Chapitre 9 - Le CNET et les débuts de l informatique (1944-1964) - article ; n°1 ; vol.14, pg 197-219
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Chapitre 9 - Le CNET et les débuts de l'informatique (1944-1964) - article ; n°1 ; vol.14, pg 197-219

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Description

Réseaux - Année 1996 - Volume 14 - Numéro 1 - Pages 197-219
23 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1996
Nombre de lectures 109
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Pierre Mounier-Kuhn
Chapitre 9 - Le CNET et les débuts de l'informatique (1944-
1964)
In: Réseaux, 1996, Hors Série 14 n°1. pp. 197-219.
Citer ce document / Cite this document :
Mounier-Kuhn Pierre. Chapitre 9 - Le CNET et les débuts de l'informatique (1944-1964). In: Réseaux, 1996, Hors Série 14 n°1.
pp. 197-219.
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/reso_0984-5372_1996_hos_14_1_3674Chapitre 9
LE CNET ET LES DEBUTS
DE L'INFORMATIQUE
(1944-1964)
Pierre-E. MOUNIER-KUHN LE CNET ET LES DÉBUTS
DE L'INFORMATIQUE
(1944-1964)
Contrairement aux organismes équivalents existant hors de France,
le CNET n 'a construit aucun ordinateur avant la fin des années cin
quante. Il sous-traite la plupart de ses calculs à des organismes
extérieurs et se limite, en ce domaine, à réaliser quelques calcula
teurs analogiques et une machine digitale mécanique. A partir de ce
constat et des comparaisons qu'il inspire, on peut jeter un éclairage
nouveau sur la situation difficile du CNET au temps de la "Reconst
ruction ", sur ses relations avec ses partenaires extérieurs, sur son
apprentissage de la "science lourde", sur l'évolution qui l'a mené au
succès en commutation électronique. C'est aussi l'occasion d'évo
quer les activités menées dans le même domaine par les filiales fran
çaises d'ITT (LCT et LMT), jusqu'ici peu étudiées.
L'histoire de la recherche française en télécommunications, notam
ment de la commutation électronique, est aujourd'hui bien connue
grâce à un remarquable effort d'enquête et de publication (1). Pourt
ant, un aspect en est resté jusqu'ici dans l'obscurité, c'est le rôle
joué par les laboratoires de télécommunications dans le développe
ment du calcul numérique — nous distinguerons nettement ici les
machines destinées à ce type d'usage, qui pouvaient être construites
pour répondre à des besoins techniques, dès le début des années
cinquante, et les ordinateurs réalisés plus tard pour la commutation,
qui exigeaient une fiabilité très supérieure. Certes, réaliser des ordi
nateurs n'était pas un but assigné au CNET dans ses missions offi
cielles. Mais les centres de recherche en télécommunications
avaient besoin de moyens de calcul pour résoudre certains problè
mes (conception de réseaux, etc.) ; d'autre part, en raison de leurs
compétences, ils se voyaient souvent confier par les militaires le
soin de développer des matériels "de pointe" (radars, automatismes,
(1) Voir notamment Du Castel et a/.(19, Atten (1995), Aurelle (1986), Bertho-Lavenir (1981), Delo-
raine (1974), P. Flichy (1991), Griset (1983), Libois (1985). Pour une perspective internationale, voir
Chapuis & Joel (1990). 200
calculateurs). C'est ainsi que les Bell Labs (2) en Amérique, le
Telecom Research Establishment britannique, les PTT néerlandais
et japonais ont construit plusieurs calculateurs électroniques après
la Seconde Guerre mondiale (3). Or, en France, c'est à l'industrie
que les Armées ont commandé les premiers ordinateurs. Paradoxe,
dans un pays où les conceptions dominantes d'alors considéraient
volontiers l'industrie comme ringarde et malthusienne, tandis que
l'Etat et ses experts entraînaient la nation vers un avenir meilleur ?
Ou illustration d'une idée persistante depuis l'avant-guerre : l'inno
vation technique incombe aux entreprises, son contrôle aux organis
mes d'Etat ?
Notre article décrira d'abord la situation du calcul et du traitement de
l'information au CNET dans les dix premières années de son exis
tence. On esquissera ensuite une comparaison avec l'institution pri
vée qui, à la même époque, fait figure de rivale du CNET : l'ensem
ble des laboratoires LMT-LCT, filiales françaises du groupe ITT (et
dont l'histoire reste encore à écrire). On soulignera enfin le contraste
