Culture économique, culture technologique, culture organisationnelle - article ; n°1 ; vol.36, pg 191-203
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Cahiers du monde russe : Russie, Empire russe, Union soviétique, États indépendants - Année 1995 - Volume 36 - Numéro 1 - Pages 191-203
Jacques Sapir, Economie culture, technological culture, organizational culture: Elements allowing to interpret Russian and Soviet economic history. The problem of economic culture constitutes one of the inevitable transit points of all reflection on the economic future of post-Soviet Russia. Whenever behavior does not comply with expectations it is usual to ascribe the source of these regrettable dysfunctions to economic culture — and more specifically to discrepancies dubbed archaisms The notion of economic culture acts in this case simultaneously as a saturating assumption and as a normative model : cultures that do not enhance the value of the market are being labelled simply as archaic. Yet, the notion of economic culture might be extremely useful to understand the differences and the specificities of each eonomic path. This notion connects History with Economy and — when correctly defined — provides a most pertinent analytical instrument.
Jacques Sapir, Culture économique, culture technologique, culture organisationnelle. Éléments pour une interprétation de l'histoire économique russe et soviétique. La question de la culture économique constitue un des points de passage obligé de toute réflexion sur le devenir économique de la Russie post-soviétique. Quand les comportements ne correspondent pas à ce que l'on en attend, il est courant d'imputer à la culture économique, et spécifiquement aux différences passant alors pour des archaïsmes, la source de ces regrettables dysfonctionnements. La notion de culture économique fonctionne dans ce cas simultanément comme hypothèse saturante, mais aussi comme modèle normatif : les cultures qui ne valorisent pas le marché sont considérées d'emblée archaïques. Or, la notion de culture économique peut être extraordinairement utile pour comprendre les différences et les spécificités de chaque trajectoire économique. Cette notion se situe bien à l'interface entre Histoire et Économie, et constitue, si elle est correctement définie, un instrument d'analyse d'une grande pertinence.
13 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1995
Nombre de lectures 37
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Jacques Sapir
Culture économique, culture technologique, culture
organisationnelle
In: Cahiers du monde russe : Russie, Empire russe, Union soviétique, États indépendants. Vol. 36 N°1-2. pp. 191-
203.
Abstract
Jacques Sapir, Economie culture, technological culture, organizational culture: Elements allowing to interpret Russian and Soviet
economic history. The problem of economic culture constitutes one of the inevitable transit points of all reflection on the economic
future of post-Soviet Russia. Whenever behavior does not comply with expectations it is usual to ascribe the source of these
regrettable dysfunctions to economic culture — and more specifically to discrepancies dubbed archaisms The notion of economic
culture acts in this case simultaneously as a saturating assumption and as a normative model : cultures that do not enhance the
value of the market are being labelled simply as archaic. Yet, the notion of economic culture might be extremely useful to
understand the differences and the specificities of each eonomic path. This notion connects History with Economy and — when
correctly defined — provides a most pertinent analytical instrument.
Résumé
Jacques Sapir, Culture économique, culture technologique, culture organisationnelle. Éléments pour une interprétation de
l'histoire économique russe et soviétique. La question de la économique constitue un des points de passage obligé de
toute réflexion sur le devenir économique de la Russie post-soviétique. Quand les comportements ne correspondent pas à ce
que l'on en attend, il est courant d'imputer à la culture économique, et spécifiquement aux différences passant alors pour des
archaïsmes, la source de ces regrettables dysfonctionnements. La notion de culture économique fonctionne dans ce cas
simultanément comme hypothèse saturante, mais aussi comme modèle normatif : les cultures qui ne valorisent pas le marché
sont considérées d'emblée archaïques. Or, la notion de culture économique peut être extraordinairement utile pour comprendre
les différences et les spécificités de chaque trajectoire économique. Cette notion se situe bien à l'interface entre Histoire et
Économie, et constitue, si elle est correctement définie, un instrument d'analyse d'une grande pertinence.
Citer ce document / Cite this document :
Sapir Jacques. Culture économique, culture technologique, culture organisationnelle. In: Cahiers du monde russe : Russie,
Empire russe, Union soviétique, États indépendants. Vol. 36 N°1-2. pp. 191-203.
doi : 10.3406/cmr.1995.2427
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/cmr_1252-6576_1995_num_36_1_2427JACQUES SAPIR
CULTURE ÉCONOMIQUE, CULTURE TECHNOLOGIQUE,
CULTURE ORGANISATIONNELLE :
Éléments pour une interprétation de l'histoire économique
russe et soviétique
La question de la culture économique constitue, semble-t-il, un des points de pas
sage obligé de toute réflexion sur le devenir économique de la Russie post-soviét
ique. Quand les comportements des acteurs ne correspondent pas à ce que Ton en
attend dans les interprétations occidentales dominantes, il est courant d'imputer à la
culture économique, et spécifiquement aux différences passant alors pour des
archaïsmes, la source de ces regrettables dysfonctionnements. La notion de culture
économique fonctionne dans ce cas simultanément sur deux modes parallèles. Elle
est utilisée comme hypothèse saturante (ils ne réagissent pas de la même façon que
nous car ils sont différents de nous), mais aussi comme modèle normatif : les cultures
qui ne valorisent pas l'individu et le marché sont considérées d'emblée archaïques.
