Dialogue de Paris : Le Lieu Dit  - article ; n°1 ; vol.26, pg 76-87
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Description

Les Cahiers du GRIF - Année 1983 - Volume 26 - Numéro 1 - Pages 76-87
12 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1983
Nombre de lectures 92
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Hélène Bellour
Nancy Huston
Marie-Claire Boons
Anne Rivière
Rosi Braidotti
Françoise Petitot
Leïla Sebbar
Yolaine Simha
Marie Denis
Françoise Collin
Dialogue de Paris : Le Lieu Dit
In: Les Cahiers du GRIF, N. 26, 1983. Jouir. pp. 76-87.
Citer ce document / Cite this document :
Bellour Hélène, Huston Nancy, Boons Marie-Claire, Rivière Anne, Braidotti Rosi, Petitot Françoise, Sebbar Leïla, Simha
Yolaine, Denis Marie, Collin Françoise. Dialogue de Paris : Le Lieu Dit . In: Les Cahiers du GRIF, N. 26, 1983. Jouir. pp. 76-87.
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/grif_0770-6081_1983_num_26_1_1371 Illustration non autorisée à la diffusion Dialogue de Paris
Le Lieu Dit
F.C. Quand j'ai parlé à Yolaine de ce Cahier sur la jouissance, elle
m'a répondu : comment parler encore de la jouissance alors que nous
vivons en plein désert. Et Nancy a écrit, elle, que c'est trop en parler
qui la tue.
N.H. Ce que j'ai dit dans mon article, c'est qu'à force d'avoir
parlé de la sexualité, j'ai fini, non pas par ne plus jouir, mais par être
encombrée de représentations dans ma jouissance.
Même quand je fais l'amour ces images me hantent.
F.C. Les images ne freinent pas la jouissance des hommes : elles
les soutiennent. Us ne cessent d'élaborer des systèmes de représenta"
tion par rapport à leur jouissance et d'en user, comme si ça devait les
sécuriser.
M.C.B. Une fois qu'ils se mettent à parler personnellement de
leurs fantasmes ou à élaborer quelque chose à ce propos, ça leur crée
quelques problèmes aussi.
M.D. Il ne faut pas confondre avoir des fantasmes, individuels ou
collectifs, et en parler.
M.C.B. Il est vrai qu'à force de s'interroger sur la jouissance, ce
qu'elle est, comment elle vient, çà crée une entrave, pour tout le
monde.
F.C. Mais est-ce que tu ne crois pas que si les femmes se taisent,
les autres parlent pour elles ? Le silence n'est jamais le silence. Quand
je fais l'amour, de toutes manières les représentations culturelles
masculines font barrage, ou canalisent. C'est pourquoi parler ne me
semble pas une catastrophe. On a toujours parlé pour moi avant moi.
F.P. La culture c'est ça : on parle pour toi.
F.C. Mais alors pourquoi cette parole est-elle acceptable quand
elle est celle que la culture parle pour moi, et pertubatrice de ma
jouissance quand elle est celle que je parle?
Gunvor Bergquist II Comme le dit Nancy, ce ne sont pas nécessairement ses mots F.P.
à elles qui la barrent.
N.H. Dans mon papier, les citations qui interfèrent avec ma vie
sont issues d'une part du discours dominant, d'autre part du discours
féministe. Les deux font écran.
F.P. Le discours féministe me paraît aussi une manière de parler
pour les autres.
F.C. Mais dans le féminisme, le plus souvent, chacune a parlé en
son nom, pour exister. Même si il y a eu aussi formation d'un dis
cours normatif et censurant.
N.H. Je pense que parler de ce qui nous fait jouir on ne le peut
pas. Bien sûr, on peut lire le rapport Hite.
F.B. Mais dans ce rapport, on trouve des explications de la méca
nique du corps, pas une parole.
M.D. Tout ce qu'on peut c'est un balancement entre la parole et la
vie. C'est ce que nous avons toujours fait. On peut en parler dans
l'intimité de bouche à oreille, mais pas en forme de discours.
F.C. - Ce qui nous a frappées aussi, c'est que parlant de la jouis
sance, nous ne parlons pas des hommes. Alors que les hommes, dans
les mêmes circonstances, parleraient aussitôt des femmes.
H.B. Peut-être parce que nous sommes toujours objets du dis
cours.
N.H. Quand on parle de sexualité on parle du corps de la femme.
M.C.B. Il faut distinguer les hommes dans leurs habitudes
machos, qui parlent effectivement ainsi des femmes, en termes de cul
et de fesses et les hommes qui aujourd'hui font un travail critique sur
leurs comportements: là ils parlent d'eux comme nous.
