Les efforts vers le patient en matière de lutte contre le cancer. Comment mieux les orienter ? - article ; n°1 ; vol.9, pg 137-144
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Santé, Société et Solidarité - Année 2010 - Volume 9 - Numéro 1 - Pages 137-144
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Publié le 01 janvier 2010
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FORUM« LE CANCER AU QUOTIDIEN»
Débats en présence des représentants gouvernementaux
Les efforts vers le patient en matière de lutte contre le cancer. Comment mieux les orienter ?
Représentants de la société civile Maurice SchneiderFRANCELe diagnostic d’annonce qui introduit la Ligue contre le cancer nouvelle prise en charge médicale se fait en quatre temps. J’aimerais vous dire comment la Ligue contre le cancer aide les malades. J’indique Il y a d’abord ce que j’appellerai le rai d’abord que la Ligue compte plus de « temps médical ». Les médecins concernés 725 000 adhérents et environ 10 000 salariés par le diagnostic conviennent, lors d’une et bénévoles. Il s’agit de la seule association rencontre pluridisciplinaire, des éléments caritative non gouvernementale dont la mis d’un plan d’intervention personnalisé de sion couvre l’ensemble des domaines de la soins pour le malade. Ensuite seulement, le lutte contre le cancer. Son budget annuel médecin traitant rencontre le patient ou la dépasse les 95 millions d’euros. patiente, formule le diagnostic le plus res La Ligue contre le cancer ne serait pas pectueusement possible et s’engage à faire ce qu’elle est aujourd’hui sans une initiative participer la personne atteinte aux décisions très importante qui s’est tenue respectivement médicales la concernant. en 1998, 2000 et 2004. Il s’est agi des trois Vient ensuite le « temps des soignants ». États généraux des malades qui ont réuni, à Entre alors en scène l’infirmière dédiée – Paris et en province, plus de 30 000 malades dont les tâches ne sont pas exactement les et leurs proches. Cette formidable prise de mêmes que celles que vous confiez au parole a conduit à la formulation des 70 pro Québec à l’infirmière pivot – qui doit positions d’un premier Plan cancer présiden s’enquérir des besoins du malade. Elle tiel, déjà à la veille d’être suivi d’un second. devra, par exemple, identifier la pertinence Étant donné le peu de temps à maqu’un psychologue ou une assistance sociale disposition, je serais bien en peine de vousrencontre la patiente ou le patient. exposer toute l’action de la Ligue qui est pré Le « temps des soins de support » suivra sente sur tous les fronts. Je vous ferai part si l’intervention d’un médecin spécialiste est d’une de nos interventions, pilotée conjointe requise pour maîtriser la douleur, par exemple. ment avec l’Institut national du cancer, qui a eu pour résultat de modifier la façon dontsetemps d’articuOn se ménage, enfin, le « fait maintenant en France la prise en charge». Il s’agitlation avec la médecine de ville médicale auprès des personnes atteintes ded’une étape essentielle à la coordination des cancer, en particulier lors du temps très imporsoins qui, à l’avenir, méritera qu’on lui porte tantqui entoure l’annonce de leur diagnostic.une meilleure attention. Les nouvelles modalités auxquelles a mené L’obligation de se conformer à l’application notre intervention sont connues sousle nom de ce dispositif d’annonce s’étend maintenant de « dispositif d’annonce ». Il faut reveniraux à tous les établissements hospitaliers. Un peu États généraux pour comprendre comment il avant sa mise en place, en 2002, la Loi des a pris forme. Au cours de ces délibérations, droits des malades avait reconnu aux patients fréquemment, des malades et des proches, l’accès, sur demande, à leur dossier médical. choqués de s’être fait annoncer un diagnostic de cancer sans ménagement, parfois entreJe tiens à vous faire part d’un autre élé deux portes, ont appelé à ce changement.ment relatif à la qualité des soins offerts aux
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Maurice Schneider
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Pierre Audet-Lapointe
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personnes atteintes de cancer. Les établis sements publics et privés qui ne se sont pas conformés aux nouveaux éléments du pro tocole de soins (la réunion de concertation interdisciplinaire et le dispositif d’annonce) ou qui ne compteront pas à leur actif un nombre suffisant de chirurgies ou d’actes de radiothérapies et de chimiothérapies ne seront pas agréés en 2010 comme établisse ments autorisés à traiter les personnes atteintes de cancer.
