À l’emporte-pièce : de la métaphore à l outil - article ; n°1 ; vol.133, pg 111-125
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À l’emporte-pièce : de la métaphore à l'outil - article ; n°1 ; vol.133, pg 111-125

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Description

Langue française - Année 2002 - Volume 133 - Numéro 1 - Pages 111-125
François Thuillier : À l'emporte-pièce : de la métaphore à l'outil This article is based on the hypothesis that the meaning of à l'emporte-pièce can be accounted for through an examination of the different lexical units it is made of. We therefore start with defining what makes up the identity of each word contained in the expression. Then we show that the global semantic features of à l'emporte-pièce result from the interaction between its components. The purpose of our paper is to question the traditional views according to which the meaning of a set expression is, as such, not liable to be analysed.
15 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 2002
Nombre de lectures 30
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

M. François Thuillier
À l’emporte-pièce : de la métaphore à l'outil
In: Langue française. N°133, 2002. pp. 111-125.
Abstract
François Thuillier : À l'emporte-pièce : de la métaphore à l'outil
This article is based on the hypothesis that the meaning of à l'emporte-pièce can be accounted for through an examination of the
different lexical units it is made of. We therefore start with defining what makes up the identity of each word contained in the
expression. Then we show that the global semantic features of à l'emporte-pièce result from the interaction between its
components. The purpose of our paper is to question the traditional views according to which the meaning of a set expression is,
as such, not liable to be analysed.
Citer ce document / Cite this document :
Thuillier François. À l’emporte-pièce : de la métaphore à l'outil. In: Langue française. N°133, 2002. pp. 111-125.
doi : 10.3406/lfr.2002.1050
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/lfr_0023-8368_2002_num_133_1_1050François Thuillier
Université de Paris VII
À L'EMPORTE-PIÈCE : DE LA MÉTAPHORE À L'OUTIL
La séquence à V emporte-pièce, dans les expressions du type un jugement, ou
un mot à V emporte-pièce, est systématiquement donnée, dans les dictionnaires,
comme relevant d'un usage « figuré », ou « métaphorique » * du terme qui
désigne un instrument « comportant une partie tranchante, utilisé pour
découper d'un seul coup (...) une pièce de forme déterminée ou une partie à
enlever » 2. La distinction entre un sens « littéral » et un emploi « figuré » se
fonde, classiquement, sur une hiérarchisation : on considère le sens figuré
comme une extension du sens premier, lui-même défini en fonction de critères
historiques. On obtient ainsi, outre un principe de répartition des acceptions,
une possibilité d'expliquer la valeur de la locution en fonction d'un méca
nisme de dérivation sémantique, selon lequel certains traits sont transférés de
l'acception « concrète », première étymologiquement, à l'emploi « abstrait »3.
Cette explication semble cependant fragilisée par l'histoire attestée de la
lexie : en effet, emporte-pièce a certes renvoyé à un outil tranchant (1690) avant
de qualifier un type de propos (1704), mais il désignait, dans ses premiers
emplois, un cautère (1611)4. S'il est possible d'imaginer que le « tranchant » de
l'outil s'est transformé en un caractère « mordant », ou « incisif », on voit mal
en revanche de quelle manière un transfert de propriétés sémantiques aurait
pu faire passer de l'emploi « cautère » (« Instrument à pointe chauffable au
rouge, servant à brûler les tissus » in Le Petit Robert, p. 268) à l'emploi « outil
1. Cf. respectivement le Petit Robert (1993) et le Grand Robert (1992).
2. Définition du Grand Larousse de la Langue Française (1986).
3. Pour une formulation de l'hypothèse, nous renvoyons, par exemple, à Le Guern (1973). Dans
une conception « synchronique » de la métaphorisation, on tenterait d'expliciter les similitudes
entre le « mordant » (d'un propos à l'emporte-pièce) et le fait de « trancher d'un seul coup » (de
l'instrument). Ce sont alors les caractéristiques communes, ou les similitudes, entre concepts, qui
expliqueraient que les locuteurs les désignent à l'aide des mêmes formes linguistiques. C'est