Dans une réunion de ce genre, un homme me disait : j'entends ce que
les femmes me disent et je comprends bien que vous ayez besoin de
caresses et d'autres formes dans la sexualité, que ça fasse partie de
vos désirs, mais moi, dans ce cas là, je n'y peux rien, je ne bande pas.
F.P. D'ailleurs les femmes dans des rencontres non féministes par
lent des hommes en termes objectivants.
F.C. Mais on ne parle pas de leur corps de la même manière.
F.P. Ce n'est peut-être pas la même chose qui nous intéresse.
On dira il est intelligent, il a de l'humour... On ne dit jamais il a un
beau cul. Pour moi en tout cas je ne crois pas avoir parlé d'un
78 homme qui m'a séduite, sur un trait corporel. Peut-être qu'on ne le dit pas, parce que ça ne fait pas partie de F.C.
la part du discours qui nous est attribuée, de ce que nous avons à
dire.
Y.S. Il faut tout de même constater que quand les hommes parlent
des femmes, ou quand ils parlent des hommes, dans l'homosexualité,
ils peuvent en parler, quand les femmes parlent des femmes elles peu
vent en parler. Il semble qu'il n'y ait d'interdit que pour les femmes
hétérosexuelles, quand elles parlent des hommes. L'interdit est vra
iment de notre côté, il tient à nous et non à l'objet de notre discours.
Sado-masochisme. Pornographie
F.C. Une responsable de la maison des femmes battues de Mars
eille, que j'ai rencontrée au Colloque de Toulouse, m'a dit qu'elles
avaient formé un groupe de réflexion sur ce qui lie de manière dura
ble ces femmes à leur mari ou compagnon. Elles avaient d'ailleurs été
très marquées par L'homme assis dans le couloir ; de Marguerite
Duras.
F.P. Dans une autre ville trois maris de femmes battues qui
s'étaient réfugiées à la maison des femmes battues se sont suicidés.
U faut reconnaître qu'il y a dans cette affaire un jeu à deux. C'est un
versant de la question des femmes battues que nous avons toujours
eu beaucoup de mal à aborder. Comment parler de ce jeu à deux sans
retomber dans le discours simpliste du «elles le cherchent», qu'on
entend autant pour les femmes battues que pour les femmes violées.
Je pense que chez certaines de mes patientes qui se font battre d'une
manière ou l'autre, il y a quelque chose qu'elles cherchent et qui bien
évidemment satisfait quelque chose dans l'homme qui les bat. Il y a
une implication réciproque qui peut durer depuis des dizaines
d'années, et qui est d'ailleurs très archaïque.
F.C. Jeanne Lapointe me disait qu'une de ses patientes qui vit une
relation sado-masochiste laissait entendre que ce qu'elle y trouve ce
n'est pas tant la jouissance proprement dite que le sentiment d'exister
enfin, et la disparition de l'angoisse.
M.D. Pour ce qui est des femmes battues j'en ai connu à la
Maison des femmes de Bruxelles je me demande si elles n'ont pas
l'impression de rendre un service. Une femme me montrait la photo
de son homme en me disant combien il était beau tout en me deman
dant de l'aider à s'enfuir. Elles savent que ce violent est sauvé par
elles. 79 C'est vrai, mais une femme qui veut sauver les hommes, c'est F.P.
un peu compliqué. Une femme ou un homme qui veut le bonheur des
gens, ça les met dans une drôle de situation.
X. Tu veux dire?
F.P. Ca indique à quelle place on met l'autre. C'est une position
perverse. On trouve sa jouissance en prenant l'autre comme objet.
F.C. Est-ce que dans la l'autre n'est pas toujours d'une
certaine manière objet? Est-ce que ça ne joue pas dans toute relation
intersexuelle, homo ou hétéro?
F.P. Dans la relation d'objet dont tu parles, ce qui différencie tou
jours l'homme de la femme, c'est que l'homme peut donner une part
ie de son corps comme objet, la femme donne tout son corps.
Dans les femmes il n'y a pas un bout de corps qui peut être concédé
provisoirement et repris.
X. Mais est-ce qu'une femme ne peut pas demander d'un homme
autre chose que ce bout-là? Et d'autre part, est-il vrai qu'une femme
donne tout son corps? Ce n'est pas le cas dans la prostitution.
F.P. Oui, mais quoi qu'il en soit l'homme peut détacher une
partie de son corps comme objet.
F.C. Mais si nous élaborions une pornographie du corps de
l'homme, ne pourrions nous prendre plus que cet objet?
F.P. Oui, mais eux-mêmes ne se donnent pas comme tels. Pour la
plupart, le sexe fonctionne comme un objet détach

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