Sarrasine
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Description

La Comédie humaine - Études de moeurs. Troisième livre, Scènes de la vie parisienne - Tome II. Dixième volume de l'édition Furne 1842. Extrait : Avez-vous jamais rencontré de ces femmes dont la beauté foudroyante défie les atteintes de l’âge, et qui semblent à trente-six ans plus désirables qu’elles ne devaient l’être quinze ans plus tôt ? Leur visage est une âme passionnée, il étincelle 

Informations

Publié par
Nombre de lectures 24
EAN13 9782824710365
Langue Français

Extrait

HONORÉ DE BALZA C
SARRASI N E
BI BEBO O KHONORÉ DE BALZA C
SARRASI N E
Un te xte du domaine public.
Une é dition libr e .
ISBN—978-2-8247-1036-5
BI BEBO OK
w w w .bib eb o ok.comLicence
Le te xte suivant est une œuv r e du domaine public é dité
sous la licence Cr e ativ es Commons BY -SA
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encourag é à le fair e .
V ous de v ez aribuer l’ o euv r e aux différ ents auteur s, y
compris à Bib eb o ok.SARRASI N E
A MONSI EU R CHARLES DE BERNARD DU GRAI L.
’    une de ces rê v eries pr ofondes qui saisissent
tout le monde , même un homme friv ole , au sein des fêtes les plusJ tumultueuses. Minuit v enait de sonner à l’horlog e de l’Ély sé
eBourb on. Assis dans l’ embrasur e d’une fenêtr e , et caché sous les plis
onduleux d’un ride au de moir e , je p ouvais contempler à mon aise le jardin
de l’hôtel où je p assais la soiré e . Les arbr es, imp arfaitement couv erts de
neig e , se détachaient faiblement du fond grisâtr e que for mait un ciel
nuag eux, à p eine blanchi p ar la lune . V us au sein de cee atmosphèr e
fantastique , ils r essemblaient vaguement à des sp e ctr es mal env elopp és de
leur s linceuls, imag e gig antesque de la fameuse danse des morts . Puis, en
me r etour nant de l’autr e côté , je p ouvais admir er la danse des vivants  !
un salon splendide , aux p ar ois d’ar g ent et d’ or , aux lustr es étincelants,
brillant de b ougies. Là , four millaient, s’agitaient et p apillonnaient les plus
jolies femmes de Paris, les plus riches, les mieux titré es, é clatantes, p
omp euses, éblouissantes de diamants  ! des fleur s sur la tête , sur le sein, dans
les che v eux, semé es sur les r ob es, ou en guirlandes à leur s pie ds. C’était
1Sar rasine Chapitr e
de lég er s frémissements de joie , des p as v oluptueux qui faisaient r ouler
les dentelles, les blondes, la mousseline autour de leur s flancs délicats.
elques r eg ards tr op vifs p er çaient çà et là , é clipsaient les lumièr es, le
feu des diamants, et animaient encor e des cœur s tr op ardents. On
surpr enait aussi des air s de tête significatifs p our les amants, et des aitudes
nég ativ es p our les maris. Les é clats de v oix des joueur s, à chaque coup
impré v u, le r etentissement de l’ or se mêlaient à la musique , au mur mur e
des conv er sations  ; p our ache v er d’étourdir cee foule eniv ré e p ar tout
ce que le monde p eut offrir de sé ductions, une vap eur de p arfums et
l’iv r esse g énérale agissaient sur les imaginations affolé es. Ainsi à ma dr oite
la sombr e et silencieuse imag e de la mort  ; à ma g auche , les dé centes
bacchanales de la vie  : ici, la natur e fr oide , mor ne , en deuil  ; là , les hommes
en joie . Moi, sur la fr ontièr e de ces deux table aux si disp arates, qui, mille
fois rép étés de div er ses manièr es, r endent Paris la ville la plus amusante
du monde et la plus philosophique , je faisais une macé doine morale ,
moitié plaisante , moitié funèbr e . Du pie d g auche je mar quais la mesur e , et
je cr o yais av oir l’autr e dans un cer cueil. Ma jamb e était en effet glacé e
p ar un de ces v ents coulis qui v ous gèlent une moitié du cor ps tandis que
l’autr e épr ouv e la chaleur moite des salons, accident assez fré quent au
bal.
― Il n’y a p as fort long-temps que monsieur de Lanty p ossède cet
hôtel  ?
