pas changé [HR = 0,969, IC 95 % = (0,964-0,974)]. Nous avons enfin exclu les cas identifiés sur la seule prise de médicament anti-Alzheimer (n = 1029) ;l’estimation est presque inchangée [HR = 0,971, IC 95 % = (0,965-0,976)].
Dans des analyses stratifiées par «génération »(Tableau III), nous avons noté des schémas similaires pour toutes les cohortes de naissance. Les sujets nés après 1940 avaient un RR le plus éloigné du zéro, le biais de survie étant probablement moins prononcé.
Enfin, dans les analyses stratifiées par année de diagnostic (Tableau IV), le RR pour l’âge de départ à la retraite était statistiquement significatif et protecteur pour chaque classe ; le ratio de risque variant de 0,942 pour les personnes diagnostiquées en 2010 à 0,984 pour celles diagnostiquées en 2006.
Discussion Dans un échantillon important de travailleurs indépendants retraités, nous avons démontré une relationInverse entrele risque de développer une démence et un âge plus élevé de départ à la retraite. Les donnéessont concordantesdans les analyses stratifiées par le type de travail et par la présence de comorbidités (en particulier les pathologies cardiovasculaires et les troubles psychiatriques). Ces résultats ne sont vraisemblablement pas dus à une causalité inverse, étant donné que les résultats étaientconcordants et même plus marqués en excluant tous les cas de démence intervenus plus de 5 ou 10 ans après le départ à la retraite. Les résultats demeurent valides en considérant les biais éventuels de «génération/cohorte »ou d’« évolution du diagnostic » : les résultats sont restésconcordants dans les analyses de sensibilité stratifiées par année de naissance ou année du diagnostic de démence.  L’âge plus élevé de départ à la retraitede ces travailleurs indépendants reflète à la fois une vie active plus longue mais aussi un choix personnel de travailler au-delà de l’âge obligatoire de départ à la retraite pour les autres travailleurs français. 9
Cependant, nos données ne nous permettent pas de distinguer les effets d’un départ à la retraite différé à cause d’un choix personnel ou des conséquences des lois sur le travail.
Une seule étude antérieure a analysé l’association de l’âge de départ à la retraite et 20 du risque de démence. Luptonet al. .Dans cette étude comportant 1320 cas probables de maladie d’Alzheimer (MA), les auteurs ont constaté qu’un âge plus tardif de départ à la retraite est associé à une survenue plus tardive de MA. L’échantillon étant cependant basé uniquement sur des cas de MA, la généralisation des résultats reste donc fragile. D’autres études ont signalé un lien entre la retraite et les fonctions cognitives plutôt qu’avec la démence per-se et leurs résultats sont globalement contradictoires, rapportant diversement des effets nocifs, bénéfiques ou nuls. Les données de l’étude 19 Retirement and Health studyont été analysées selon une approche économétrique. À partir d’un échantillon de 14710 répondeurs, une diminution des performances cognitives a été rapportée après l’âge de 62 ans (âge minimal de demande des prestations de la Sécurité Sociale). En utilisant un sous-échantillon (n = 11 311) de la 17 même étude, Coeet al. ontcomparé les trajectoires de déclin cognitif de jeunes retraités (à l’âge de 55 ans) à celles de retraités tardifs (à l’âge de 62 ans) en utilisant les incitations à la retraite anticipée comme variable instrumentale dans cet échantillon d’une population américaine. Ils n’ont trouvé aucune donnée en faveur d’une association inverse entre la durée de la retraite et le déclin des fonctions cognitives ni d’autres éléments suggérant que parmi les cols bleus, un départ à la retraite anticipé puisse être bénéfique. 22 Rohwedderet al. ont utiliséles différences internationales de politiques d’incitations à la retraite (aux USA et dans 11 pays européens) comme variable instrumentale pour mesurer l’effet de la retraite sur les scores de mémoire et ils ont trouvé d’importants effets délétères de cette dernière sur la mémoire. Cependant, cette analyse était basée sur des évaluations transversales (et non longitudinales)de la mémoire et elle ne prenait pas en compte les autres sources de différence nationale dans les scores de mémoire, comme le niveau de scolarité. Dans une 10
analyse annexe de l’étude Whitehall II qui incluait 2 031 fonctionnaires masculins, les performances cognitives moyennes pendant un suivi de 5 ans ont augmenté, mais la pente d’augmentation était plus faible chez ceux qui étaient retraités que chez ceux 21 qui travaillaient encore. L’effet de l’âge au moment du départ à la retraite sur d’autres aspects de la santé a aussi été largement étudié. Ces études sont essentiellement en faveur de conséquences néfastes de la prise de retraite anticipée 23-25 sur la santételles que la mortalité etles événements cardiovasculaires.
La prévention du déclin cognitif et de la démence par un âge plus élevé au moment de la retraite pourrait s’expliquer par des changements de conditions financières dus au revenu limité des pensions ou à une détérioration de la santé au moment de la retraite. Cependant le travail lui-même pourrait présenter des effets bénéfiques cognitifs :les salariés étant plus soumis à des exercices mentaux stimulant la cognition que les retraités. De plus, certaines professionsoffrent des activitésplus riches en interactions sociales et en activité physique que celles des retraités. Les effets bénéfiques cognitifs du travail sont en accord avec le concept « use it or loose it »(ce qui n’est pas utilisé est perdu)ainsi qu’avec l’hypothèse de laréserve cognitive, selon laquelle une activité mentale complexe protège contre les 26,27 conséquences cliniques des lésions cérébrales dues au processus de démence. Selon cette hypothèse, des études ont démontré qu’un travail exigeant ou socialement prenant pendant la vie adulte s’associe à de meilleures performances 10 cognitives plus tard dans la vie. Notre étude ne permet pas de savoir quel type de travail peut être bénéfique. Tous les métiers ne nécessitant pas le même niveau de complexité mentale, il est nécessaire de mieux analyser si l’effet protecteur apparent d’un âge plus élevé du départ à la retraite sur le risque de démence, s’applique quel que soit le type de travail. L’effet de la retraite pouvant être spécifique à chaque emploi. Cette hypothèse pourrait être explorée par l’analysed’autres bases de données. Qu’une retraite tardive protège de la démence grâce à une stimulation continue est également soutenu par les résultats d’études contrôlées randomisées ayant démontré l’effet cognitif bénéfique d’exercices intellectuels comparés aux situations 11
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