Condition féminine et renoncement au monde dans l hindouisme. Les communautés monastiques de femmes à Benares - article ; n°1 ; vol.73, pg 197-222
27 pages
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Condition féminine et renoncement au monde dans l'hindouisme. Les communautés monastiques de femmes à Benares - article ; n°1 ; vol.73, pg 197-222

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Description

Bulletin de l'Ecole française d'Extrême-Orient - Année 1984 - Volume 73 - Numéro 1 - Pages 197-222
26 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1984
Nombre de lectures 46
Langue Français
Poids de l'ouvrage 2 Mo

Extrait

Catherine Ojha
Condition féminine et renoncement au monde dans
l'hindouisme. Les communautés monastiques de femmes à
Benares
In: Bulletin de l'Ecole française d'Extrême-Orient. Tome 73, 1984. pp. 197-222.
Citer ce document / Cite this document :
Ojha Catherine. Condition féminine et renoncement au monde dans l'hindouisme. Les communautés monastiques de femmes à
Benares. In: Bulletin de l'Ecole française d'Extrême-Orient. Tome 73, 1984. pp. 197-222.
doi : 10.3406/befeo.1984.1634
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/befeo_0336-1519_1984_num_73_1_1634CONDITION FÉMININE ET RENONCEMENT
AU MONDE DANS L'HINDOUISME
Les communautés monastiques de femmes à Benares
PAR
Catherine OJHA
Les femmes ne représentent qu'une minorité dans l'ensemble des
ordres monastiques hindous et c'est peut-être pour cette raison qu'elles
n'ont pas reçu toute l'attention qu'elles méritent et restent encore très
mal connues. Les ouvrages consacrés aux ascètes et à l'ascétisme hindous
se contentent pour la plupart de les mentionner brièvement et les rares
descriptions ne mettent jamais l'accent sur ce que le renoncement
féminin au monde a de spécifique. Cet article qui repose sur une enquête
menée dans des communautés monastiques féminines de Benares voudrait
donc contribuer à faire mieux connaître ces femmes qui pour peu nomb
reuses qu'elles soient ont leur place dans l'hindouisme contemporain1.
(1) L'enquête qui a permis de rassembler la documentation de cet article a été conduite
au cours d'une période de six mois (en décembre 1977 et janvier 1978 puis en octobre, novembre
et décembre 1978 et en janvier 1979). Le choix de Benares correspondait tout d'abord à des
préoccupations linguistiques : on y parle le Nindi, langue que j'ai étudiée. Mais Benares est
aussi le grand centre traditionnel de la vie religieuse hindoue et la plupart des grandes sectes
y ont installé leurs monastères. On pouvait donc espérer y rencontrer des renonçantes. La
localisation de celles-ci ne fut cependant pas aisée car il n'existait pas à l'époque de liste
pré-établie des monastères féminins. La collaboration de mon mari, Sharad Chandra Ojha,
fut tout à fait déterminante à cet égard et je lui dois d'avoir pu rencontrer plusieurs femmes
renonçantes solitaires et entrer en contact avec les communautés monastiques féminines dont
je parle ici. L'ouvrage de S. Sinha et B. Saraswati, The Ascetics of Kashi. An anthropological
exploration. N. К. Bose Memorial Foundation. Varanasi, paru à la fin de 1978 devait confirmer
nos propres ' découvertes '. On comprendra que dans ce type d'enquête il est indispensable
qu'un climat de confiance s'établisse entre l'enquêteur et les personnes interrogées. Il est assez
délicat de s'introduire dans les milieux de femmes renonçantes et c'est pourquoi je suis très
reconnaissante aux brahmacârinï Jayâ Devi (chez Sobhâ Ma) et Gaurî (chez Ânandamayî Ma)
qui m'ont particulièrement aidée à me sentir chez moi dans leur monastère respectif.
Finalement je tiens à exprimer ma gratitude à mes professeurs de Paris X-Nanterre,
MM. O. Herrenschmidt et C. Malamoud, pour l'aide qu'ils m'ont apportée en vue de la
publication de cet article et à M. F. Gros qui a relu une première version de ce travail et m'a
fait de très précieuses suggestions.
Les termes sanscrits ont été transcrits selon les règles habituelles mais j'ai respecté la 198 CATHERINE OJHA
Le dharma de la femme et le renoncement au monde.
S'il y a aussi peu de femmes ascètes dans l'Inde, c'est que renoncer
au monde est dans l'hindouisme une pratique essentiellement masculine.
Celle qui se retire du monde et adopte le mode de vie particulier de
