Déférence - article ; n°1 ; vol.69, pg 215-249
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Description

Communications - Année 2000 - Volume 69 - Numéro 1 - Pages 215-249
35 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 2000
Nombre de lectures 19
Langue Français
Poids de l'ouvrage 2 Mo

Extrait

Edward Shils
Dominique Férault
Déférence
In: Communications, 69, 2000. pp. 215-249.
Citer ce document / Cite this document :
Shils Edward, Férault Dominique. Déférence. In: Communications, 69, 2000. pp. 215-249.
doi : 10.3406/comm.2000.2057
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/comm_0588-8018_2000_num_69_1_2057Shils Edward
Déférence 1
Dans toute action d'un être humain à l'égard d'un autre entre un
élément d'estime ou de dévalorisation du « partenaire » envers qui cette
action est dirigée. Il y entre à divers degrés : certaines actions contiennent
très peu de cet élément ; d'autres sont presque entièrement faites d'estime
ou de dévalorisation; dans la plupart, les éléments laudatifs ou dépré-
ciatifs se mêlent à d'autres, tels que le commandement, la contrainte, la
coopération, l'acquisition, l'affection, etc.
L'estime et la dévalorisation sont des réactions aux caractéristiques du
« partenaire », du rôle qu'il joue, des catégories dans lesquelles il est
classé, ou des relations a établies avec de tierces personnes - sur
l'arrière-plan de l'image que l'acteur a de soi relativement à ces mêmes
caractéristiques. Cet élément d'estime ou de dévalorisation est différent
des réactions aux actions passées ou prévues du « partenaire » que sont
les ordres, les actes d'obéissance, la fourniture de biens ou de services,
les agissements dommageables, comme la rétention ou le retrait de biens
et services, et les actes d'amour ou de haine.
Ce sont ces actes d'estime ou de dévalorisation que je nommerai actes
de déférence. Ce terme doit s'appliquer à la déférence positive ou haute
aussi bien qu'à la déférence négative ou basse, ou dévalorisation. D'ordi
naire, lorsque je dis qu'une personne a de la déférence pour une autre, je
veux dire qu'elle reconnaît la valeur ou la dignité de celle-ci, mais quand
je parle de la « position de déférence » d'une personne, cela peut renvoyer
à une position de déférence haute aussi bien que basse. Ce que j'appelle
ici « déférence » est parfois appelé « statut » par d'autres auteurs. Cette
dernière dénomination n'a rien d'erroné, mais elle a fini par être associée
à une conception du phénomène que je souhaite modifier. Le terme « défé
rence » — qui donne clairement à comprendre qu'une personne « défère à
quelqu'un », s'en remet ou se soumet à lui - met en lumière l'aspect qui,
215 Edward Shils
selon moi, n'a pas été suffisamment explicité dans les travaux menés sur
ce sujet pendant ces dernières années.
La déférence est étroitement liée à des phénomènes tels que le prestige,
l'honneur et le respect (ainsi que l'obscurité et la honte, le déshonneur et
l'irrespect), la renommée (et l'infamie), la gloire (et l'ignominie), la
dignité (et l'indignité).
Les actes de déférence sont accomplis dans des relations face à face ou
entre des acteurs qui n'ont aucun rapport interactif direct les uns avec
les autres mais sont membres de la même société. Ils peuvent aussi exister
dans les relations entre acteurs individuels ou collectivités appartenant à
des sociétés différentes, bien que, dans la mesure où cela se produit, les
sociétés en question cessent d'être des sociétés totalement séparées.
La manifestation de déférence implique l'attribution d'une supériorité
ou d'une infériorité, mais elle n'est pas la même chose que l'attribution
d'une qualité de bonté ou de méchanceté. Cependant elle en prend sou
vent l'allure ; elle donne parfois à penser que la supériorité a besoin de
la bonté pour être complète. Elle est l'attribution d'un mérite ou d'un
démérite ; elle est une évaluation qui attribue dignité ou indignité, ce qui
est tout à fait différent de l'attribution de qualités morales. Savoir en
quoi consiste cette dignité est une question obscure.
C'est un désir répandu chez les êtres humains que celui d'être le des
tinataire de la déférence d'un autre acteur - sous la forme tangible, ou
nettement perceptible et distincte, d'une action émanant d'autres person
nes -, ou bien de détenir cette déférence sous une forme autonome sym
bolique — qui est considérée comme une « objectivation de la déférence »
tout à fait indépendante des actions déférentes d'acteurs concrets -, ou
bien encore de la posséder en croyant avoir soi-même un titre à la recevoir
du fait de qualités conventionnellement admises comme motifs en raison
desquels elle est suscitée ou manifestée. On peut même dire que le désir
d'être « digne » de la déférence d'autrui est un , « besoin » des êtres
humains, au même titre que l'affection, l'assouvissement erotique et la
satisfaction de nécessités organiques, comme s'alimenter et avoir chaud.
Attribuer ou accorder de la déférence est aussi un « besoin » des êtres
humains suscité ou créé par le processus d'interaction et par le fait de
vivre dans une société qui déborde le cercle limité de l'interaction face à
face. De même que les hommes souhaitent être dignes et voir cette dignité
reconnue par la déférence d'autres personnes, de même ils éprouvent
souvent le besoin de vivre dans un monde social pénétré de dignité, de
reconnaître les manifestations de cette dignité et de déprécier ceux qui
sont indignes.
La déférence que j'étudie ici est une manière d'exprimer une appré
ciation de soi et d'autrui relativement à des propriétés « macrosociales » .
216 Déférence
Par cette dernière expression, j'entends les caractéristiques qui définissent
le rôle ou la position des personnes dans la société la plus vaste (généra
lement nationale) où elles vivent. La déférence s'exprime symboliquement
par l'attribution d'une position ou d'un statut de déférence dans la société
globale. Dans les actes de déférence accomplis dans le cadre de relations
face à face ou au sein de groupes constitués limités, la déférence est
souvent, mais pas toujours, accordée principalement en fonction du statut
détenu dans la société plus vaste. Ainsi, la déférence témoignée à un père
en tant que chef de famille n'est pas la au sens où j'entends le
mot quand elle ne se rapporte pas à la position du père au sein de la
société hors de la famille. La déférence manifestée à l'égard d'un supérieur
ou d'un collègue dans un groupe constitué est une déférence mélangée
qui se rapporte à la fois au statut interne à ce groupe et au statut « macro-
social ». La déférence témoignée à une femme ou aux femmes en tant
que catégorie ou bien à un homme ou aux hommes en tant que catégorie
est à la frange de la déférence macrosociale, tout comme la déférence
manifestée à l'égard de la vieillesse ou de la jeunesse. L'âge et le sexe
sont tous deux des facteurs importants pour la détermination des « chanc
es de vie » d'une personne, et donc des probabilités que cette personne
se voie témoigner de la déférence. Du reste, ils sont eux-mêmes l'objet de
jugements de déférence. Cependant, la déférence exprimée à l'égard de
l'âge ou du sexe semble d'un ordre différent de celui de la déférence qui
résulte d'un jugement laudatif de dignité ou d'un jugement dépréciatif
d'indignité dans la société plus vaste imaginée ou effectivement connue
d'expérience.
Les bases de la déférence.
La disposition à exprimer de la déférence et l'exécution d'actes de
déférence sont suscitées par la perception, chez la personne ou dans
les classes d

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