Acquisition de l'orthographe et modes cognitifs - article ; n°1 ; vol.126, pg 23-37

Jean-Pierre Jaffré, Sylvie Bousquet, Danièle Cogis, Dominique Ducard, Jacqueline Massonnet

Description

Revue française de pédagogie - Année 1999 - Volume 126 - Numéro 1 - Pages 23-37
Les graphies que tracent les apprentis scripteurs sont le résultat de processus qui sont eux-mêmes issus d'une certaine façon de comprendre et de percevoir la culture écrite environnante. Ces « mondes cognitifs » ne sont pas statiques mais se développent au contraire sous l'influence de facteurs multiples (cognitifs, sociaux, culturels, etc.). Tels sont les présupposés théoriques de cette contribution qui présente en les ordonnant quelques-unes des premières conclusions d'une recherche collective sur l'ontogenèse graphique, de la maternelle au lycée.
Sylvie Bousquet, Danièle Cogis, Dominique Ducard, Jacqueline Massonnet, Jean-Pierre Jaffré - Spelling acquisition and cognitive worlds.
Written forms drawn by children learning to write are the result of processes rooted in some way of understanding and apprehending written culture around them. These cognitive worlds are not static, they are developing through the influence of multiple factors (cognitive, social, cultural factors...). Such theoretical hypotheses are underlying in this contribution presenting and categorizing some of the prime conclusions of a collective research about graphic ontogenesis from kindergarten to secondary schooling.
15 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

• Publié par: REVUE_FRANCAISE_DE_PEDAGOGIE
• Publié le: 01 janvier 1999
• Nombre de lectures: 50
• Langue: Français
• Poids de l'ouvrage: 1 Mo

