Clément Marot : nouveaux horizons de la poésie et du poète à la Renaissance - article ; n°1 ; vol.59, pg 23-37
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Description

Bulletin de l'Association d'étude sur l'humanisme, la réforme et la renaissance - Année 2004 - Volume 59 - Numéro 1 - Pages 23-37
15 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 2004
Nombre de lectures 35
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Daniel Martin
Clément Marot : nouveaux horizons de la poésie et du poète à la
Renaissance
In: Bulletin de l'Association d'étude sur l'humanisme, la réforme et la renaissance. N°59, 2004. pp. 23-37.
Citer ce document / Cite this document :
Martin Daniel. Clément Marot : nouveaux horizons de la poésie et du poète à la Renaissance. In: Bulletin de l'Association
d'étude sur l'humanisme, la réforme et la renaissance. N°59, 2004. pp. 23-37.
doi : 10.3406/rhren.2004.2654
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/rhren_0181-6799_2004_num_59_1_2654Clément Marot :
nouveaux horizons de la poésie et du poète
à la Renaissance
Certains traits caractéristiques de la poésie de Marot résultent de la
tension entre sa situation de poète pensionné, soumis aux contraintes
inhérentes à son statut, et sa volonté de faire entendre la voix d'une
conscience gagnée aux idéaux erasmiens ou evangeliques et convaincue du
pouvoir de la poésie. Marot aspire à sortir du cadre restreint du rapport au
maître dont il dépend économiquement pour s'incrire dans un plus
large avec le public, et cela même s'il a besoin des largesses de son roi.
L'imprimerie naissante pourrait être le moyen de cette émancipation de la
parole poétique ; l'imprimeur libraire peut cependant se révéler aussi un
partenaire encombrant, voire dangereux, parce que guidé par une logique
plus commerciale que respectueuse du texte. Ainsi, Marot a dû ruser pour
trouver à faire entendre sa voix, pour ouvrir à la poésie et au poète des
horizons jusqu'alors peu explorés. Cela l'a conduit bien souvent à œuvrer
dans les marges, à redéfinir l'objet de la poésie négativement à partir des
pratiques par lesquelles il ne pouvait éviter d'en passer, à faire mine de
couler sa parole dans des cadres préétablis pour précisément faire
comprendre à son lecteur que la poésie, ce n'est plus cela.
La carrière de Marot coïncide avec les débuts de l'ère de l'imprimé.
Une partie de son activité a d'ailleurs été consacrée à des entreprises dans
lesquelles il a joué le rôle d'éditeur, au sens philologique du terme.
En 1533, quelques années après la disparition de son père1, Marot
prépare l'édition du Recueil Jehan Marot de Caen, poète et escripvain de la
magnanime Royne Anne de Bretaigne, et depuis Valet de chambre du
Treschrestien Roy François premier de ce nom. Le livre sort des presses de
l'imprimerie de la veuve de Pierre Roffet fin 1533 ou début 15342. Le père
de Clément ne s'était en effet jamais soucié de confier ses œuvres à
l'impression. Si on a des traces incertaines d'opuscules de Jean Marot
imprimés de son vivant, il s'agit surtout, semble-t-il, d'oeuvres de
1. La date de la mort de Jean Marot est encore incertaine. Voir sur cette question la
mise au point de Gérard Defaux et Thierry Mantovani dans leur édition de Jehan
Marot, Les deux recueils, Genève, Droz, 1999, « Introduction », pp. cxxvii-cxxx.
2. Ibidem, pp. ccxxiii-ccxxiv.
RHR 59 - Décembre 2004 24 DANIEL MARTIN
propangande, et l'initiative de la publication est sans doute le fait de la
chancellerie royale3. Jean Marot est encore un poète de l'ère du
manuscrit : il conçoit son travail dans le cadre d'une relation personnelle
entre lui et l'employeur à qui, le labeur achevé, il remettra son livre,
soigneusement calligraphié et richement décoré par le maître enlumineur,
dans une cérémonie solennelle dont nous donne une idée la miniature qui
figure en tête du manuscrit français 5091 de la BNF4. Dans un décor
d'apparat et en présence de hauts personnages de la cour, on y voit le
poète tête nue, agenouillé face à Anne de Bretagne. La reine est assise,
somptueusement vêtue. De la main droite, elle saisit le livre que le poète
lui tend dans un geste d'offrande. L'aboutissement de l'œuvre littéraire,
c'est cette noble cérémonie ; le sens de l'œuvre, c'est d'abord l'hommage
d'un artisan des lettres qui voue son savoir faire au service de sa
souveraine.