La fonction d’information du malade assumée par la Ligue contre le cancer porte sur différents objets et prend différentes formes : des publications, l’animation d’ate liers, des conférencesdébats et l’accompa gnement psychosocial pour n’en nommer que quelquesunes. Nous avons toujours été présents durant le séjour hospitalier de la personne malade en lui offrant l’information d’ordre thérapeutique et social de nature à l’intéresser. Nous nous préoccupons main tenant beaucoup de lui fournir l’information et le soutien nécessaires, à la sortie de l’hôpital, afin qu’elle obtienne toute l’aide utile et les soins de support à son retour à domicile et, de plus en plus, à son retour en emploi. La Ligue contre le cancer a créé 29 espaces de rencontre et d’information et 139 espaces d’information Ligue afin d’être en mesure de remplir le mieux possible ce rôle d’information auprès des malades et de leurs proches.
Hier, en particulier, nous nous sommes demandé si le malade était bien au centre du système de soins. Je n’ai pas de réponse définitive et péremptoire à cette question. Le cancérologue que je suis peut néanmoins répondre sans ambages que la maladie et le malade sont certainement mieux traités qu’auparavant.
Pierre AudetLapointeQUÉBEC Coalition Priorité Cancer Je tiens d’abord à féliciter les organisateurs de ces deux journées et tous les participants.
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En présentant ce matin la synthèse des tra vaux en ateliers, Mme Cases a formulé deux remarques que je juge essentielles : la pre mière est que la France et le Québec se sont
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donné des moyens comparables pour mener leur lutte contre le cancer ; la seconde est que nos différences s’observent surtout sur le plan des modalités organisationnelles de notre action. C’est un point de vue qui a retenu l’attention du porteparole de la Coalition Priorité Cancer du Québec que je suis.
r Le D Bureau a souligné plus tôt qu’il est important que tous les acteurs engagés dans la lutte contre le cancer travaillent ensemble et que leurs actions soient, jusqu’à un certain point,coordonnées. Je tiens à le rassurer. À l’intérieur de la Coalition Priorité Cancer du Québec, letravail d’équipe et la coordination sont les pierres angulaires de notre travail. Si nous ne sommes pas soumis à une réglemen tation particulière, en revanche, notremode de gouvernance repose sur le consensus.
La Coalition, dont je suis l’un des porte parole, regroupe des représentants d’orga nismes bénévoles liés à la lutte contre le cancer, des représentants d’ordres profes sionnels, d’associations professionnelles et des délégués syndicaux et patronaux. En réunissant tous ces groupes, la Coalition Priorité Cancer du Québec représente près de 300 000 Québécois.
La Coalition est née en 2001 pour favori ser une meilleure organisation de la lutte contre le cancer au Québec. Nous avons, nous aussi, tenu des états généraux et nous nous sommes beaucoup inspirés du travail réalisé en France dans le même sens par la Ligue contre le cancer. Nous avons tenu en septem bre 2007 ces états généraux auxquels ont participé 1 000 personnes en compagnie du ministre de la Santé et des Services sociaux r du Québec de l’époque, le D Philippe Couillard. Un compendium de 68 résolutions a été produit au terme de ces états généraux. Il oriente désormais notre action. J’ajouterai que les recommandations issues de nos déli bérations ont largement été orientées par ce qu’a préconisé en France l’Institut national du cancer (INC).
La Coalition Priorité Cancer du Québec estime que des ressources additionnelles importantes (organisationnelles, humaines et financières) seraient nécessaires pour que nous puissions nous vanter d’avoir une véri table politique nationale coordonnée de lutte contre le cancer. Nous estimons par ailleurs
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que la mobilisation sociale requise – qui, seule, mènera à l’amélioration de la lutte contre le cancer, au rehaussement des mesu res de surveillance et au soutien adéquat des personnes qui combattent la maladie – ne s’organisera pas sans l’engagement personnel des plus hautes autorités politiques.
