Appropriation, normes et sentiments de la norme chez des enseignants de français en Afrique centrale - article ; n°1 ; vol.104, pg 100-114
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Description

Langue française - Année 1994 - Volume 104 - Numéro 1 - Pages 100-114
15 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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Publié par
Publié le 01 janvier 1994
Nombre de lectures 27
Langue Français
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Extrait

A. Queffélec
Appropriation, normes et sentiments de la norme chez des
enseignants de français en Afrique centrale
In: Langue française. N°104, 1994. pp. 100-114.
Citer ce document / Cite this document :
Queffélec A. Appropriation, normes et sentiments de la norme chez des enseignants de français en Afrique centrale. In: Langue
française. N°104, 1994. pp. 100-114.
doi : 10.3406/lfr.1994.5742
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/lfr_0023-8368_1994_num_104_1_5742Ambroise QUEFFÉLEC
INaLF-UPR 6861
APPROPRIATION, NORMES ET SENTIMENTS
DE LA NORME CHEZ DES ENSEIGNANTS DE
FRANÇAIS EN AFRIQUE CENTRALE
La situation du français en Centrafrique fait l'objet dans ce numéro de
plusieurs approches qui tendent à montrer qu'en raison de facteurs historiques,
géo-politiques, socio-linguistiques, etc. spécifiques de ce pays, le français n'est
l'apanage que d'une petite fraction de la population, n'est guère utilisé dans la vie
courante et ne fait pas l'objet d'une réelle appropriation de la part de ses usagers.
Tout en partageant ces analyses qui nous semblent globalement acceptables, il
semble judicieux de se demander si la pratique limitée du français dans un pays où
existe un fossé considérable entre le statut officiel du et son usage réel l
n'est pas responsable d'un éclatement de la norme en plusieurs sous-normes
partiellement concurrentes et antagonistes de la de référence qui reste le
français scolaire « de France ». En prenant comme objet d'analyse les réactions à
un test proposé à des enseignants que l'opinion publique centrafricaine reconnaît
comme les vecteurs légitimes du « bon français », on s'interrogera sur l'émergence
de norme(s) endogène(s) qui se substituerai(en)t subrepticement à l'insu des
usagers à la norme exogène.
De quelques rappels socio-linguistiques : un français d'origine scolaire
Comme dans une majorité de pays francophones d'Afrique, l'acquisition du
français se fait prioritairement sinon exclusivement par voie scolaire : ainsi que le
rappellent les Instructions Officielles relatives à l'Enseignement Fondamental
niveau I (équivalent de l'École primaire française) publiées le 30 novembre 1991,
« Le français et la mathématique, pour la majorité des élèves, s'apprennent à
l'école. Ils sont enseignés avant tout comme outil de communication et d'investiga-
1 . Pour percevoir plus précisément les écarts qui existent dans les différents États francophones
d'Afrique centrale entre le statue du français (Officialité, Usages institutionnalisés, Éducation, Moyens
de communication, Accès aux secteurs secondaires et tertiaires privés) et son corpus (Conditions
d'appropriation et d'usage de la compétence linguistique : Appropriation linguistique en milieu familial,
extra-familial informel, et extra-familial formel, Véhicularisation, Types de compétence, Exposition et
production langagières) on se reportera à notre contribution à Chaudenson Robert et alii, La franco
phonie : représentations, réalités, perspectives, Aix-en-Provence, I.E.R.F., 1992, pp. 87-110. Nous
avons évalué, à partir d'analyses précises prenant en compte les divers paramètres précités, le statue du
français en Centrafrique à 80 (sur 100) alors que son corpus n'est, selon nous, que de 36 (sur 100).
100 tion dans le milieu. Ce sont des outils au service des autres disciplines dont ils
conditionnent l'apprentissage ». Sans doute en théorie, l'autre langue officielle, le
sango, est également langue d'enseignement, comme l'indique l'ordonnance de
1984 (article 36), mais dans la pratique, le français reste la principale, sinon
l'unique langue d'enseignement : il n'est pas rare cependant d'entendre les maît
res, par commodité autant que par conviction, utiliser le sango, particulièrement