Extrait

Sylvie Bousquet
Danièle Cogis
Dominique Ducard
Jacqueline Massonnet
Mr Jean-Pierre Jaffre
Acquisition de l'orthographe et modes cognitifs
In: Revue française de pédagogie. Volume 126, 1999. pp. 23-37.
Résumé
Les graphies que tracent les apprentis scripteurs sont le résultat de processus qui sont eux-mêmes issus d'une certaine façon de
comprendre et de percevoir la culture écrite environnante. Ces « mondes cognitifs » ne sont pas statiques mais se développent
au contraire sous l'influence de facteurs multiples (cognitifs, sociaux, culturels, etc.). Tels sont les présupposés théoriques de
cette contribution qui présente en les ordonnant quelques-unes des premières conclusions d'une recherche collective sur
l'ontogenèse graphique, de la maternelle au lycée.
Abstract
Sylvie Bousquet, Danièle Cogis, Dominique Ducard, Jacqueline Massonnet, Jean-Pierre Jaffré - Spelling acquisition and
cognitive worlds.
Written forms drawn by children learning to write are the result of processes rooted in some way of understanding and
apprehending written culture around them. These "cognitive worlds" are not static, they are developing through the influence of
multiple factors (cognitive, social, cultural factors...). Such theoretical hypotheses are underlying in this contribution presenting
and categorizing some of the prime conclusions of a collective research about graphic ontogenesis from kindergarten to
secondary schooling.
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Bousquet Sylvie, Cogis Danièle, Ducard Dominique, Massonnet Jacqueline, Jaffre Jean-Pierre. Acquisition de l'orthographe et
modes cognitifs. In: Revue française de pédagogie. Volume 126, 1999. pp. 23-37.
doi : 10.3406/rfp.1999.1092
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/rfp_0556-7807_1999_num_126_1_1092Acquisition de l'orthographe
et mondes cognitifs
Sylvie Bousquet, Danièle Cogis,
Dominique Ducard, Jacqueline Massonnet,
Jean-Pierre Jaffré
Les d'une graphies certaine que façon tracent de comprendre les apprentis et scripteurs de percevoir sont la le culture résultat écrite de processus environnante. qui sont Ces eux-mêmes « mondes cognitissus
ifs » ne sont pas statiques mais se développent au contraire sous l'influence de facteurs multiples
(cognitifs, sociaux, culturels, etc.). Tels sont les présupposés théoriques de cette contribution qui
présente en les ordonnant quelques-unes des premières conclusions d'une recherche collective sur
l'ontogenèse graphique, de la maternelle au lycée.
Le contenu de cet article est extrait d'une PRÉSENTATION DE LA RECHERCHE
recherche sur la dimension cognitive de l'écri Le travail du groupe LÉA se situe dans la conti
ture qui utilise les processus d'acquisition comme nuité d'études qui, depuis plusieurs années, analysource majeure d'information. En situation d'ap sent les erreurs produites par ceux qui apprennent
prentissage, les enfants et les adolescents doi à écrire (2). Ces productions aboutissent certes à
vent en effet résoudre des problèmes qui, appli des formes graphiques non normées mais elles
qués à l'écrit, nous placent au cœur de l'écriture, sont également le reflet de processus cognitifs qui
de sa structure et de ses spécificités (1). indiquent « une certaine façon » de se représenter
l'écrit. Plus qu'écarts à une norme, elles sont la
La première partie du texte contient quelques trace visible d'états de connaissance.
éléments théoriques destinés à présenter cette
recherche (objectifs, démarche, méthode, etc.). La Une conception de l'apprentissage
seconde partie fait une synthèse des premiers
enseignements que l'on peut tirer, divers exemples Les options méthodologiques de ce travail vont
à l'appui. de pair avec un point de vue spécifique sur
Revue Française de Pédagogie, n° 126, janvier-février-mars 1999, 23-37 23 l'apprenti. Nous considérons en effet que les de la langue qu'ils parlent. Cela n'exclut évidem
erreurs d'orthographe résultent de calculs « de ment pas, à terme, des automatismes qui sont
bonne foi » et ne sont ni le fait du hasard, ni celui toutefois l'aboutissement de processus construits
d'une inattention de leurs auteurs. Cette position et non un point de départ (Karmiloff-Smith, 1992).
implique que les apprentis ne se contentent pas Ainsi, les erreurs d'orthographe sont la partie de reproduire la norme orthographique qui les émergée de processus générés par des univers entoure mais procèdent de façon spécifique. Ils de représentations - des mondes cognitifs - que cherchent notamment à comprendre le fonctio
l'ont peut assimiler à des théories (Gopnick et nnement de cette norme et la reconstruisent en Meltzoff, 1997). Ils permettent la production de fonction de ce que nous appellerons ici des réponses effectives qui, dans un second temps, « mondes cognitifs ». Comme le souligne opportu sont mises à l'épreuve des faits sociaux. Tout nément J.-P. Changeux dans un ouvrage récent, scripteur poursuit en effet un but - communiquer notre cerveau « projette en permanence ses hypo par écrit - qui comporte par définition une préocthèses sur le monde extérieur. Il les met à
cupation normative : plus les résultats obtenus l'épreuve. » Et il ajoute : « L'enfant procède par
sont conformes à ce que les lois d'une orthoessais et erreurs, tente de cerner, de définir, graphe ont de plus manifeste et plus les formes d'encadrer, de catégoriser les objets et les phé
produites se trouvent renforcées. L'activité de nomènes de la réalité qui l'environne » (3).
celui qui écrit n'échappe donc pas, dans une cer
taine mesure au moins, aux contraintes inhérentes Nous reprenons volontiers à notre compte
à l'objet dont il se sert. Dans ce sens, processus cette conception projective de l'apprentissage,
d'acquisition et fonctionnement général de l'écrien y ajoutant toutefois une interaction avec les
ture ont partie liée. informations présentes dans l'environnement
et la nécessaire médiation des adultes. Les
erreurs, et spécialement les erreurs d'ortho La démarche LÉA
graphe, découlent normalement des processus
inhérents à tout apprentissage et manifestent Pour rendre compte des processus de product
des représentations sous-jacentes qu'il importe ion orthographique, nous faisons d'abord en
d'identifier et de comprendre. sorte que les sujets observés écrivent dans des
conditions aussi proches que possible de celles
Depuis des milliers d'années, le cerveau de de la vie sociale (4). Il nous semble important en
l'homme est biologiquement stable (Donald, 1991) effet d'intégrer notre objectif spécifique - décrire
et c'est la réaffectation d'espaces mentaux tour les compétences orthographiques des enfants -
nés auparavant vers d'autres activités qui lui a dans le contexte plus général de la production
permis de s'adapter à des situations nouvelles. En écrite. Ce choix n'est pas exclusif d'analyses plus
l'espèce, le développement humain est plus une expérimentales mais le « terrain » de la compét
affaire de rééducation culturelle que d'évolution ence orthographique, encore très spéculatif,
biologique. La conquête de l'écriture illustre fort nous semble pouvoir tirer profit de tels macro-
bien ce phénomène. L'homme a mis des millions évènements. Compte tenu de l'état de nos
d'années pour se doter de la capacité de parole connaissances, la recherche sur l'acquisition de
alors que sa fréquentation de l'écriture est bien l'orthographe a besoin d'études générales qui
plus récente. Les études sur la litéracie - dont les observent dans toute leur complexité les procé
débats contemporains sur l'illettrisme sont une dures qu'utilisent les apprentis scripteurs. Ce
facette - montrent à cet égard que la tradition constat, associé aux hypothèses linguistiques qui
écrite fut longtemps l'affaire d'une minorité. sont les nôtres sur l'orthographe (mixité, polyva
lence, etc.) (5), nous amène par ailleurs à priviléMais l'évolution de la société occidentale, de gier un modèle développemental basé sur la l'industrialisation du XIXe siècle dernier à l'avène coopération de procédures plutôt qu'un modèle ment présent de la communication informatique, linéaire (6). rend désormai