Souvenonsnous de l’effet d’entraînement qu’ont eu à cet égard l’énoncé du président Nixon et, plus récemment, la prise de position
Experts Laurent ChambaudFRANCE Ministère de la Santé et des Sports
Je commencerai par m’interroger sur le titre de ce débat qui nous invite à mieux orien ter nos efforts vers le patient en matière de lutte contre le cancer. Je remplacerai les effortsverspar des effortspour, avec et autour, si j’ose dire. Nos progrès ne se réaliseront effectivement pas seulement en orientant plus d’effortsversles patients, mais en les engageantavec,en collabora tion avec eux. J’ajouterai même que ce n’est pas uniquement les patients que nous devons mettre à contribution, mais l’ensem ble de la population.
Comme beaucoup d’autres, j’ai été très frappé pendant ces deux journées par la similitude des constats et des préoccupa tions recensés des deux côtés de l’Atlantique visàvis de la lutte contre le cancer. On peut penser que cela nous mènera à la poursuite d’études et de recherches comparées qui nous seront mutuellement profitables. Je me risquerai à cet effet à suggérer quatre pistes qui pourraient être poursuivies.
Le premier grand sujet pourrait nous ame ner à étudier tout ce que représente le fait de considérer les personnes atteintes de can certout au long de leur parcours dans la globalitéde leurs besoins.
Je donnerai deux exemples à ce sujet. Dans le domaine du soin, on a fait ressortir la nécessité de coordonner de manière fonc tionnelle les périodes de traitement vécues tantôt à l’hôpital, tantôt à l’extérieur. Ce qui pose la question de l’articulation des rap ports entre les intervenants qui donnent ces
du président Obama. N’oublions pas non plus, évidemment, l’exemple convaincant rapporté pendant le forum de l’appui du président Chirac, repris par le président Sarkozy.
Notre coalition fait appel à tous les Québécois et à toutes les Québécoises. Nous regrettons enfin que les hésitations que nous manifestons, notre décision de limiter notre engagement, coûtent la vie à plusieurs Québécois chaque jour.
soins, indépendamment du lieu où ils sont prodigués. On a par ailleurs beaucoup parlé des médecins généralistes et des médecins traitants en nous interrogeant sur leur place à l’intérieur du dispositif de soins. On a échangé sur le rôle des infirmières pivots au Québec, sur celui des professionnels non médecins en France, beaucoup de questions restent également en suspens concernant l’action des spécialistes : autant d’acteurs dont les contributions mériteront d’être mieux articulées, sans compter l’importance d’aller audelà du soin et d’identifier les besoins à satisfaire à cet égard. Car, en effet, comme on l’a dit, on ne soigne pas une maladie, on prend soin d’une personne, d’unepersonne vulnérable, sur un temps long. Cetteperspective doit nous conduire à changer nos pratiques en profondeur. Aussi bien en France qu’au Québec, on parle désormais de soins de support, de centres ressources pour les organismes communau taires, de la prise en compte des aspects psychologiques, sociaux et financiers. Une chose est certaine ; on doit passer d’un épi sode médical à une prise en charge globale qui intègre tous les éléments de la vie de la personne atteinte.
Ma deuxième piste ou proposition réfère à la nécessité de développer des indicateurs. D’autres l’ont dit. Le besoin n’est pas tant d’en avoir beaucoup que de bien les choisir. Ces indicateurs doivent, pour certains, nous renseigner sur le ressenti, sur les percep tions des personnes et sur l’impact du processus de soins sur leurs conditions de vie. Dans l’édition de samedi dernier du quotidienLe Devoir, un court article traitait du difficile accès aux soins des victimes du
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Laurent Chambaud
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cancer. Il rapportait les résultats d’une enquête qui faisait ressortir les difficultés que rencontrent encore les patients en attente de soins et de services et, en parti culier, l’angoisse créée par les retards qu’ils doivent subir.
Les mêmes problèmes se rencontrent en France. On a beaucoup parlé des dispositifs d’annonce et des soins de support en se rap portant à notre réalité. Mais on met beaucoup de temps à les mettre en place. Annoncés en 2003, ils sont encore dans beaucoup d’endroits à la phase d’implantation. La lenteur qui accompagne ces changements de pratique a beaucoup à voir avec l’acculturation, l’acclima tement des intervenants à de nouvelles manières de faire. Réconcilier le temps des patients et le temps des soignants – bien qu’indispensable – est manifestement très complexe.