l'optique qu'adopte Sweetser, dans « The structure of our metaphors of perception » (1990 : 37-
48) : partant du constat que le verbe see peut signifier « voir » et « comprendre », l'auteur entre
prend d'élucider ce qui relie la « perception » à la « compréhension » (intellection). On notera que
dans les deux cas, les auteurs postulent un processus de motivation des formes par le sens : des
locuteurs expriment une pensée qui préexiste à sa mise en forme (sur ce point, cf. également
Paulin (1998: 100), pour qui la métaphore permet de concevoir une chose dans les termes d'une
autre, et « véhicule la pensée et les sentiments de l'usager »).
4. Cf. Robert Historique, p. 684.
111 et encore moins à l'emploi figuré5. Il nous a semblé par consétranchant»,
quent préférable d'établir une typologie des occurrences de à V emporte-pièce en
fonction de deux critères formels, qui font apparaître trois types d'emplois
(§ 1.1.) correspondant, par hypothèse, à autant de fonctionnements du syn-
tagme prépositionnel (§ 1.З.). Le sens du syntagme étant considéré comme un
construit {cf. l'introduction de J.-J. Franckel dans ce numéro), nous tenterons
ensuite de décrire, à partir d'une analyse des différents lexemes qui le com
posent (§ 1.2., 2. et 3.), le rôle de chaque unité dans l'élaboration de la valeur
globale (§ 4.)6.
1 . Le syntagme prépositionnel â remporte-pièce
1.Í. Classes d'emplois
Trois classes d'occurrences de à Г emporte-pièce peuvent être identifiées
grâce à l'utilisation croisée de deux critères : la possibilité, d'une part, de faire
commuter à avec d'autres prépositions, en l'occurrence avec et à l'aide de,
oppose la classe 1 aux classes 2 et 3. D'autre part, la possibilité de séparer le
syntagme du verbe permet d'opposer les classes 2 et 3 : alors que dans la
classe 1, le syntagme ne manifeste aucune contrainte de position, la 2, en revanche, il n'est pas separable du verbe. Dans la classe 3, enfin, le
syntagme est au contraire nécessairement séparé du verbe.
Classe 1
(1) Ainsi en pleine pâte, à l'emporte-pièce, on découpe des étoiles, les signes du
zodiaque et cent petites images de l'univers, délicieuses pour le potage et
qui facilitent aux enfants la cosmographie ; . . . 7
(2) la fleur elle-même, qui s'y dresse, est artificielle et découpée dans du papier,
à V emporte-pièce.
5. On sait en outre que les concepts de «concret» versus «abstrait»; «sens propre» versus «sens
figuré » sont peu opératoires, en l'absence de critères systématiques de reconnaissance (cf. à ce
propos, Leeman [1998] ; voir également Benveniste [1954]). Rastier (1994 : 328) rappelle par
ailleurs que « la notion de sens littéral (qui) sert traditionnellement en lexicologie à hiérarchiser
les significations et acceptions (...) est une des plus énigmatiques de notre tradition. Il est en effet
donné sur le mode de l'évidence, et personne n'a jamais proposé de méthode pour identifier le
sens littéral ».
6. Précisons que la démarche que nous mettrons en œuvre ici ne relève pas d'une analyse compo-
sitionnelle au sens strict, dont divers auteurs ont pu montrer l'inadéquation aux phénomènes
sémantiques des langues naturelles - cf., par exemple, Gayral (1998).
7. Les énoncés sont extraits de la base Frantext, sauf (29'), extrait de Amossy et Herschberg
Pierrot (1997 : 5), et (29), (30), (33) et (35), issus d'une recherche par mot clé sur internet.
112 les volants découpés à V emporte-pièce dans de la faille bleu clair ont un petit (3)
galon, placé tout autour et en dessus, disposé en écailles pointues et main
tenu par un bouton.
Dans cette première catégorie d'énoncés, à V emporte-pièce commute avec avec
un/avec l'emporte-pièce ou a l'aide d'un/à l'aide de l'emporte-pièce. La position du
syntagme est libre : il est, par exemple, antéposé en (1), postposé en (2). On
peut modifier l'énoncé (3) en déplaçant, ou en intercalant différents éléments
entre le procès et à l'emporte-pièce :
(3') les volants découpés dans de la faille bleu clair, à l'emporte-pièce, . . .
(3") les rapidement, à l'emporte-pièce, . . .
(3"') on découpe des volants à l'emporte-pièce, . . .
Classe 2
(4) Quand le soleil se couche, toutes ces montagnes aux plissures d'étoffe
prennent de sinistres couleurs, jaune verdâtre avec rayures de brun ardent,
le tout d'une netteté violente, découpé à l'emporte-pièce sur un triste ciel lie
de vin qui semble un énorme rubis v

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