Compter les émigrants au XIXe siècle. Questions de méthode et de définition - article ; n°3 ; vol.15, pg 239-249
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Description

Revue européenne de migrations internationales - Année 1999 - Volume 15 - Numéro 3 - Pages 239-249
11 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1999
Nombre de lectures 57
Langue Français

Extrait

Géraldine Rieucau
Compter les émigrants au XIXe siècle. Questions de méthode et
de définition
In: Revue européenne de migrations internationales. Vol. 15 N°3. pp. 239-249.
Citer ce document / Cite this document :
Rieucau Géraldine. Compter les émigrants au XIXe siècle. Questions de méthode et de définition. In: Revue européenne de
migrations internationales. Vol. 15 N°3. pp. 239-249.
doi : 10.3406/remi.1999.1701
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/remi_0765-0752_1999_num_15_3_1701Revue Européenne des Migrations Internationales, 1999 (15) 3 pp. 239-249 239
NOTE DE RECHERCHE
Compter les emigrants au XIXe siècle
Questions de méthode et de définition
Géraldine RIEUCAU
Au cours du XIXe siècle, l'usage de la statistique par les institutions publiques
d'Europe occidentale s'est développé et un nombre croissant de phénomènes sociaux
ont été soumis au dénombrement. Ce mouvement tient au progrès de l'outil statistique,
aux besoins suscités par la consolidation des États nations ainsi qu'à la modernisation
des économies1. Ces évolutions accentuent la nécessité de connaître et de mesurer les
comportements démographiques ainsi que les faits sociaux émergents tels que la
pauvreté, l'urbanisation ou le chômage.
Dans la plupart des pays européens d'émigration, les premières estimations
officielles de la mobilité extérieure sont effectuées au cours de la seconde moitié du
XIXe siècle. La construction de ces statistiques répond à deux impératifs : trouver une
méthode de dénombrement adaptée aux particularités des mouvements migratoires2 et
donner une mesure et une définition officielles du phénomène afin d'arbitrer les
polémiques suscitées par cette question dans la sphère économique et sociale. Nous
examinons ici les outils disponibles en Europe au cours de cette période afin de
mesurer l'émigration vers l'étranger et en particulier l'émigration outre-Atlantique.
Nous évoquons dans un premier temps les recommandations du Congrès International
de Statistique sur le sujet, les limites et les difficultés des méthodes proposées. Puis,
dans un second temps, nous détaillons la procédure du dénombrement des passagers
par mer afin de montrer l'intérêt de cette méthode par rapport aux autres. S'interroger
sur les techniques et les critères choisis pour mesurer les flux migratoires invite à
* Économiste au Centre d'Etudes de l'Emploi, 29, promenade Michel Simon 93166 Noisy le
Grand.
1 Rappelons que le mot « statistique » est d'origine allemande (Statistik) et signifie « relatif à
l'Etat ». Sur l'histoire de la raison statistique et des liens entre État et statistique en France,
Allemagne, Grande-Bretagne et États-Unis, voir Desrosières (1993).
2 Lorsque nous parlons de « mouvements migratoires » nous évoquons ici uniquement les
migrations vers et depuis l'étranger (communément nommés « émigration » et
« immigration ») et non les migrations internes. 240 Géraldine RIEUCAU
regarder avec prudence les chiffres officiels et à tenir compte de la définition de
l'émigrant qu'ils véhiculent. Notre proposition est que le dénombrement des passagers
par mer définit l'émigrant comme individu fréquemment pauvre, quittant
définitivement son pays pour chercher un travail à l'étranger.
LE DÉNOMBREMENT DE L'ÉMIGRATION : COMMENT
PROCÉDER ?
Les propositions du congrès international de statistique
A partir de 1853, des représentants des gouvernements et des statisticiens se
réunissent régulièrement lors des sessions du Congrès International de Statistique. A
Bruxelles en 1853, lors de la séance inaugurale, le président du congrès, A. Quételet,
déclare : « Les premiers efforts d'une semblable réunion devraient tendre surtout à
introduire de l'unité dans les statistiques officielles des différents pays et à en rendre