Mon troisième point renvoie à la nécessité d’ancrer les mesures des différents plans dans l’organisation générale des soins. Monsieur Saout y a fait allusion en plaidant pour l’arti culation des plans. On doit aller encore plus loin. L’ensemble des moyens mis en place dans la lutte contre le cancer, en tout cas en France, devrait servir à interpeller l’organisa tion générale des soins audelà de la prise en charge des cancers. Le traitement du cancer, en raison de ses multiples composantes, devrait permettre de remettre en question les façons de fonctionner des hôpitaux, notam ment leurs rapports avec la médecine de ville. À cet égard, ce domaine spécifique pourrait servir de lieu exemplaire et expérimental pour le développement de nouvelles modalités de prise en charge de l’ensemble des maladies chroniques.
Mon dernier point rappelle que nos efforts doivent contribuer à la réduction des inégalités, de toutes celles qui s’observent et se creusent au cours des temps très longs de la maladie et même avant. C’est pourquoi je n’ai pas voulu m’en tenir uni quement aux patients et aux soins à leur offrir, mais souhaiter que l’on se préoccupe de l’ensemble de la population. La réduc tion des inégalités commence effectivement avant la maladie, pendant qu’il est encore temps de la prévenir. C’est même probable ment à ce momentlà que le plus important reste à faire. Nous devons donc nous sou
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cier de réduire les différences d’exposition aux risques, en même temps que nous nous occupons de réduire les inégalités d’accès au diagnostic, celles qui persistent au regard de la qualité de la prise en charge ou de la réin sertion dans une vie sociale pleine et entière.
Antoine LoutfiQUÉBEC Ministère de la Santé et des Services sociaux
Le fardeau du cancer est très lourd. Il l’est pour la personne atteinte, pour ses proches, pour la société et pour le système de soins. Les présentations faites dans le cadre de ce forum nous aideront, heureusement, à mieux orienter nos effortsavecle patient, autourde lui etpourlui, pour reprendre les mots de Laurent Chambaud.
Ces présentations viennent en effet confir mer que le bienêtre de la personne atteinte dépendra de bien plus que de la seule qua lité des services médicaux fournis ; d’où l’importance de tenter de satisfaire égale ment les besoins psychosociaux, matériels, spirituels et autres des personnes atteintes.
Comment devrionsnous orienter ou réorienter nos efforts à ces fins ? Plusieurs suggestions ont été formulées. Je résume : on doit écouter la personne, reconnaître ses besoins, lui fournir une information juste et adaptée à ses besoins, en particulier – comme nos amis français – lors de l’annonce du diagnostic et, puisque cela arrive, lors des rechutes. J’insisterai pour ma part sur la planification d’interventions personnalisées, se rattachant à une pratique médicale concertée, de pointe, très humaine et basée sur des données probantes.
La venue et le maintien d’une telle pratique médicale personnalisée et de pointe néces sitera non seulement que l’on soutienne une recherche fondamentale forte pour décou vrir des thérapies ciblées, mais également la recherche clinique en santé afin, par exemple, d’introduire d’une façon sécuritaire et effi cienteles nouvelles percées thérapeutiques et d’aider à corriger les inégalitésd’accès aux soins. Cette pratique devra égalementrester humanisée et être basée sur une expertise que je qualifierais de concertée, de reconnue et de partagée, comme nous l’avons indiqué dans les orientations prioritaires 20072012 du
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Programme québécois de lutte contre le cancer. Le développement de cette pratique nécessitera le respect de cinq conditions.
Premièrement, l’optimisation du travail de concertation des membres des équipes inter disciplinaires implantées à travers tout le Québec par un investissement en ressources humaines et le maintien du soutien à la formation en interdisciplinarité.
Deuxièmement, une grande disponibilité desinfirmières pivots en oncologie pour cimenterce travail interdisciplinaire et aider le patient tout au long de son cheminement ; de là la nécessité de quantifier la charge de travail et de la définir en fonction de la complexité de la maladie.
Troisièmement, un soutien accru aux aidants naturels, aux aidants communautaires et aux intervenants professionnels qui pren dra, par exemple, la forme d’un appui émotionnel et d’un développement profes sionnel optimal ainsi qu’on le précise dans notre plan directeur de formation pour les intervenants en soins palliatifs.