Ceci devrait être suffisant pour convaincre tout chercheur soucieux d'un peu de
rigueur d'abandonner une telle notion et de la laisser aux idéologues. Nous allons
pourtant défendre la thèse inverse ; la notion de culture économique peut être extra-
ordinairement utile pour comprendre les différences et les spécificités de chaque tra
jectoire économique. Cette notion se situe bien à l'interface entre Histoire et Écono
mie et pourrait constituer, si correctement définie, un instrument d'analyse d'une
grande pertinence. Néanmoins, pour ce faire, il convient de bien mesurer les diverses
dimensions possibles d'une telle culture et de les relier à un cadre interprétatif
dégagé de tout idéalisme.
1. La culture économique, comme on vient de le dire, a été un élément central
dans de nombreuses analyses portant sur les transformations des économies post
soviétiques et la transition à l'économie de marché1 . Celle-ci a été perçue comme une
révolution culturelle nécessitant une assistance technique spéciale2.
Une particulièrement bonne définition de la culture économique, dans le sens où
cette notion est alors utilisée, a été donnée par un auteur russe. Il s'agit :
Cahiers du Monde russe, XXX VI ( I -2). janvier-juin 1995. pp. 191 204. 192 JACQUES SAP1R
« de la combinaison des méthodes institutionnelles par lesquelles des sociétés concrètes,
des groupes et des individus s'adaptent aux conditions économiques de leur existence. La
culture économique consiste en comportements stéréotypés et en connaissances écono
miques. »3
De fait, une telle définition s'articule sur trois niveaux distincts, une culture éco
nomique théorique, consistant en la somme des axiomes de la pensée économique
dominante, la culture économique des décideurs, qui découle de leur plus ou moins
grande exposition aux enseignements de la science économique ou de leur expé
rience, enfin la conscience économique de l'ensemble de la population. Cette
construction, pour élégante qu'elle soit, suppose que l'on puisse identifier de
manière précise ces trois niveaux. Il ne fait guère de doute que le premier est repré
senté par le discours économique de ce que O. Favereau a appelé la « théorie stan
dard »4, soit une démarche théorique basée sur deux hypothèses clés, la présence
d'agents individuels maximisant un résultat espéré (ou rationalité substantive) et la
possibilité de pouvoir quantifier et réduire en informations explicites simples la tota
lité des connaissances nécessaires à l'action économique3. Il y a donc identification
du niveau théorique avec un corpus particulier, celui de la pensée néo-classique
moderne, sous sa forme intégrale ou dans ses variantes dites néo-keynesiennes6. Il
s'agit d'un discours dont on ne peut que reconnaître la cohérence et les prétentions à
la généralisation, et qui se présente comme, potentiellement, une science « dure », à
l'instar des sciences de la nature7. On peut cependant se demander si il ne repose pas
sur un certain nombre d'hypothèses ad hoc, c'est-à-dire d'hypothèses destinées à
faciliter la démonstration du résultat visé par le modélisateur8.
Le second niveau renvoie quant à lui à une dimension plus directement culturelle,
soit les modes de pensée d'un groupe dirigeant. On peut alors voir, dans le cas de la
continuité entre la Russie et l'URSS, un véritable génotype économique, pour
reprendre l'expression de E. Maiminas9. Les comportements dits « de masse » vont
alors renvoyer à des théorisations plus ou moins rapides de réponses à des sondages,
ou de stéréotypes sur les comportements10. On peut ainsi réaliser combien sont in
timement mêlées, même si c'est de manière inconsciente, les dimensions normatives
et d'hypothèses saturantes dans une telle définition de la culture économique.
2. Appliquée au cas de l'URSS et de la Russie, cette définition conduit à mettre
en valeur un fond considéré comme archaïque, et qui constituerait un important obs
tacle à la transition.
Ja. Kuzminov identifie ainsi trois couches de traditions dans la culture écono
mique russe11, l'une provenant du passé féodal, qui expliquerait la vigueur des tradi
tions étatistes12, une deuxième, issue de la période communiste, qui aurait renforcé
les traits de la première, enfin une troisième constituée des traditions locales de mar
ché. Il convient donc de changer cette culture, à travers l'introduction de nouvelles
normes, mais aussi un effort massif de formation, tant des responsables que de la
population13. De manière cohé

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