De l'isolationnisme au comparatisme : méthodes et approches anglo-saxonnes pour l'analyse du système politique soviétique - article ; n°3 ; vol.26, pg 445-482

Jean-Guy Collignon

Description

Revue française de science politique - Année 1976 - Volume 26 - Numéro 3 - Pages 445-482
FROM ISOLATIONISM TO COMPARITIVISM : ANGLO-SAXON METHODS AND APPROACHES TO ANALYZING THE SOVIET SYSTEM JEAN-GUY COLLIGNON Initially, the Soviet regime was analyzed in ignorance but at the same time sympathetically. Subsequently, Sovietological studies were developed, but in a cold war climate which hardly encouraged scientific serenity. This Kremlinological period is now almost over. The development of comparative political science and the use of consolidatory concepts applicable to all political systems, are bringing far-reaching changes in Sovietological studies and are encouraging Sovietologists to emerge from their isolationism. [Revue française de science politique XXVI (3), juin 1976, pp. 445-482.]
DE L'ISOLATIONNNISME AU COMPARATISME : MÉTHODES ET APPROCHES ANGLO-SAXONNES POUR L'ANALYSE DU SYSTÈME SOVIÉTIQUE, par JEAN-GUY COLLIGNON Le régime soviétique a tout d'abord été analysé dans la méconnaissance mais aussi la sympathie. Puis les études soviétologiques ont été développées, mais dans un climat de guerre froide peu propice à la sérénité scientifique. Cette période kremlinologique est maintenant en passe d'être close. Le développement de la science politique comparative, l'utilisation de concepts synthétiques, applicables à l'ensemble des systèmes politiques, emportent une évolution profonde des études soviétologiques et invitent les soviétologues à sortir de leur isolationnisme. [Revue française de science politique XXVI (3), juin 1976, pp. 445-482.]
38 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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• Publié par: REVUE_FRANCAISE_DE_SCIENCE_POLITIQUE0
• Publié le: 01 janvier 1976
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Extrait