Quatrièmement, un accompagnement sou tenu des malades, notamment des personnes âgées, handicapées, des jeunes et de leurs familles, au moyen de politiques qui facilite ront leur réintégration professionnelle et sociale et empêcheront la discrimination à leur endroit.
Enfin, cinquièmement, la présence d’une infrastructure informatique permettant de mesurer nos actions et d’évaluer notre perfor mance ; au niveau provincial, au moyen d’un registre québécois du cancer, et au niveau local, par des bases de données ou un regis tre disposant des ressources nécessaires pour garantir sa performance.
Cela dit, notre responsabilité ne se limite pas à venir en aide aux personnes atteintes de cancer ; elle s’étend à celles qui sont à risque d’en développer un, c’estàdire à toute la population. Voilà pourquoi nous devons encourager le développement de saines habi tudes de vie, telles une saine alimentation et
la pratique de l’activité physique. Dans ce contexte, le maintien des dispositions de la Loi sur le tabac demeure indispensable. Et r comme le D Béliveau le disait hier, puisque la population est prête à changer, nous l’accompagnerons.
À l’intention des personnes qui développe rontun cancer, la réalisation de projets pilotes comme ceux qui verront le jour prochaine ment au Québec dans le but d’expérimenter des modèles d’accès aux services et de prise en charge des personnes atteintes du cancer colorectal aidera à mieux adapter nos services en tenant compte des caractéristiques de la population et des particularités régionales.
Je termine en disant que cette approche personnalisée et concertée, centréesurle patient,aveclui etautourde lui, devra se concentrer sur le patient dans son entièreté. On a utilisé les motsglobalité,singularité. En plus de son infirmière pivot, la présence de celui que j’appellerai son « médecin personnel » est essentielle. Ce médecin per sonnel – j’éviterai le motpivot– pourra être un médecin de famille pour les Québécois, un généraliste pour les Français, un interniste ou un autre médecin ; les Anglais utilisent l’expressionmedical home. Si c’est un néphro logue qui traite le patient, qui connaît tout ce dont a besoin ce patient, il pourrait continuer à le traiter. Cette approche commande un changement de la culture médicale. Quoi qu’il en soit, ce médecin personnel devra être là pour accompagner le patient avant, durant et après son traitement anticancéreux ; il devra s’occuper de toute sa personne – can céreuse et non cancéreuse –, parce que le patient est plus que sa maladie. Je rappelle les propos de Florence Nightingale : « Les patients souffrent parfois de bien d’autres choses que de ce qui figure sur la feuille de maladie. Si l’on s’en occupait, une bonne part de leur souffrance pourrait être soulagée. »
Je me réjouis à la pensée que nous conti nuerons à travailler ensemble, des deux côtés de l’Atlantique, afin de mieux orien ter nos effortspourle patient,aveclui et autourde lui.
Antoine Loutfi
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Dominique Maraninchi
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Responsables politique et administratif Dominique MaraninchJe reviens aux quatre principaux consen iFRANCE Président de l’Institut national du cancer sus qui me paraissent s’être dégagés de notre débat. Le premier indique qu’il faille J’aimerais d’abord remercier le docteur sortir de l’hôpital même si l’hôpital demeure Loutfi et tous ceux et celles d’entre vous qui le lieu de passage obligé de l’ensemble des êtes engagés dans la lutte contre le cancer patients et que les soins dits spécifiques y au Québec pour tout ce que nous apporte, sont donnés. Mais, on l’a beaucoup dit, les à nous Français, votre contribution. On l’a soins dits non spécifiques sont tout aussi dit, nous avons beaucoup de convergence, nécessaires et sont insuffisamment pris en des différences aussi, mais pas de divergen compte, d’autantque les personnes atteintes ces, des différences qui nous enrichissent. de cancerpassent 95 % de leur parcours de Vous favorisez une culture du service, vous soins en dehors de l’hôpital. Malgré l’impor profitez d’un engagement fort dans la vie tance et le caractère essentiel des soins aigus communautaire que nous envions, nous, les offerts à l’hôpital, personne ne revendique héritiers d’un pouvoir jacobin ou réglemen d’y rester plus