Approche du guillaumisme - article ; n°7 ; vol.2, pg 74-92
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Description

Langages - Année 1967 - Volume 2 - Numéro 7 - Pages 74-92
19 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1967
Nombre de lectures 43
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Jean Stéfanini
Approche du guillaumisme
In: Langages, 2e année, n°7, 1967. pp. 74-92.
Citer ce document / Cite this document :
Stéfanini Jean. Approche du guillaumisme. In: Langages, 2e année, n°7, 1967. pp. 74-92.
doi : 10.3406/lgge.1967.2883
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/lgge_0458-726X_1967_num_2_7_2883JEAN STEFANINI
APPROCHE DU GUILLAUMISME
L'originalité, plus souvent encore que la pénétration ou la subtilité
de l'analyse, caractérise pour les critiques (Havet, Y von, Martinet, Schogt,
Leroy, Val, Malmberg) le structuralisme de Gustave Guillaume *. Ce
n'est pas la diminuer que de le rattacher à l'école française évoquée dans
le n° 3 de cette revue (p. 5). Dès 1919 \ (A, 12), G. applique a l'étude syn-
chronique des langues la méthode comparative, triomphante en diachronie
(Valin, 1965). Disciple avoué (A, dédicace) et reconnu (B. S. L., XXXI,
p. 1) de Meillet, il se réclame de la doctrine de Saussure (A., p. 26) :
celle du Mémoire et des Hautes Études autant que du C. L. G. dont on
soupçonnait en France les Genevois d'avoir altéré, avec la forme, le fond
et dont on accepte mal, non l'opposition synchronie /diachronie, mais le
rejet de la seconde hors du domaine de la linguistique (B. S. L., XX, p. 32).
Meillet, de l'enseignement de son maître, retient essentiellement la notion
de système, fondamentale pour un comparatiste qui opère sur des états
de langue, sur des ensembles où « tout se tient ».
Pour décrire ces systèmes, G. doit d'abord les situer où ils se trouvent :
dans la langue. Ainsi est-il amené à creuser (dans les divers sens du mot)
l'opposition langue/discours (ce dernier terme étant préféré à celui de
parole : il y a une parole intérieure et un usage écrit). La langue n'est
pas la somme des emplois de discours ni même celle des significations
qu'on peut en dégager, résidus si pauvres et si abstraits qu'on leur prête
le sens que l'on veut 2. Elle est essentiellement virtualité et puissance de
* Abréviations utilisées : A : Le Problème de l'article et sa solution dans la langue
française, Paris, Hachette, 1919, 310 pages; T. : Temps et Verbe, Paris, Champion,
1929, 134 pages; Ar. : L' Architectonique du temps dans les langues classiques, Copenhague,
Munksgaard, 1946, 66 pages. Ces deux derniers ouvrages, réunis en un volume, ont été
réédités en 1965, par Champion. L. : Langage et Science du langage, Paris, Nizet, et
Québec, Presses de l'Université Laval, 1964.
1. On ne parlera pas ici des œuvres — dont mon ami Roch Valin a bien voulu
me révéler l'existence — de G. avant qu'il fût Guillaume.
2. Méthode préconisée par de Boer et de Poerck, parfois attribuée bien à tort à
G. qui ne l'a jamais pratiquée. 75
discours, ce qui le produit et le rend possible, un avant nécessaire dont
il est l' après, virtualité permanente et sans cesse présente dans le sujet, qu'il
parle ou se taise.
Ce caractère virtuel et permanent, puissanciel aimait-il à dire, — les
néologismes étant sa seule infidélité à l'enseignement de Meillet — , G. le
soulignait en un temps ou la linguistique, après Humboldt et avant
Chomsky, tout en prétendant maintenir l'opposition de la langue et de
la parole, étudiait en fait seulement la deuxième. Aussi s'intéressait-il à
l'acquisition du langage par l'enfant : confrontant sans cesse ses systèmes
provisoires à celui des adultes, celui-ci apprend à parler en même temps
que se développe son intelligence. Quand il possède enfin sa langue,
il en tire tous les effets de sens (l'expression a fait fortune) qu'elle permet :
ceux de l'usage et, éventuellement, d'autres 3. Entre le petit Français
de dix ans et l'érudit étranger qui étudie, par ex., le subjonctif, qui en
connaît un nombre infiniment plus grand d'exemples, pas d'hésitation : le
premier emploie avec plus de sûreté ce mode qui est un élément de son
système que le second qui tient de sa langue maternelle une autre construc
tion du temps grammatical, distingue les emplois au niveau du discours,
parfois par référence à son idiome, sans les rattacher à la valeur de langue
dont ils procèdent.