entre le CNET des débuts et le CNET des années soixante. Ce der
nier mène à bien un projet technique ambitieux, la mise au point de
la commutation électronique et son transfert à l'industrie — opéra
tion typique de la "science lourde" qui semblait tout-à-fait hors de
portée du "premier CNET".
Un parent pauvre de la recherche (1944-1954)
Fondé sous le régime de Vichy par une loi du 4 mai 1944, le CNET
a pour mission de grouper et de coordonner les recherches en tél
écommunications de différents ministères, dont chacun avait jusque-
là son laboratoire exclusif. Il est administrativement rattaché au
Ministère des PTT mais consacre une partie de ses travaux à la
(2) Les Bell Labs construisent cinq calculateurs entre 1945 et 1954, dont le Complex number calcula
tor de Stibitz destiné aux calculs de réseaux téléphoniques, un Ballistic computer et un ordinateur tran
sistorisé TRADIC pour l'US Air Force. Au début des années cinquante, les Bell Labs employaient au
calcul 60 personnes à plein temps, diplômées en mathématiques. Les Bell Labs, en plus de leurs ma
chines "maison", acquirent des calculateurs IBM à partir de 1952. Deux ingénieurs Bell réalisèrent
précocement un système d'exploitation permettant de faire travailler l'IBM 704 on/offline, sur bande
magnétique : le Bell Operating System (BESYS), qui durera et aura longue influence.
(3) Les PTT néerlandaises présentent les ordinateurs PTERA en 1953, ZEBRA en 1957. Le Telecom
Research Establishment de Malvern réalise, entre 1947 et 1953, deux machines : MOSAIC (Ministry
of Supply Automatic Integrator and Computer, incorporant 6000 tubes et 2000 diodes), destinée à trai
ter des télémesures de missiles, et TREAC, à usage interne, caractérisée par son architecture parallèle,
sa mémoire à tubes de Williams et la haute fiabilité de ses composants. Nippon Telegraph & Telephon
met en service en 1957 son ordinateur N1 (Parametron), dont s'inspirera la série Facom 200 de Fujitsu. 201
Défense nationale : héritant du Laboratoire national de radioélectri
cité fondé en 1914 par le général Ferrie, il est l'un des principaux
éléments du dispositif militaire de recherche en électronique et en
télécommunications. Créé en réaction contre la dispersion et la
duplication des études qui handicapent la recherche publique (4), le
CNET réunit en principe les atouts nécessaires pour maîtriser l'évo
lution rapide des technologies : d'une part, il rassemble des compét
ences dans tous les domaines touchant aux télécommunications,
favorisant le travail interdisciplinaire ; d'autre part, ses activités
s'étendent de la recherche fondamentale au développement préindust
riel. "D'une certaine façon, écrit A. Bertho, l'ambition est encore
plus grande que celle du CNRS puisqu'il s'agit d'un organisme inter
ministériel annonçant son souci de lier recherche publique et recher
che d'entreprise, recherche et innovation" (5).
De notre point de vue, le CNET dispose, peut-être plus qu'aucune
autre organisation en France, des compétences et des techniques
nécessaires pour construire un ordinateur. C'est du reste ce que sou
ligne le physicien Léon Brillouin en 1947, lors d'une conférence sur
Les grandes machines mathématiques (6) organisée à l'École natio
nale supérieure des Télécommunications. Ses ingénieurs fabriquent
des compteurs électroniques d'impulsions, mettent au point lignes à
retard et matériaux magnétiques (ferrites), étudient la subminiaturi
sation des composants pour l'Armée de l'Air, travaillent sur la théo
rie de l'information, etc. Ils réalisent des tubes spéciaux à haute fia
bilité (durée de vie moyenne : 30 000 heures), inaccessibles objets
de rêve pour les constructeurs d'ordinateurs de l'époque. Pourquoi le
CNET n'exploite-t-il pas ces atouts en se lançant dans la voie indi
quée dès 1946 par Von Neumann et qui apparaît déjà à certains
Européens comme devant être la voie royale du traitement de l'info
rmation ? (7)
En fait, le CNET de 1944 est une juxtaposition de services géogra-
phiquement épars, conservant des tutelles administratives distinctes.
Il mettra dix ans à construire son identité, dix ans de conflits internes
marqués notamment par la sécession en 1946 du SRCT, dirig&

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