longtemps que nécessaire. Il taire qui nous place dans des situations est donc essentiel de s’intéresser à l’« après d’extraordinaires tensions avec un risque hôpital » et à l’« avant hôpital », on est hors d’échouer si nous évacuons la différence des sujet. personnes et n’impliquons pas mieux les communautés. J’en ferai part à la ministre La clé de notre prochain Plan cancer, qui de la Santé et des Sports, déjà sensibilisée sera bientôt adopté, sera vraisemblable et qui voudra sans doute en tenir compte ment le « Programme personnalisé de dans les débats qui ont cours actuellement soins ». Il consistera en une proposition faite en France, en particulier, en vue de l’adop à un malade, qu’il pourra négocier et adap tion d’un projet de loi intituléHôpital, ter à son parcours de vie et qui devra se patients, santé et territoires. Ce projet de loi dérouler durant les différents temps de son illustre bien la confrontation des corpora parcours de soins, de sa maladie. Sa tions et des communautés autour de la santé réalisation ne se fera sans doute pas partout et, notamment, dans l’hôpital. du jour au lendemain, mais il représentera Je réagirai aux interventions du second à coup sûr un changement majeur. Les débat sur l’orientation des efforts vers le actions prévues et inscrites au long du par patient en matière de lutte contre le cancer cours de soins que ce programme exécutera en quatre points, assez brièvement. Quelles montreront bien que le temps des soins réflexions les réactions que nous venons déborde l’hôpital, et de loin. d’entendre, et les précédentes, nous ins Un deuxième moment fort de nos discus pirent dont nous pourrons tenir compte sions concerne l’importance des soins qu’il dans le prochain Plan cancer ? faut assurer à la sortie de l’hôpital, lorsque Une remarque d’ordre général tout cesse la prestation de soins très intensifs, au d’abord. On a parlé de « temporalité »; il moment du retour à la vie normale. Vous faudra aussi parler de « régularité » et de avez beaucoup insisté pour que ce passage se « constance de l’action publique » tout en se fasse sans rupture. Si l’entrée dans l’histori rappelant que le changement prend du que d’un cancer est toujours violente, il faut temps. L’adoption d’un plan ou de grandes tout faire, chaque fois que cela est possible, orientations doit intégrer le fait que les cho pour s’assurer que toutes les autres étapes du ses ne se font pas toujours en trois ou cinq parcours sont franchies progressivement. Si le ans. Il faut compter le temps d’accultura programme personnalisé de soins est si tion, le temps de la compréhension et le important, c’est qu’il permet de fédérer les temps de l’action. Ces temps devront néces soins et de les offrir d’une façon adaptée tout sairement être alloués parce qu’ils sont au long du traitement, dans l’espoir qu’ils requis. C’estàdire que le prochain Plan conduisent à laguérison, en réduisant autant cancer, en France, devra s’appuyer sur desque possible les moments d’incertitude. On acquis du plan précédent qui sont loinaccordera pourcela, parexemple, beaucoup d’être consolidés.d’importance aux épisodesde rechute, à la
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place que les travailleurs sociaux devront alors occuper, à l’accompagnement qui devra être offert généralement au domicile.
Le troisième point fort est relatif à l’impor tance de « servir » à travers les soins. Soigner c’est aussi servir. Un énorme travail reste à faire en France pour intégrer cette notion. Ce qui n’est pas simple à l’intérieur de l’hôpital constitue un réel défi à l’extérieur, où les acteurs sont nombreux au service d’une personne malade tout en harmonisant leurs contributions respectives. Nous n’avons pas encore développé toutes les réponses sociales à ce type de prise en charge. Enfin, la quatrième grande observation et, peutêtre, notre défi majeur est la lutte con treles inégalités. J’entends ici que les solutions nesont pas univoques. Je retiens et je par tage la proposition de Laurent Chambaud et de Christian Saout selon laquelle cette dimension de la santé globale, le souci de la prévention à tous les stades, devrait être le moteur de tous les changements importants à venir, le lieu de la mobilisation de tous les acteurs du cancer. Merci pour vos contributions précieuses, je ne doute pas qu’elles orientent l’action.
