Aphra Behn, écrivain professionnel : du plagiat aux droits d auteur - article ; n°1 ; vol.50, pg 51-65
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XVII-XVIII. Bulletin de la société d'études anglo-américaines des XVIIe et XVIIIe siècles - Année 2000 - Volume 50 - Numéro 1 - Pages 51-65
Apha Behn, as the first woman to make a living with her pen, was a forerunner in the field of intellectual property as in many others. A selection of her early works stresses the point in their contents: Prologues and Prefaces as well as in their forms, that is, published books viewed as products - The Forc'd Marriage (1671), The Amorous Prince (1671), The Dutch Lover (1673), The Rover (Part I) (1677) and Sir Patient Fancy (1678). Starting with a plea against likely attacks for venturing into territories reserved to men, Aphra Behn fended off charges of plagiarism and voiced repeatedly her claims to economic independence; paratextuality, (titles on front pages), reveals she was gradually recognized as an Authour. Unwittingly, she was thus paving the way toward copyrights and authorship well before the enactment of The Statute of Ann in 1710 and other cases, namely, Pope vs Curll (1741).
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Publié le 01 janvier 2000
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Langue Français
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Extrait

Bernard Dhuicq
Aphra Behn, écrivain professionnel : du plagiat aux droits
d'auteur
In: XVII-XVIII. Bulletin de la société d'études anglo-américaines des XVIIe et XVIIIe siècles. N°50, 2000. pp. 51-65.
Abstract
Apha Behn, as the first woman to make a living with her pen, was a forerunner in the field of intellectual property as in many
others. A selection of her early works stresses the point in their contents: Prologues and Prefaces as well as in their forms, that
is, published books viewed as products - The Forc'd Marriage (1671), The Amorous Prince (1671), The Dutch Lover (1673), The
Rover (Part I) (1677) and Sir Patient Fancy (1678). Starting with a plea against likely attacks for venturing into territories reserved
to men, Aphra Behn fended off charges of plagiarism and voiced repeatedly her claims to economic independence;
paratextuality, (titles on front pages), reveals she was gradually recognized as an Authour. Unwittingly, she was thus paving the
way toward copyrights and authorship well before the enactment of The Statute of Ann in 1710 and other cases, namely, Pope vs
Curll (1741).
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Dhuicq Bernard. Aphra Behn, écrivain professionnel : du plagiat aux droits d'auteur. In: XVII-XVIII. Bulletin de la société
d'études anglo-américaines des XVIIe et XVIIIe siècles. N°50, 2000. pp. 51-65.
doi : 10.3406/xvii.2000.1477
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/xvii_0291-3798_2000_num_50_1_1477APHRA BEHN, ECRIVAIN PROFESSIONNEL :
DU PLAGIAT AUX DROITS D'AUTEUR
Une lettre écrite en 1669 fait allusion aux premiers pas d'Aphra Behn
dans la carrière théâtrale:
Wee ar in expectation stell of Mr Draidens play [l'adaptation de La
Tempête, jouée en 1670]. Ther is a bowld woman [Aphra Behn] hath
oferd one: my cosen Aston can give you a better account of her then I
can. Some verses I have seen which ar not ill; that is commendation
enouf: she will think so too, when it comes upon the stage. I shall trem
ble for the poor woman when exposed among the critticks.1
La jeune fille poursuit en soulignant que cette audacieuse aura besoin "to
be strongly fortified against them."2 La crainte exprimée était réelle, tout
comme la stupeur devant l'audace d'Aphra Behn: c'était en effet à l'épo
que une entreprise fort risquée pour une femme; il fallait beaucoup de
courage pour s'aventurer dans un domaine réservé aux hommes, domaine
semé d'embûches. C'est cependant ce territoire qu'Aphra Behn explorera
en affichant sans vergogne son indépendance matérielle. En effet, de la
part d'une femme, l'acte d'écriture même par le truchement du théâtre ne
pouvait alors être considéré comme convenable. Ce pouvait être un
passe-temps, comme l'envisageait, avec l'assentiment de son mari, Marg
aret Cavendish, "Mad Madge,"3 la duchesse de Newcastle. L'auteur-
femme allait jusqu'à nier la "maternité" de ses œuvres; leur publication
sans son consentement produisait honte et évanouissement. "Matchless
Orinda," Katherine Philips, perdit effectivement conscience en apprenant
1. Arthur Clifford, éd., Tixall Letters, 2 vols. (London: 1815) 2: 60. La lettre d'EH-
zabeth Cottington à son oncle Herbert Aston est citée dans The London Stage 1660-1800,
éd. William van Lennep et al., 5 pts in 11 vols. (Carbondale: Southern Illinois UP, 1960-
1968) pt 1: 163; Elizabeth Cottington est également mentionnée dans Maureen Duffy, The
Passionate Shepherdess (New York: Avon Books, 1979) 94.
