Analyse linguistique, normes scolaires et différenciations socio-culturelles - article ; n°59 ; vol.14, pg 25-52
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Description

Langages - Année 1980 - Volume 14 - Numéro 59 - Pages 25-52
28 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1980
Nombre de lectures 27
Langue Français
Poids de l'ouvrage 2 Mo

Extrait

Frédéric François
Analyse linguistique, normes scolaires et différenciations socio-
culturelles
In: Langages, 14e année, n°59, 1980. pp. 25-52.
Citer ce document / Cite this document :
François Frédéric. Analyse linguistique, normes scolaires et différenciations socio-culturelles. In: Langages, 14e année, n°59,
1980. pp. 25-52.
doi : 10.3406/lgge.1980.1853
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/lgge_0458-726X_1980_num_14_59_1853Frédéric François
Université de Paris-V
ANALYSE LINGUISTIQUE, NORMES SCOLAIRES
ET DIFFÉRENCIATIONS
SOCIO-CULTURELLES l
Société et différenciation
Ce n'est pas qu'une clause de style de rappeler que les différenciations entre
enfants, comme entre adultes, ne sont pas d'abord des différences de langage. Il faut
également rappeler que c'est un fait récent, caractéristique des sociétés « dévelop
pées », que la grande majorité des enfants vont à l'école. Il est aussi caractéristique
que, bien davantage dans les sociétés capitalistes que dans celles qui se réclament du
« socialisme réellement existant » (dont il n'est évidemment pas question ici de cher
cher à faire le bilan global, encore moins de se demander si elles sont ou non confor
mes à telle ou telle définition du socialisme), le destin social de l'enfant soit pratique
ment prédéterminé par son appartenance de classe à la naissance. Cela, même les
sociologues les moins suspects de sympathie à l'égard des pays socialistes le
reconnaissent 2. Même s'ils oublient que le problème ne se pose pas seulement en te
rmes d'inégalité des chances de grimper à l'âge scolaire sur une pyramide dont la
structure serait éternelle ou, en tout cas, déterminée par les exigences de la « société
industrielle ». Tout d'abord parce que les possibilités de promotion par l'étude au
cours de la vie de l'adulte sont également incomparablement plus grandes dans les
pays socialistes. S'ajoute surtout que la pyramide telle que nous la connaissons qui
associe différences de type de travail, différences de ressources financières, pouvoir
dans le travail et dans la société politique, type de consommation, relation à la cul
ture et en particulier à un certain maniement du langage, statut (« prestige ») ne
constitue pas une donnée éternelle. Certes, aucune société socialiste n'a dépassé les
contradictions entre travail manuel et travail intellectuel, cependant, tant en ce qui
concerne les ressources financières, que la participation à la richesse culturelle, que la
mobilité sociale horizontale (mariages inter-groupes), la différence avec les sociétés
1. Lne première version, plu* (''tendue notamment en ce qui concerne l'analyse des textes
de BERNSTEIN et de Halliday , est parue sous le titre : « La différenciation socioculturelle des
enfants, quelques réflexions linguistiques », in Langue de l'enfant, classes sociales, école,
U.E.R. de linguistique générale et appliquée, Université René Descartes, Paris, 1979. Certains
aspects (en particulier sur la sémantique et l'analyse textuelle) non développés ici sont présentés
in « Analyser des textes d'enfants. Pourquoi ? Comment ? », Repères n° 51, 1979, I.N.R.P.,
Paris.
2. Cf. Raymond BoUDON, LEgalité des chances, Armand Colin, Paris, 1973, 238 p.
25 « occidentales » est grande 3. Même si on y est assurément loin d'une société sans clas
ses et si le problème des couches participant directement au pouvoir d'État continue à se
poser.
Que l'inégalité scolaire soit institutionnalisée comme en France par un Plan ou
qu'on laisse jouer les mécanismes « naturels » de la sélection sociale a peu d'impor
tance. Il y aurait peu de chercheurs pour prétendre qu'actuellement chacun obtient
un métier et un statut correspondant à ses « capacités objectives ». La crise économi