Michel BureauQUÉBEC Sousministre adjoint Direction générale des services de santé et médecine universitaire Ministère de la Santé et des Services sociaux
M. Schneider a conclu sa présentation en disant que les patients atteints de cancer sont aujourd’hui mieux pris en charge qu’ils l’étaient auparavant. Je le crois aussi. M. Lapointe nous rappelle pour sa part que les progrès à réaliser demeurent consi r dérables. Le D Latreille a brossé un survol des changements accomplis depuis que le r D Couillard, ministre de la Santé et des Services sociaux d’avril 2003 à juin 2008, a décrété le cancer comme une priorité du gouvernement québécois.
Depuis, des changements importants r sont survenus. Le ministre actuel, le D Yves Bolduc, a privilégié deux orientations qui vont très bien serviront la cause que nous défendons.
La première vient faciliter l’accès aux services de première ligne aux patients. Parmi ceuxci, on trouve les malades chro niques, en particulier les plus vulnérables, dont ceux qui sont guéris ou en rémission d’un cancer. Cette orientation qui demande un déplacement de certaines activités de l’hôpital vers une médecine ambulatoire ne se fera pas sans difficulté. On aura besoin de tout le soutien nécessaire. L’année dernière, la Fédération des médecins omnipraticiens du Québec (FMOQ) a tenu sa réunion annuelle sous le thème du rôle du médecin dans la prise en charge du patient avec un cancer. C’est dire que les intervenants de la première ligne se préparent et se mobili sent, à l’invitation du ministre Bolduc, afin de relever ce défi de soigner dans la com munauté les patients les plus vulnérables, dont les personnes atteintes de cancer.
La deuxième grande orientation ministé rielle veut permettre un meilleur accès à la médecine spécialisée et aux laboratoires. Mon équipe, dans tous les domaines, tra vaille ardemment à la concrétisation de cet axe prioritaire, et les progrès sont notables. Il est même étonnant de constater autant d’améliorations réalisées si rapidement là où le succès requiert la concertation et la collaboration d’autant d’acteurs réunis. Je citerai en guise d’exemple le travail accom pli depuis un an pour faciliter l’accès à la chirurgie. Les délais étaient très longs. À l’invitation du président de la Fédération des médecins spécialistes du Québec r (FMSQ), le D Barrette, le ministère de la Santé et des Services sociaux (MSSS) et les médecins spécialistes ont uni leurs efforts. Ensemble, nous avons fait le tour des blocs opératoires afin d’apprécier la possibilité d’augmenter – et en fonction de quel pour centage – la production de chirurgies et de raccourcir d’autant les délais d’accès. À des coûts marginaux, cette démarche a été effectuée et les résultats sont extraordinai res. Les listes d’attente de chirurgie se compriment à vue d’œil. Je cite cette réali sation simplement pour rappeler ce qu’on peut faire ensemble lorsque nous nous y mettons. Le MSSS à lui seul n’aurait jamais pu atteindre un résultat aussi concluant. Seule, la FMSQ n’aurait pas pu mobiliser l’hôpital. En réunissant nos forces, nous avons obtenu des résultats qui ont dépassé toutes les espérances.
Michel Bureau
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Les mots que j’ai le plus souvent entendus durant ce forum ont été, je crois,intégration etcoordinationdes actions. Malheureu sement, ce ne sont pas ceux que nous prononçons le mieux dans le monde de la santé. Il faudra pourtant apprendre à les articuler comme il faut pour affronter et maîtriser les grands problèmes auxquels nous faisons face. Le cancer est évidemment l’un de ceuxlà. Nous avons beaucoup à apprendre de vous, amis français. Je voudrais, par exem ple, en entendre plus sur le « dispositif d’annonce », ce mécanisme et cet enchaî nement d’activités qui témoignent de l’importance que vous accordez à ce temps si important de l’annonce de la nouvelle du
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cancer. À ce sujet, et à beaucoup d’autres, nous serons tout oreilles pour en apprendre davantage. Je nous rappelle cette fois à nous, Québécoises et Québécois, que c’est ensemble que nous nous attaquerons avec succès au fléau du cancer. Séparément, nous ne pouvons rien faire. Une action réussie ne pourra être que concertée et coordonnée. Le MSSS, seul, sera toujours impuissant. La contribution des groupes communautaires, des établissements, de la société civile, est indispensable.
Je renchéris sur les propos de M. Schneider ; je crois qu’au lendemain de ce forum, les personnes atteintes de cancer seront mieux traitées.
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