les résultats comparables : sans possibilité de comparer en effet, il ne saurait y avoir
de progrès dans les sciences de l'observation » (CIS, 1853 : 22). L'enregistrement « des
émigrations » est à l'ordre du jour de la première session du congrès de statistique. Les
participants soulignent le caractère nouveau de cette question et, conscients des enjeux
qui s'y rattachent, invitent « les gouvernements à porter leur sérieuse attention sur ce
point » (CIS, 1853 : 133). Le dénombrement des migrations internationales fait l'objet
de débats animés et donne lieu à la rédaction d'un texte final de propositions, reproduit
dans le document 1 (voir encadré).
Le congrès de statistique de Bruxelles s'intéresse à la mesure des migrations
internationales et en particulier aux départs durables, voire définitifs, de l'émigration
transocéanique vers le continent américain. Les mouvements migratoires entre pays
européens, plus anciens et plutôt temporaires, suscitent moins d'enjeux et de
controverses. Les statistiques sur l'émigration permettront d'estimer l'influence des
départs pour « la mère patrie », en calculant notamment le capital démographique
soustrait à un pays. La tenue de registres de population au niveau communal, méthode
essentielle selon les conclusions du congrès de Bruxelles, s'inscrit dans cette optique.
Voyons quelles sont les caractéristiques et les limites de ce procédé.
Document 1 : Les conclusions du congrès de statistique de Bruxelles de 1853
Émigrations considérées sous le rapport de l'origine, du nombre et de la condition des
emigrants, avec indication des lieux a" embarquement et de destination. — Causes et résultats.
— Mode de recueillir (sic) des renseignements.
Les émigrations ont lieu sous l'influence de causes diverses, politiques, religieuses ou
sociales. De nos jours, ce sont les causes de cette dernière nature qui exercent la plus grande
influence sur les émigrations : l'espoir d'accroître son bien-être détermine le travailleur à
abandonner sa patrie et à s'établir dans un autre pays pour améliorer sa situation. Il convient
donc de considérer les émigrations sous le point de vue de l'influence qu'elles peuvent
exercer sur la fortune publique de la mère patrie, et de préciser la nature des renseignements à
recueillir pour arriver à la constatation de ces effets.
REMI 1999 (15) 3 pp. 239-249 Compter les emigrants au XIXe siècle 241
Pour atteindre ce but, il serait tenu, dans chaque commune, un registre d'émigration dans
lequel seraient inscrits les habitants qui quittent la patrie pour s'établir dans un pays étranger.
Les renseignements à demander sur chaque emigrant comprendraient :
1 . Les nom et prénoms
2. Le lieu et la date de naissance
3. Le sexe, l'âge et l'état civil
4. Le culte
5. La profession
6. L'évaluation approximative des ressources ou du capital dont il dispose
7. Le jour du départ de la commune
8. Le nom du pays où il va s'établir
9. Le port d'embarquement
10. Le port de débarquement
11. Les causes générales connues ou probables de l'émigration
Lorsqu'il s'agit d'une famille entière, se composant d'enfants et de jeunes gens âgés de moins
de 21 ans, n'ayant pas de fortune qui leur appartienne personnellement, il suffira de
mentionner, en regard du nom du père, le montant de ses ressources ou du capital dont il peut
disposer pour l'établissement de la famille ainsi que les renseignements relatifs aux causes de
l'émigration (...)•
Les individus qui émigrent clandestinement seraient inscrits d'office avec tous les
renseignements que peut fournir la notoriété publique.
A l'aide de ces renseignements recueillis uniformément dans tous les pays, des relevés
numériques seraient formés à la fin de chaque année, faisant connaître l'importance des
émigrations, le nombre des travailleurs et le chiffre des capitaux enlevés à la mère patrie.
Une marche analogue pourrait être suivie pour constater les immigrations.
Comme moyen de contrôle, aux ports d'embarquement et de débarquement, il y aurait lieu
d'établir des états ou des registres constatant :
1/. Pour les ports d'embarquement :
a. Le nombre d'émigrants, hommes, femmes et enfants

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