que durable a contribué à faire disparaître l'idéologie officielle euphorique de la
croissance globale du gâteau dont la répartition serait de plus en plus égalitaire... 4.
Cependant la lutte idéologique sur le thème doués-non doués continue. Sur le
plan psychologique, un certain nombre de points seront ici considérés comme acquis.
Tout d'abord qu'il n'existe pas de tests « culture free » qui mesureraient une capacité
naturelle inhérente à l'individu. Il y a seulement des tests (ou des exercices scolaires)
dépendant plus ou moins soit d'activités exercées globalement dans la société, soit au
contraire d'activités plus spécifiques de tel ou tel groupe. Ainsi rencontre-t-on généra
lement un plus grand écart entre classes sociales dans des épreuves de « Q.I. verbal »
que de « Q.I. non verbal » 5. Mais il suffit d'appliquer les de non ver
bal dans une société où le maniement du papier et du crayon, la représentation de
l'espace sur une surface à deux dimensions ne vont pas de soi pour illustrer qu'il n'y
3. Sur les pays socialistes, on consultera entre autres : Francis COHEN, Les Soviétiques,
classes et société en U.R.S.S., Éditions sociales, Paris, 1974, 345 p. ; G. BOUVARD et
P. Pellenq, L'Enseignement en R.D.A., Editions sociales, Paris, 1973, 287 p.
Selon Francis CoHEN (en U.R.S.S., parmi les étudiants) « une évaluation raisonnable
estime à près de 60 % la proportion des enfants d'ouvriers et de paysans, alors que ces couches
représentent ensemble environ 75 % de la population » (p. 173). G. BOUVARD et P. PELLENQ
nous donnent (année non précisée, sans doute 1972) les pourcentages d'enfants d'ouvriers
parmi les étudiants : en R.D.A., 39,1 % ; en R.F.A., 5,4 %.
En France, on a en 1967-68 :
place dans la répartition de
population active 100 étudiants
ouvriers 37,7 % 10,2 %
professions et cadres supérieurslibérales AR ' ¥ 32 ' 1 'V
4. Sur la situation française, on consultera en particulier Monique Segre, Ecole, format
ion, contradictions, Éditions sociales, Paris, 1976, 254 p. Elle note que la différenciation entre
les trois filières de 6e qui existaient en France s'est accrue entre 1967-68 et 1973-74. On avait
en effet :
en 1967-1968 :
filières -
I II III
ouvriers 31,9 % 47,9 % 18,2 %
professions libérales 75 % 15,9 % 8,8 %
en 1973-1974 :
ouvriers 27,5 % 37,7 % 34,8 %
professions libérales 76,8 % 21,1 % 1,9 %
On ne s'étendra pas ici sur la suppression des filières et la multiplication des procédures
permettant l'« entrée directe dans la vie professionnelle ».
5. Cf. par exemple M. REUCHLIN, Cultures et Conduites, P.U.F., Paris, 1976, 356 p. Il ne
s'agit pas pour nous d'admettre qu'il existe une réalité qui s'exprimerait par le Q.I. verbal,
mais de constater que la relation du maniement du langage au type de socialisation est particu
lièrement prégnante.
26 pas de Q.I. non verbal « culture free ». Reste — on le retrouvera sur le plan lia
nguistique — que les illusions naturalistes sont ici dures à déraciner. Ainsi ce n'est pas
par hasard que les tests tiennent généralement compte du temps de passation. Ce qui
renvoie évidemment à une conception socialement déterminée de l'intelligence comme
outil — et comme outil d'un certain type. Les mêmes pour qui il va de soi que
l'intelligence doit être rapide seront scandalisés de voir PICASSO, fonctionnant ici
comme archétype de l'« artiste », faire plusieurs dessins (et gagner beaucoup
d'argent) en quelques minutes.
Surtout, la répartition gaussienne de la population n'est pas une réalité « natur
elle » mais un résultat de la façon dont est fabriqué l'instrument de mesure, qui est
fait pour être différenciateur 6. C'est la sélection des questions posées, conjuguée avec
le mode de fabrication de l'échelle de notation qui produit cette distribution que l'on
prend ensuite pour une donnée objective. On aurait évidemment d'autres résultats si
l'on cherchait à mesurer les acquisitions communes à une classe d'âge donnée dans
l'ensemble de la population. Nous reviendrons sur ces questions de mesure sur le
plan linguistique. De même qu'on a tendance à oublier l'hérédité commune à
l'

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