Monsieur Jean-Guy Collignon
De l'isolationnisme au comparatisme : méthodes et approches
anglo-saxonnes pour l'analyse du système politique soviétique
In: Revue française de science politique, 26e année, n°3, 1976. pp. 445-482.
Résumé
DE L'ISOLATIONNNISME AU COMPARATISME : MÉTHODES ET APPROCHES ANGLO-SAXONNES POUR L'ANALYSE DU
SYSTÈME SOVIÉTIQUE, par JEAN-GUY COLLIGNON
Le régime soviétique a tout d'abord été analysé dans la méconnaissance mais aussi la sympathie. Puis les études
soviétologiques ont été développées, mais dans un climat de guerre froide peu propice à la sérénité scientifique. Cette période
kremlinologique est maintenant en passe d'être close. Le développement de la science politique comparative, l'utilisation de
concepts synthétiques, applicables à l'ensemble des systèmes politiques, emportent une évolution profonde des études
soviétologiques et invitent les soviétologues à sortir de leur isolationnisme.
[Revue française de science politique XXVI (3), juin 1976, pp. 445-482.]
Abstract
FROM ISOLATIONISM TO COMPARITIVISM : ANGLO-SAXON METHODS AND APPROACHES TO ANALYZING THE
SOVIET SYSTEM JEAN-GUY COLLIGNON
Initially, the Soviet regime was analyzed in ignorance but at the same time sympathetically. Subsequently, Sovietological studies
were developed, but in a cold war climate which hardly encouraged scientific serenity. This Kremlinological period is now almost
over. The development of comparative political science and the use of consolidatory concepts applicable to all political systems,
are bringing far-reaching changes in Sovietological studies and are encouraging Sovietologists to emerge from their isolationism.
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Collignon Jean-Guy. De l'isolationnisme au comparatisme : méthodes et approches anglo-saxonnes pour l'analyse du système
politique soviétique. In: Revue française de science politique, 26e année, n°3, 1976. pp. 445-482.
doi : 10.3406/rfsp.1976.393669
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/rfsp_0035-2950_1976_num_26_3_393669L'ISOLATIONNISME AU COMPARATISME DE
méthodes et approches anglo-saxonnes
pour l'analyse du système politique soviétique
JEAN-GUY COLLIGNON
Dès son apparition, le système soviétique a suscité un intérêt
passionné. Beaucoup y voyaient un espoir, d'autres, après avoir
affirmé qu'il n'était pas viable, y virent une dangereuse menace.
Il était d'autant plus aisé d'adopter des positions extrêmes que les
informations étaient insuffisantes et que les interprétations reposaient
sur des faits mal connus. On se souvient par exemple que, pour Sydney
et Beatrice Webb, le stalinisme (qu'ils n'appelaient évidemment pas
ainsi) était une nouvelle civilisation, à inscrire dans la grande lignée
de celles qui s'étaient succédé de l'antiquité à la période contemp
oraine \ L'« erreur » des Webbs était excusable. Comment ces Fabiens
britanniques auraient-ils pu admettre qu'un régime, qui se réclamait
du socialisme le plus progressiste, leur avait dissimulé les aspects les
plus essentiels de sa réalité ? L'Union soviétique put donc continuer de
jouir jusqu'à la guerre d'un préjugé favorable en Occident, préjugé
que même les grands procès de Moscou n'ébranlèrent pas : beaucoup
pensaient que les aveux effectués exprimaient le repentir sincère de
leurs coupables auteurs.
A côté du manque d'information, un autre obstacle venait s'oppo
ser à une compréhension satisfaisante du système politique soviétique :
c'était le manque de méthode. Dans l'entre-deux-guerres, la science poli
tique empirique ne s'était pas encore beaucoup développée, même aux
Etats-Unis, et c'est l'histoire des idées et le droit constitutionnel qui
étaient principalement utilisés dans l'étude des systèmes politiques. Pour
1 . Sydney et Beatrice Webb, Soviet communism : a new civilisation ? London,
Longmans, 2 volumes, 1935, 1175 p.
445 Collignon Jean-Guy
l'Union soviétique, comme pour les autres pays, on trouvait donc, surtout,
des travaux consacrés à l'idéologie et aux institutions ; ils souffraient
évidemment d'un certain formalisme.
La situation s'est profondément modifiée après la guerre. Les témoi
gnages de nombreux réfugiés et les archives saisies2 ont fourni les
données indispensables aux premières études sociologiques et histo
riques solides. Surtout, des moyens considérables ont été mis en œuvre,
aux Etats-Unis en particulier, pour améliorer la connaissance du système
politique soviétique. La guerre froide a beaucoup aidé les études sovié-
tologiques, même si son climat a quelque peu influencé les interpré
tations des auteurs qui ont écrit à son époque. Et, en effet, autant la
confiance avait marqué les travaux parus dans l'entre-deux-guerres,
autant la règle de la méfiance absolue s'instaura après 1945. Puisque
les instruments classiques avaient conduit à la naïveté et à l'erreur, il
convenait de les rejeter. L'Union soviétique fut donc considérée comme
un sujet d'étude totalement à part, auquel aucune des techniques de
recherche et d'analyse valables pour les régimes « normaux » ne pouv
ait être appliquée. Cette affirmation de spécificité conduisit à l'appa
rition de spécialistes d'un type nouveau, les soviétologues, seuls posses
seurs des instruments linguistiques, théoriques et méthodologiques
sophistiqués, indispensables aux recherches effectuées dans un domaine
aussi particulier.
Cette phase des études soviétiques est aujourd'hui en voie de se
terminer. On peut critiquer l'isolement auquel a conduit la soviétologie,
mais on doit reconnaître que les travaux qui ont été effectués depuis
1948 ont permis d'accumuler une masse considérable d'informations, et
d'aboutir à une compréhension du système soviétique bien supérieure
à celle de la période antérieure.
Cela étant, plusieurs facteurs contribuent à contrebattre aujourd'hui
cette position isolationniste. Tout d'abord, depuis l'époque stalinienne,
le régime politique soviétique a évolué. Les auteurs ne s'accordent pas
sur le degré et la nature de cette évolution, mais elle est indéniable, et
il devient difficile de considérer le régime soviétique comme totalement
marginal. Par ailleurs, les études de science politique comparée ont
effectué d'importants progrès. Traditionnellement, on se contentait de
juxtapositions, et les manuels étudiaient séparément, et les uns après
les autres, les divers systèmes ; de plus les catégories d'analyse utilisées
étaient avant tout celles qui avaient été mises au point pour les systèmes
2. En particulier celles de Smolensk qui ont permis à Merle Fainsod de publier
son célèbre ouvrage Smolensk under Soviet rule, Cambridge (Mass.), Harvard University
Press, 1958, 484 p.
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politiques occidentaux. Les choses ont changé aujourd'hui. Ce sont les
recherches portant sur les pays en voie de développement qui, les pre
mières, ont contribué à faire éclater ces cadres traditionnels. Face à une
société tribale, le droit constitutionnel était de peu de secours, et il
fallut trouver d'autres méthodes pour comprendre des systèmes poli
tiques, anciens sans doute, mais qui venaient seulement d'entrer dans
le champ de la recherche.
La science politique générale s'est trouvée enrichie par ces tenta
tives nouvelles et, afin de mener des études vraiment comparatives, l'on
continue aujourd'hui à rechercher des concepts synthétiques, appli
cables à l'ensemble des systèmes politiques. Les études portant sur les
pays socialistes ne restent pas à l'écart de ce mouvement : elles en bénéf
icient, et commencent à lui apporter leur contribution.
Tout ceci fait qu'une évolution profonde des études soviétologiques
est en cours, et l'on voudrait montrer ici pourquoi et comment les
interprétations des systèmes politiques socialistes — et du système poli
tique soviétique en particulier — ont changé, conduisant les soviéto
logues de l'isolationnisme