dans les petites classes. Les instructions restent muettes quant à la norme du
français à utiliser et se contentent d'indiquer qu'en fin de CM. 2 « qui constituera
pour le plus grand nombre des enfants l'aboutissement de leur scolarité », « l'élève
doit être capable d'utiliser correctement les structures de base du français et
l'ensemble du vocabulaire français (Niveau I : 3 500 mots) ». Dans la suite de la
scolarité, au niveau Fondamental II (Collège), puis au lycée, la prépondérance du
français s'accroît encore et il est alors l'unique langue d'enseignement.
Ce mode d'acquisition essentiellement scolaire d'une langue qui par ailleurs
dispose d'un champ fonctionnel relativement limité (cf. les articles de M. Wenezoui
et P. Wald), pourrait faire croire que le français utilisé en Centrafrique reste assez
proche du français orthoépique et que son usage ne diffère guère de celui de la
variété dite « central » ou « français international » qu'est censée véhi
culer l'institution scolaire centrafricaine. Si l'on interroge d'ailleurs les institu
teurs, les enseignants de français, les autorités académiques (inspecteurs, conseil
lers pédagogiques) ou les autorités ministérielles, la seule norme visée est celle du
français « international » et au premier abord (déclarations spontanées au cours
d'entretiens informels), aucun problème de conflit de normes ne se pose. Tout au
plus reconnaissent-ils au niveau lexical, la présence de quelques centrafricanismes
(emprunts aux langues locales et surtout au sango), en nombre limité et correspon
dant à des realia locales que pour des raisons historiques le français n'a pas eu à
désigner avant son implantation en Centrafrique. Une certaine tolérance prévaut
d'ailleurs chez les enseignants à l'égard de ces termes rares : centrafricanismes de
bon aloi, ils donneraient au français une légère couleur locale, d'autant mieux
admise que les locuteurs garderaient toujours nettement conscience de l'origine
africaine de ces lexies et qu'elles ne risqueraient donc pas de nuire à l'inter-
compréhension avec les autres francophones.
Cette vision idyllique des choses est cependant selon nous loin de correspondre
à la réalité et aux pratiques effectives des usagers du français en Centrafrique : il
existe à nos yeux une série d'usages déviants par rapport au français central qui
sont suffisamment stabilisés chez les locuteurs réputés compétents en français pour
être considérés comme des éléments constitutifs de la (des) norme(s) centrafricai
ne^) du français.
Les enseignants, vecteurs légitimes de la norme
L'existence d'une norme locale présuppose l'existence d'une catégorie sociale
à laquelle est reconnu par les autres composantes du corps social le privilège
d'imposer ses pratiques en matière de bon usage : en Centrafrique, comme ailleurs
101 en Afrique francophone, ce sont les enseignants qui servent de modèle de référence
en matière de bon français ; présents dans l'ensemble du pays, en particulier en
brousse où ils jouent le rôle de « notables », relativement nombreux (dans la
Fonction publique beaucoup de responsables sont d'anciens enseignants de format
ion reconvertis dans des occupations plus gratifiantes), occupant dans l'État des
postes de très haute responsabilité (lors des Indépendances des années 60, puis lors
des Mouvements de Démocratisation des années 90, la plupart des nouveaux diri
geants politiques sont d'anciens instituteurs ou professeurs), les enseignants cons
tituent un groupe homogène (par sa formation) et uni (syndicat puissant) qui exerce
sans partage ses prérogatives en matière linguistique.
La crise du système éducatif
Cependant, ce groupe subit durement le contre-coup de la crise économique et
politique qui frappe les États africains depuis les années 80. L'appauvrissement de
ces États incapables de faire face aux impératifs de scolarisation de masse prônée et
partiellement mise en œuvre après les Indépendances, l'impossibilité pour le
maigre budget national centrafricain de prendre en charge une Fonction publique
que les organismes monétaires internationaux jugent trop nombreuse et inefficace,
précarisent le statut des fonctionnaires et singulièrement des enseignants. L'ab
sence de l'équipement pédagogique de base 2

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