2. Cette mise en garde est citée dans Mary Ann O'Donnell, Aphra Behn: An Annotat
ed Bibliography of Primary and Secondary Sources (New York: Garland, 1986) 327.
3. C'est dans le Diary de Samuel Pepys que peut se lire ce surnom donné à l'excen
trique duchesse. 52 BERNARD DHUICQ
qu'on avait, à son insu, imprimé ses poèmes. Il était aussi admis, sinon
recommandé, de chanter, par l'écriture, les louanges d'un époux comme le
fit Mrs Lucy Hutchinson en laissant à la postérité les Memoirs of the Life
of Colonel Hutchinson, publiés en 1806. Écrire, pour une femme, ne
pouvait se concevoir que si l'écrit répondait à un but gratuit, élevé et édi
fiant.
Aphra Behn débute sa carrière au théâtre; le théâtre lui servira de
porte-voix. Grâce à ce truchement elle sera témoin de son époque et por
tera ses critiques contre ses contemporains et contre la société qui connut
le premier grand bouleversement en Europe: un monarque de droit divin,
Charles 1er, est décapité. L'événement sera suivi d'un retour à l'ordre an
térieur en 1660; ce retour ne pourra être total. Cependant s'instaurera une
ébauche de société moderne où naissent la concurrence et le marché, où
la classe dominante devient celle des riches marchands et des propriétai
res fonciers et où se met en place une monarchie constitutionnelle.4
Aphra Behn s'élève contre ces changements tout en affirmant avec ambig
uïté ses revendications féministes avant la lettre. Du théâtre elle passe
au livre lors de la publication de ses pièces: sa parole devient alors écri
ture. Afin de se protéger contre les attaques que déchaîne sa hardiesse,
elle se défend en justifiant sa démarche dans des avertissements au lec
teur et dans des dédicaces; elle produit également des dédicaces pour ses
poèmes, pour ses récits et pour les traductions qu'elle donne d'œuvres
françaises marquantes dont le choix ne s'est pas opéré sans raison: les
Maximes de La Rochefoucauld, {'Histoire des oracles et les Entretiens
sur la pluralité des mondes de Fontenelle. Prologues, épilogues, dédica
ces et avertissements, ces paratextes, selon la classification proposée par
Gérard Genette, lui permettent de définir ses rapports avec les lecteurs,
d'ébaucher son "Art poétique" et surtout de répondre aux accusations de
plagiat et d'affirmer son droit à vivre de sa plume, son droit d'auteur
avant la lettre.5 Les limites de cet article imposeront l'étude de cinq textes
et de leurs paratextualité: The Forc'd Marriage (1671), The Amorous
4. Il convient de rappeler l'abolition, en 1660, de la propriété foncière accordée en
échange de services armés et celle, la même année, du tribunal redonnant les droits de
propriété au seigneur suzerain en cas de décès du vassal, plaçant ainsi les héritiers mâles
mineurs et la veuve à la merci du premier {tenure by knight-service et Court of Wards and
Liveries); ces pratiques féodales furent remplacées par la propriété foncière acquise soit
par un loyer soit par une transaction financière {socage) (voir David M. Walker, The Ox
ford Companion to Law [Oxford: Oxford UP, 1980] 309, 706, 1151, 1210).
5. Gérard Genette, Palimpseste. La Littérature au second degré (Paris: Seuil, 1982)
10. APHRA BEHN, ECRIVAIN PROFESSIONNEL 53
Prince (1671), The Dutch Lover (1673), The Rover (1677) et Sir Patient
Fancy (\67 S).
La première pièce d' Aphra Behn est publiée en 1671, un an après la
représentation annoncée par Elizabeth Cottington. Si The Forc'd Marri
age n'est précédé ni de dédicace ni d'avertissement, cette tragi-comédie,
étiquette donnée par Aphra Behn, porte sous son titre une épigraphe ré
vélatrice: "Va mon enfant ! prend [sic] ta fortune — ."6 Aphra Behn recon
naît son œuvre et veut par son encouragement conjurer le mauvais sort et
assurer le succès de son livre. Déjà dans le prologue, elle avait plaidé
pour les femmes en faisant revendiquer par un acteur le droit de ses sem
blables à se montrer les égales des hommes dans le domaine de l'esprit et
à maintenir ainsi leur empire, leur beauté fût-elle sur le déclin. Il faut
noter dès le premier vers le langage de la bourse dont Aphra Behn usera
souvent, reflétant ainsi la réalité économique des temps nouveaux: les
cours sont à la baisse en raison du trop grand volume de l'offre. Ne doit-
on pas lire ici une critique voilée de la prostitution, largement répandue,
à la Restauration?
Beauty alone goes now at too cheap rates,
And therefore they [les femmes], like Wise and Politick States,
Court a new Power that may the old supply,
To keep as well as gain the victory.
They'll joyn the force of Wit to Beauty now,
And so maintain the right they have in you. (5: 7)
L'acteur poursuit en soulignant combien une femme cultivée p

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