Ainsi, sans le zèle filial de Clément, les œuvres de Jean eussent peut-
être été, pour la plupart, perdues à jamais. Encore l'auteur de l'épître
liminaire « Aux lecteurs » du Recueil Jehan Marot, probablement Clément
lui-même, prend-il soin de préciser que « de mille autres bonnes choses »
qu'il a écrites, Jean Marot « n'en daigna retenir ung vers5 ». En confiant à
l'impression ce qu'il a pu retrouver des œuvres de son père, Clément lui
permet sans doute de sortir, à titre posthume, du ghetto de l'ère du
manuscrit ; de sortir du confinement de la relation personnelle entre le
poète et son noble employeur pour s'offrir à 1' « admiration » — le terme est
employé à la fin de l'épître « Aux Lecteurs6 » — d'un large public. Car sans
doute, pour Clément Marot, la poésie, ce n'est pas ce que nous laisse
deviner la miniature du manuscrit français 5091.
Est-ce à dire que la poésie et le poète auraient trouvé dans
l'imprimerie l'outil qui leur permet de se libérer ? Pas vraiment. L'édition
des œuvres de François Villon7, qui voit le jour en septembre 1533, est à
3. Ibidem, pp. 1-li.
4. Description de ce manuscrit dans Jean Marot, Le voyage de Gênes, édition
critique et commentaire par Giovanna Trisolini, Genève, Droz, 1974, pp. 56-60.
Reproduction de la miniature dans la même édition, en feuillet non numéroté à la
fin de l'introduction (p. 80), ou dans l'édition Defaux-Mantovani p. ccxxvi.
5. Éd. cit. p. 3.
6. « Recevez hardiment en gré si peu qu'il y en a : car j'espère, quand l'aurez leu, que
non seulement l'extimerez, mais l'aurez en admiration d'avoir tant bien escript sans
sçavoir aucunes lettres ne Grecques ne Latines ». Ibidem.
7. Les Œuvres de Françoys Villon de Paris, reveues et remises en leur entier par
Clement Marot, valet de chambre du Roy, Paris, Galliot du Pré, 1533. MAKOT : NOUVEAUX HORIZONS DU POÈTE 25
cet égard instructive. Dans un «prologue»8 adressé aux lecteurs, Marot
justifie son entreprise en dénonçant la façon dont les libraires imprimeurs
ont, par leurs pratiques désinvoltes, défiguré l'œuvre de celui qu'il nomme
« le mal imprimé Villon » :
Entre tous les bons livres imprimez de la langue Françoyse, ne s'en veoit
ung si incorrect ne si lourdement corrompu que celluy de Villon : et m'esbahy
(veu que c'est le meilleur poète Parisien qui se trouve) comment les imprimeurs
de Paris et les enfans de la ville, n'en ont eu plus grand soin9.
Marot fustige l'ignorance et les négligences des imprimeurs10, prenant
des exemples de corruption du texte et faisant admirer, en regard, le
résultat de son propre travail editorial, après qu'il a « r'abillé » le texte. On
n'entrera pas ici dans le détail de ses principes éditoriaux11, évidemment
contestables et inquiétants à nos yeux. Marot concède d'ailleurs qu'il a
trouvé Villon tellement «blessé en ses œuvres, [qu5] il n'y a si expert
chirurgien qui le sceust penser sans apparence de cicatrice12 ». L'important
pour nous est cette tentative de restauration du texte qui aboutit à une
version jugée plus respectueuse du travail et de l'intention de l'auteur.
Tentative que Marot justifie en ces termes :
Je ne suy certes en rien son voysin : mais pour l'amour de son gentil
entendement, et en recompense de ce que je puys avoir aprins de luy en lisant
ses œuvres, j'ay faict à icelles ce que je vouldroys estre faict aux miennes, si
elles estoyent tombées en semblable inconvenient13.
En somme, avec son édition de Villon, Marot fait apparaître un devoir
de vigilance confraternelle que tout poète se doit d'exercer à l'égard des
œuvres menacées par les pratiques des profesionnels de l'imprimerie.
8. Texte reproduit dans Clément Marot, Œuvres poétiques, tome II, édition de
Gérard Defaux, Paris, Bordas, 1993, pp. 775-778. Les textes de Clément Marot
seront cités d'après cette édition.
9. Ibidem, p. 775-776.
10. « Tant y ay trouvé de broillerie en l'ordre des coupletz et des vers, en mesure, en
langaige, en la

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