― Si fait. V oici bientôt dix ans que le maré chal de Carigliano le lui a
v endu. . .
― Ah  !
―  Ces g ens-là doiv ent av oir une fortune immense  ?
― Mais il le faut bien.
― elle fête  ! Elle est d’un lux e insolent.
― Les cr o y ez-v ous aussi riches que le sont monsieur de Nucing en ou
monsieur de Gondr e ville  ?
― Mais v ous ne sav ez donc p as  ?
J’avançai la tête et r e connus les deux interlo cuteur s p our app artenir
à cee g ent curieuse qui, à Paris, s’ o ccup e e x clusiv ement des Pourquoi  ?
des Comment  ? D’où vient-il  ? i sont-ils  ? ’y a-t-il  ? ’a-t-elle fait  ?
Ils se mir ent à p arler bas, et s’éloignèr ent p our aller causer plus à l’aise sur
2Sar rasine Chapitr e
quelque canap é solitair e . Jamais mine plus fé conde ne s’était ouv erte aux
cher cheur s de my stèr es. Per sonne ne savait de quel p ay s v enait la famille
de Lanty , ni de quel commer ce , de quelle sp oliation, de quelle piraterie
ou de quel héritag e pr o v enait une fortune estimé e à plusieur s millions.
T ous les membr es de cee famille p arlaient l’italien, le français, l’ esp
agnol, l’anglais et l’allemand, av e c assez de p erfe ction p our fair e supp
oser qu’ils avaient dû long-temps séjour ner p ar mi ces différ ents p euples.
Étaient-ce des b ohémiens  ? étaient-ce des flibustier s  ?
― and ce serait le diable  ! disaient de jeunes p olitiques, ils r
eçoiv ent à mer v eille .
― Le comte de Lanty eût-il dé valisé quelque Casauba , j’ép ouserais
bien sa fille  ! s’é criait un philosophe .
i n’aurait ép ousé Marianina, jeune fille de seize ans, dont la b e auté
ré alisait les fabuleuses conceptions des p oètes orientaux  ? Comme la fille
du sultan dans le conte de la Lampe merveilleuse , elle aurait dû r ester v
oilé e . Son chant faisait pâlir les talents incomplets des Malibran, des Sontag,
des Fo dor , chez lesquelles une qualité dominante a toujour s e x clu la p
erfe ction de l’ ensemble  ; tandis que Marianina savait unir au même degré la
pur eté du son, la sensibilité , la justesse du mouv ement et des intonations,
l’âme et la science , la cor r e ction et le sentiment. Cee fille était le ty p e
de cee p o ésie se crète , lien commun de tous les arts, et qui fuit toujour s
ceux qui la cher chent. D ouce et mo deste , instr uite et spirituelle , rien ne
p ouvait é clipser Marianina si ce n’était sa mèr e .
A v ez-v ous jamais r encontré de ces femmes dont la b e auté
foudr o yante défie les aeintes de l’âg e , et qui semblent à tr ente-six ans plus
désirables qu’ elles ne de vaient l’êtr e quinze ans plus tôt  ? Leur visag e
est une âme p assionné e , il étincelle  ; chaque trait y brille d’intellig ence  :
chaque p or e p ossède un é clat p articulier , surtout aux lumièr es. Leur s y eux
sé duisants air ent, r efusent, p arlent ou se taisent  ; leur démar che est
inno cemment savante  ; leur v oix déploie les mélo dieuses richesses des tons
les plus co queement doux et tendr es. Fondés sur des comp araisons, leur s
élog es car essent l’amour pr opr e le plus chatouilleux. Un mouv ement de
leur s sour cils, le moindr e jeu de l’ œil, leur lè v r e qui se fr once , impriment
une sorte de ter r eur à ceux qui font dép endr e d’ elles leur vie et leur b
onheur . Ine xp ériente de l’amour et do cile au discour s, une jeune fille p eut se
3Sar rasine Chapitr e
laisser sé duir e  ; mais p our ces sortes de femmes, un homme doit sav oir ,
comme monsieur de Jaucourt, ne p as crier quand, en se cachant au fond
d’un cabinet, la femme de chambr e lui brise deux doigts dans la jointur e
d’une p orte . Aimer ces puissantes sirènes, n’ est-ce p as jouer sa vie  ? Et
v oilà p our quoi p eut-êtr e les aimons-nous si p assionnément  ! T elle était
la comtesse de Lanty .
Filipp o , frèr e de Marianina, tenait, comme sa sœur , de la b e auté
merv eilleuse de la comtesse . Pour tout dir e en un mot, ce jeune homme
était une imag e vivante d

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