Appareil éducatif et langue autochtone : le cas du catalan - article ; n°1 ; vol.25, pg 37-61
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Description

Langue française - Année 1975 - Volume 25 - Numéro 1 - Pages 37-61
25 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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Publié par
Publié le 01 janvier 1975
Nombre de lectures 29
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

D.-J. Bernardo
Appareil éducatif et langue autochtone : le cas du catalan
In: Langue française. N°25, 1975. pp. 37-61.
Citer ce document / Cite this document :
Bernardo D.-J. Appareil éducatif et langue autochtone : le cas du catalan. In: Langue française. N°25, 1975. pp. 37-61.
doi : 10.3406/lfr.1975.6055
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/lfr_0023-8368_1975_num_25_1_6055D.-J. Bernardo, Centre Universitaire de Perpignan.
APPAREIL ÉDUCATIF ET LANGUE AUTOCHTONE
LE CAS DU CATALAN
1. Généralités
1.1. La langue catalane, fruit de l'évolution locale du bas latin, occupe
une place centrale parmi les langues de la famille romane. Son aire d'extens
ion, liée au développement médiéval de la dynastie catalano-aragonaise,
comprend un ensemble de territoires 1 de 56 000 km2 (population actuelle :
près de 8 millions d'habitants) qui est généralement désigné sous l'appellation
de « Països Catalans », à savoir :
— la Catalogne « stricte » (Principát de Catalunya ») ainsi que la
zone aragonaise limitrophe (jusqu'à Fraga) ;
— les îles Baléares (« Les Illes ») : Mallorca, Menorca, Eivissa, For-
mentera ;
— le pays Valencien (« Pais Valencia »), à l'exception de quelques
« comarques » (cantons) castillanophones ;
— l'Andorre (« Valls ď Andorra »), dont la langue officielle est le
catalan ;
— les terres catalanes annexées par la Couronne de France lors du
traité des Pyrénées (1659) — le « Comtat » du Roussillon (« Rosselló ») et
une partie de celui de Cerdagne (« Cerdanya ») — qui étaient auparavant
liées à l'entité de la Catalogne stricte. Cette zone est actuellement connue
sous les appellations diversement connotées 2 de « Roussillon », « Catalogne
française », « Catalogne-Nord » et correspond approximativement au terri
toire du département des Pyrénées-Orientales, Fenouillèdes exceptées 3.
* Voir bibliographie.
1. Cf. J. Coromines, 1970, pp. 9-12.
2. Cf. D. Bernardo et B. Rieu, 1973, 302, note 1.
3. Bien que leur catalanité soit revendiquée par certains spécialistes, cf. E. Guiter,
1969.
37 1.2. La Catalogne française.
Il paraît utile de donner ici quelques précisions complémentaires qui
permettront de mieux comprendre la situation socio-culturelle de la région.
Le département des Pyrénées-Orientales a une population de 284 000 habi
tants pour une superficie de 4 400 km2. Il est divisé en plusieurs « comar-
ques » très différenciées (côte et basse plaine, grandes vallées, zones de
moyenne et de haute montagne), la plaine drainant presque toutes les res
sources du pays. L'agriculture est l'activité principale (surtout axée sur une
production vinicole de qualité, les fruits et les légumes, et, à un moindre
degré, l'élevage) ; elle est caractérisée par une prédominance de la petite
propriété à exploitation directe. L'industrie est généralement de type archaï
que. Le secteur tertiaire, quant à lui, est manifestement hypertrophié. Près de la
moitié de la population est rassemblée dans de gros villages et à Perpignan,
dont les habitants ont conservé de fortes attaches terriennes.
Depuis peu, des mouvements de population (notamment exode massif
des jeunes) dus au sous-développement chronique de la région et à la main
mise étrangère sur les sols ont modifié la structure du peuplement : on peut
en effet estimer la population catalane (de souche roussillonnaise ou d'im
migration ancienne en provenance des autres pays catalans) à 60-65 % de
la population totale, le reste se répartissant entre :
— les nouveaux arrivants, d'origine non catalane (appartenant surtout
à des milieux « aisés » : cadres, techniciens, rentiers,...) ;
— des colonies très localisées de résidents étrangers (enclaves belges
des Aspres et des Albères, par exemple) ;
— les rapatriés d'Afrique du Nord (environ 15 % de la population) ;