La langue, en effet, est un ensemble de systèmes (L., p. 220), formés
de l'union de signifiés de représentation et de signifiants (terme auquel
G. préférait celui de signe, pris en son sens usuel). Dans un système, la
valeur d'une forme est définie par sa position (pas d'opposition sans posi
tion préalable) par rapport aux autres et les relations ainsi instituées et
rend possibles les signifiés d'effet qui sont, eux, de l'ordre de l'expression.
On exprime dans le discours grâce aux représentations que constitue le
système de la langue et à partir d'elles.
La langue n'est donc pas directement observable (L., p. 25 et 272),
seuls le sont les emplois de discours : c'est à partir d'eux qu'il faut tenter
de découvrir la position systématique de la forme. En réclamant le droit
à l'hypothèse et en proclamant la nécessité de dépasser les données brutes
de l'observation, G. a heurté les habitudes de bien des linguistes,
en son temps. Incompréhension aujourd'hui incompréhensible, mais
qui fut.
De surcroît les modèles qu'il proposait étaient mentalistes. Men-
taliste, G. l'était, comme Saussure, comme Meillet, comme Grammont;
comme le sont, sous des formes moins provocantes, la plupart des linguistes
français, de Benveniste qui définit le langage par l'homme et l'homme par
le langage à Martinet qui suppose, à l'indignation des behaviouristes
américains (Ada ling. Hung., XV, 3-4, p. 154) un locuteur choisissant les
3. Gomme Hjelmslev, G. distingue le système et l'usage qui en est fait et qui
n'en exploite jamais toutes les possibilités (c'est là une source du changement lin
guistique). 76
éléments de son énoncé. On a découvert dans l'œuvre de G. (Togeby,
Dubois, Kukenheim) — ou de ses disciples — , l'influence de Bergson.
Sa formation était scientifique, sa conception de la science et du rôle de
l'hypothèse, celle de son époque, d'un H. Poincaré, par exemple. Lévy-
Brûhl, Delacroix, plus tard Goldstein peuvent donner une idée de ses
opinions sur les rapports de la pensée et de la langue : ils sont si étroits
qu'on ne saurait concevoir un homme qui parlerait, au plein sens du mot,
sans penser, que langage et intelligence se développent parallèlement et
que la maladie n'attaque pas l'un sans léser l'autre 4.
Est-ce à dire que G., pour croire à l'union de la pensée et de la langue,
ait étudié celle-ci en psychologue ou en philosophe? Sa théorie est pure
ment linguistique. Avancer contre elle des arguments d'ordre psycholo
gique, comme fait A. Klum, c'est se tromper radicalement sur la démarche
de G. Au psychologue qui lui eût proposé des objections, G. eût certain
ement répondu que son contradicteur était seul juge et seul compétent.
Pour sa part, il construisait des structures propres à expliquer le fonc
tionnement de la langue, tel qu'il le constatait en ses effets. Il n'a jamais
prétendu comme le psychiatre Pichon, découvrir par la psychanalyse, les
mécanismes inconscients du langage et la seule contradiction dans les
termes dispenserait de mentionner l'usage de l'introspection à cette fin,
si des critiques n'avaient, apparemment de bonne foi, attribué à G. cette
technique.
En fait, on a rejeté ses théories ou par principe: «un linguiste ne sau
rait supposer une pensée au locuteur et un sens à ses paroles », ou pour
des raisons proprement linguistiques : tel emploi de l'infinitif jugé incomp
atible avec le schéma proposé. Le mentalisme de G. se borne à ce postulat
que l'homme parle pour dire quelque chose — signe manifeste d'intel
ligence — et se fait comprendre de l'auditeur, doté du même système de
pensée et de langue. Parler de codage et de décodage, termes qui s'ap
pliquent à une métalangue et supposent donc une langue, c'est mettre
entre parenthèses comme hors de portée du linguiste, cantonné dans le
discours, des opérations dont G. ne décrit pas la réalité psychologique,
mais les conditions minimales

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