De l’Empire atlantique eurafricain à la communauté des pays de langue portugaise Réalité, mythe et utopie - article ; n°1 ; vol.77, pg 61-67
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De l’Empire atlantique eurafricain à la communauté des pays de langue portugaise Réalité, mythe et utopie - article ; n°1 ; vol.77, pg 61-67

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Matériaux pour l'histoire de notre temps - Année 2005 - Volume 77 - Numéro 1 - Pages 61-67
This article enlightens the ideological conditions in which the independences of the Portuguese colonies were proclaimed in 1975. The lack of preparation of independences, arisen 10 years and more, later that of Algeria explains the feeling failure of the Portuguese intellectuals. Is it possible to set up a commonwealth between the countries of Portuguese language in spite of past and because of the historical cultural inheritance? Without pushing aside it, it is not for today. Failed decolonization so left tracks in the relations between Portugal, Angola, Mozambique and Guinea Bissau, whereas relations are more confident with Cape Verde islands and Timor Leste.
Cet article éclaire les conditions idéologiques dans lesquelles les indépendances des colonies portugaises se sont produites, en 1975. L’impréparation des indépendances, survenues dix ans et plus, après celle de l’Algérie explique le sentiment d’échec des intellectuels portugais. Peut-on espérer qu’une communauté entre les pays de langue portugaise puisse naître malgré le passé, et en raison d’un héritage culturel historique? Sans l’écarter, elle n’est pas encore entrée dans la réalité. La décolonisation ratée a donc laissé des traces dans les relations entre le Portugal, l’Angola, le Mozambique et la Guinée-Bissau, tandis que les relations sont plus confiantes avec les îles du Cap-Vert et le Timor oriental.
7 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 2005
Nombre de lectures 12
Langue Français

Extrait

E
duardo Lourenço, l’un des penseurs et
essayistes portugais les plus intéressants, installé en
France à Vence, a publié, il y a maintenant plus de vingt
ans, un livre admirable,
O labirintho da Saudade
1
.
Dans
cet ouvrage, sous-titré
Psychanalyse mythique du des-
tin portugais
, il accordait beaucoup d’attention aux
conséquences de la «
débâcle de l’Empire
» (
derrocada
do Império
) en 1974 : selon lui, l’existence d’un Empire
vieux de cinq cents ans — un Empire «
sans impéria-
lisme
», écrivait-il — avait certes tenu une place impor-
tante dans notre imaginaire, mais sa débâcle abrupte
(
derrocada abrupta
) n’avait pas traumatisé les
Portugais, ni provoqué chez eux une vraie prise de
conscience sur leur future image.
La saudade de l’Empire
Nous avons été les premiers à partir à la conquête
du monde, et les derniers à quitter nos colonies : pour
ces deux raisons, la notion d’« expansion » reste
aujourd’hui encore une image et un mot aux significa-
tions très spéciales dans la mentalité portugaise, et
même dans notre historiographie scientifique. Au sein
du département d’Histoire de l’Université de Coimbra,
il existe ainsi, par exemple, un Institut d’enseignement
et de recherche dont le nom exact est
Instituto de
História da Expansão
; de même, la seule oeuvre récen-
te publiée sur la thématique complexe des décou-
vertes, de l’expansion, de la colonisation, du colonia-
lisme et de l’anticolonialisme a pour titre
História da
Expansão Portuguesa
2
.
Nous éprouvons au Portugal — je peux le dire —
une sorte de
saudade
de l’Empire : l’expression « le
retour des caravelles », pour employer une métaphore
littéraire, donne une bonne idée de ce sentiment dra-
matique
3
. Il faut préciser cependant que ce « retour » a
été tragique moins tant du point de vue politique que
du point de vue social : beaucoup de
retornados
4
sont
en effet rentrés au pays sans leurs maisons, sans leurs
terres ou leurs usines, sans aucunes richesses et parfois
même sans aucuns biens d’usage quotidien. Mais nous
avons néanmoins réussi à sortir de cette situation sans
qu’il n’y ait eu de grand traumatisme national…
En fait, après la perte de son Empire, le Portugal
s’est vite tourné vers l’Europe — notre entrée dans
l’Union européenne est devenue effective le 1
er
janvier
1986, à la suite de négociations menées pendant la
première moitié des années 1980 —, sans vraiment se
préoccuper de défendre ses anciens intérêts outre-mer,
et sans que ne soit mis en place un organisme solide
(de type
Commonwealth
, par exemple) qui aurait pu
nous permettre d’entretenir des relations particulières
avec les territoires et les peuples que nous avions colo-
nisés et avec lesquels nous avions vécu en commun
pendant des siècles. La perte de l’Empire a été totale, et
à mon sens cette « débâcle » a moins résulté des
erreurs de la colonisation elle-même — quoique je ne
veuille pas présenter le Portugal comme un exemple de
colonisation — que d’autres erreurs politiques, du
passé et du présent.
Le procès politique
de l’Empire portugais
Dans les années vingt et trente, années de gestation
de notre régime autoritaire et, on peut le dire, « fascis-
te » — l’État Nouveau (
Estado Novo)
de Oliveira
Salazar, puis après 1968 et jusqu’en 1974 de Marcello
Caetano —, on pensait encore qu’il serait possible de
1
. Eduardo Lourenço,
O Labirintho da Saudade.
Psicanàlise Mitica do
Destino Português,
Lisonne,
Dom Quixote,
1978 [traduction en
français :
Le labyrinthe de
la saudade : psychanalyse
mythique du destin
portugais
, Bruxelles, Éd.
Sagres-Europa, 1988].
2
. Francisco Bethencourt
et Kirti Chauduri (Ed.),
História da Expansão
Portuguesa,
Lisbonne,
Círculo de Leitores, 1999.
3
. Cette expression a été
employée pour la première
fois par António Lobo
Antunes dans son roman
As Naus
(Lisbonne, Dom
Quixote/Círculo de
Leitores, 1988) [traduction
française :
Le retour des
caravelles
, Paris, Christian
Bourgois, 2003]. Puis elle a
été utilisée par l’historien
João Paulo Guerra comme
sous-titre de son livre sur la
décolonisation portugaise
(João Paulo Guerra,
Descolonização
portuguesa: o Regresso das
caravelas
, Lisbonne, Dom
Quixote, 1996). Une
institution culturelle dédiée
aux problèmes d’Afrique,
fondée par Maria Barroso,
l’épouse de Mário Soares,
a pris pour nom
Associação Regresso das
Caravelas.
4
. Nom donné aux colons
portugais — ainsi d’ailleurs
qu’aux générations nées
dans les colonies, qui
peuvent pourtant penser la
terre africaine comme leur
terre natale — revenus en
métropole au moment des
guerres de libération ou à
la suite des indépendances.
De l’Empire atlantique eurafricain
à la communauté des pays de langue portugaise
Réalité, mythe et utopie
Luís REIS TORGAL
L
UÍS
REIS TORGAL
, professeur « Catedrático » de la
Faculté des Lettres de l’Université de Coimbra ; coordonnateur
scientifique du Centre d’études interdisciplinaires du XX
e
siècle
de l’Université de Coimbra, lié à la Fondation pour la science et
la technologie (CEIS20).
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