l'ascète enfreint les règles d'une culture qui conçoit la femme comme
épouse et lui enjoint de se consacrer entièrement au bien-être de son
époux (pali-sevâ). Le modèle proposé à toutes les jeunes filles est celui
de la pati-vralâ, celle « qui a fait le vœu (d'être fidèle) à son époux ».
La femme qui respecte ce strï-dharma mène dans le monde une vie rel
igieuse marquée par l'abnégation la plus totale. La vraie pati-vralâ n'a
plus d'ego. Le destin masculin est tout autre. Traditionnellement la vie
de tout dvija (le deux-fois né, l'homme dont on parle dans la littérature
religieuse) se divise en quatre périodes distinctes (câiur-âsram) corre
spondant chacune à un dharma propre. De ce câiur-âsram, sans doute
un peu artificiel, deux modes d'existence ont survécu jusqu'à nos jours.
Ce sont ceux du maître de maison (grhaslha) et du renonçant (sannyâ-
sin). Selon la pensée indienne la plus classique il y a ainsi deux types
d'homme (dvija), l'un vit dans le monde, l'autre hors du monde, mais
un seul type de femme, l'épouse. La femme ne renonce pas au monde.
Les femmes ascètes sont donc des rebelles. Elles ne se sont pas
contentées de l'unique modèle de la pati-vralâ. Elles sont sorties de la
norme. Il faut s'interroger sur l'origine de ce choix excentrique. La nature
profonde de l'engagement dans la vie religieuse est bien sûr une question
complexe. Les femmes ascètes questionnées à ce sujet mentionnent
principalement des motivations spirituelles. Elles ont renoncé au monde
par amour pour leur guru, ou par amour pour Dieu, pour les servir
totalement. Mais sans mettre aucunement en doute l'authenticité de
leur vocation religieuse on cherchera ici un autre type de réponse en
tentant de dire à quelle situation sociale ces femmes ont renoncé en
' renonçant au monde '.
On vient de le voir, celle qui renonce au mariage, renonce à son
svadharma et donc renonce au monde. Il n'y a pas d'autre possibilité.
Cependant, comme le renonçant, à son exemple, c'est à toutes les étapes
de sa vie qu'une femme peut entrer dans un ordre monastique. Elle sera
donc célibataire, mariée ou veuve.
L'ancien modèle du renonçant, le sannyâsin, s'adresse d'abord à
l'homme qui s'est acquitté de ses devoirs dans le monde, donc à l'homme
marié (voir, par exemple, Manu VI 36). Le sannyâsin ' régulier ' est un
homme séparé de sa femme1. Mais, qu'elle soit célibataire ou mariée,
prononciation hindie pour tous ceux d'entre eux qui sont utilisés aujourd'hui dans cette
langue. Dans ces cas, le a bref final est élidé.
(1) Si on en croit les résultats d'une enquête menée par B. D. Tripathi ce modèle serait
toutefois assez contesté à l'heure actuelle. Sur 500 ascètes (mâles exclusivement) interrogés
par l'auteur dans la province d'Uttar Pradesh (où est situé Benares) 49,4 % étaient célibataires
au moment de leur renoncement au monde tandis que 29,6 % étaient veufs et 16,2 % séparés
de leur femme (dont 8 % après un divorce). Voir Sadhus of India. The sociological view. Bombay
Popular Prakashan. Bombay 1979. Les 4,8 % qui, à considérer ces chiffres, n'ont pas répondu
à la question, sont-ils à ajouter à ceux qui respectent l'ancien modèle (les 45,8 ; de veufs et CONDITION FÉMININE ET RENONCEMENT AU MONDE 199
la femme qui renonce au monde est tout aussi condamnable puisqu'elle
refuse son dharma. Il y a par contre une situation qui semble précipiter
une femme dans une condition marginale malgré elle, c'est le veuvage.
A la différence du veuf autorisé à se remarier, la veuve1, quel que soit
son âge cesse à tout jamais d'être une grhasthà ordinaire. Il est concevable
dès lors que le renoncement puisse représenter pour elle une véritable
planche de salut. Laissée seule à elle-même, souvent exclue de sa famille
pour des raisons financières et obligée pour survivre de s'en remettre
à la charité publique, la veuve peut trouver dans un ordre monastique
un nouvel espoir de vie. Le vaidhavya dharma avec ses dures règles de
conduite impose à la veuve un renoncement dans le monde et il peut
lui apparaître plus agréable de mener cette même vie hors du monde.
C'est pourquoi on rencontre des femmes veuves parmi les renonçantes.
Ne concluons pas pourtant qu'il suffise d'être veuve pour devenir
renonçante comme cela est encore trop souvent d

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