— les travailleurs étrangers, divisés en plusieurs sous-groupes (immi
grants andalous, portugais, ... plus ou moins catalanisés, le catalan ayant
joué le rôle de langue ď « insertion sociale » en milieu rural — une colonie
nord-africaine, déjà fixée en Roussillon depuis un certain temps — des tra
vailleurs immigrés d'origines diverses, employés dans le bâtiment et les
travaux publics, et formant des groupes beaucoup moins stables que ceux
du secteur primaire) ;
— un groupe « marginal » : les gitans (eux-mêmes divisés en deux
communautés : catalanophones et castillanophones).
L'exploitation touristique de la région accentue la mise en minorité de la
population autochtone, d'une manière permanente (implantation à grande
échelle de résidences secondaires) ou saisonnière (pendant la saison, la
popultion autochtone de certains villages représente moins de 5 % de la
population totale).
1.3. La langue catalane, longtemps enseignée de manière semi-clandest
ine, rejetée de l'appareil éducatif officiel ou utilisée pour faciliter la franci
sation, voit son enseignement rendu légal par la Loi Deixonne.
Le 11 janvier 1951 est surtout une date de référence. Le contenu du
texte définitif est en fait bien loin de celui de la proposition de loi (limitée à
l'enseignement du breton) déposée en mai 1947 par Pierre Hervé, député
communiste du Finistère 4 ; dans la pratique, l'application de la loi a été, par
4. Cf. J.-L. Calvet, 1973, pp. 87-89.
38 différents biais, rendue extrêmement difficile. La Loi Deixonne apporte donc
peu, mais elle marque un tournant dans la mesure où, autorisant l'organisa
tion officielle d'un embryon d'enseignement, elle permet, de par ses lacunes,
une prise de conscience de ce qu'il serait possible de faire dans ce domaine, et
provoque ainsi une mutation qualitative des revendications. Plus de vingt
années se sont déjà écoulées depuis l'amorce de cette nouvelle phase des
rapports appareil éducatif - langue autochtone ; un bilan s'imposait donc.
Il sera nécessairement incomplet, les informations techniques étant rares et
peu accessibles, ce pour des raisons tant d'ordre pratique que d'ordre idéo
logique. Notre attention se portera surtout sur l'histoire de l'enseignement
du catalan, l'organisation actuelle, les enseignants et les enseignés, le matériel
didactique utilisé, le contenu et les méthodes de cet enseignement, divers pro
blèmes connexes d'ordre socio-linguistique et les perspectives de l'enseign
ement du catalan.
2. Historique des rapports
appareil éducatif — langue autochtone
2.1. La francisation.
Il semble nécessaire, pour bien comprendre la situation de la langue
autochtone en Catalogne française et les problèmes posés par son enseigne
ment, d'étudier d'abord rapidement le processus de francisation qui a affecté
ce pays. Il est possible de distinguer trois phases principales.
2.1.1. Une francisation horizontale et sélective : c'est un processus
qui permet à un groupe social bien défini de maintenir sa position hégé
monique. Coupées de Barcelona, les classes dominantes ne peuvent préserver
leurs intérêts qu'en s 'intégrant à l'appareil d'Etat français et en occupant
des charges publiques. La composition de ce groupe a d'ailleurs été profondé
ment modifiée, puisque les Catalans les plus compromis par leurs positions
anti-castillanes (tels ceux du « parti français » de Barcelona) ont accompagné
l'armée française lors de son repli en 1652 et ont remplacé toute une fraction
de la noblesse, de la bourgeoisie et du clergé roussillonnais qui, hostile à la
monarchie française, a préféré émigrer au Principát lors du Traité des Pyré
nées. L'éducation de cette classe ne peut donc être que française.
Les dispositions légales — obligation dès 1682 de connaître la langue
française pour occuper une fonction officielle ou exercer une profession libé
rale, édit de 1700 imposant le français dans tous les actes publics — doivent
être replacées dans ce cadre. Les Jésuites français prennent le contrôle de la
vieille université catalane (fondée en 1350) et créent un collège destiné à
accueillir les enfants des classes dirigeantes ; l

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