Diderot et les despotes - article ; n°1 ; vol.7, pg 31-49
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Description

Mots - Année 1983 - Volume 7 - Numéro 1 - Pages 31-49
DIDEROT ET LES DESPOTES Le but de la recherche est de cerner le vocabulaire politique de Diderot dans deux textes importants, rédigés par Diderot à son retour de Russie en 1774, les Principes de politique des souverains et les Observations sur le Nakaz. Elle insiste sur la nécessité d'établir le texte avec minutie, avant de traiter de questions théoriques comme celle des niveaux de langage (la plupart des textes sont «à voix multiples») et celle des rapports entre réseau sémantique et réseau métaphorique. Les index des deux textes montrent comment les contextes mettent en évidence la cooccurrence des principales formes lexicales (loi et nation, peuple, souverain, autorité, liberté et propriété). L'importance du réseau métaphorique du corps (images de dépendance et d'interdépendance) amène à relativiser l'idée d'un Diderot «libertaire». Si l'écrivain est (ou se croit) maître de sa pensée dans son enchaînement syntagmatique, il l'est moins de ses choix lexicaux, qu'une lecture paradigmatique, « stratigraphique», permet de mieux mettre en valeur.
DIDEROT AND THE DESPOTS The aim of this research is to pinpoint Diderot's political vocabulary in two important texts written by Diderot on his return from Russia in 1774: Principes de politique des souverains and Observations sur le Nakaz. It stresses the need to establish very carefully the text, before dealing with theoretical questions on the standards of language (most of the articles are « à voix multiples ») and the relationships between a semantic and a metaphorical network. The indexes of the two texts show how the contexts reveal the cooccurrences of the principal lexical forms (loi and nation, peuple, souverain, autorité, liberté and propriété). The importance of the metaphorical network of the body (metaphors of dependence and interdependence) leads us to relativise the idea of Diderot as a « libertarian ». If the writer is (or thinks he is) the master of his thought in its syntagmatic sequence, he is it less in his lexical choices that a paradigmatic or «stratigraphie» reading allows to better emphasize.
19 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1983
Nombre de lectures 51
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

MME Anne-Marie Chouillet
Jacques Chouillet
Diderot et les despotes
In: Mots, octobre 1983, N°7. pp. 31-49.
Citer ce document / Cite this document :
Chouillet Anne-Marie, Chouillet Jacques. Diderot et les despotes. In: Mots, octobre 1983, N°7. pp. 31-49.
doi : 10.3406/mots.1983.1114
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/mots_0243-6450_1983_num_7_1_1114Abstract
DIDEROT AND THE DESPOTS The aim of this research is to pinpoint Diderot's political vocabulary in
two important texts written by Diderot on his return from Russia in 1774: Principes de politique des
souverains and Observations sur le Nakaz. It stresses the need to establish very carefully the text,
before dealing with theoretical questions on the standards of language (most of the articles are « à voix
multiples ») and the relationships between a semantic and a metaphorical network. The indexes of the
two texts show how the contexts reveal the cooccurrences of the principal lexical forms (loi and nation,
peuple, souverain, autorité, liberté and propriété). The importance of the metaphorical network of the
body (metaphors of dependence and interdependence) leads us to relativise the idea of Diderot as a «
libertarian ». If the writer is (or thinks he is) the master of his thought in its syntagmatic sequence, he is
it less in his lexical choices that a paradigmatic or «stratigraphie» reading allows to better emphasize.
Résumé
DIDEROT ET LES DESPOTES Le but de la recherche est de cerner le vocabulaire politique de Diderot
dans deux textes importants, rédigés par Diderot à son retour de Russie en 1774, les Principes de
politique des souverains et les Observations sur le Nakaz. Elle insiste sur la nécessité d'établir le texte
avec minutie, avant de traiter de questions théoriques comme celle des niveaux de langage (la plupart
des textes sont «à voix multiples») et celle des rapports entre réseau sémantique et réseau
métaphorique. Les index des deux textes montrent comment les contextes mettent en évidence la
cooccurrence des principales formes lexicales (loi et nation, peuple, souverain, autorité, liberté et
propriété). L'importance du réseau métaphorique du corps (images de dépendance et
d'interdépendance) amène à relativiser l'idée d'un Diderot «libertaire». Si l'écrivain est (ou se croit)
maître de sa pensée dans son enchaînement syntagmatique, il l'est moins de ses choix lexicaux,
qu'une lecture paradigmatique, « stratigraphique», permet de mieux mettre en valeur.ET JACQUES CHOUILLET ANNE-MARIE
UNIVERSITÉ DE LA SORBONNE-NOUVELLE (PARIS III) Mots, 7, 1983
Diderot et les despotes
Une première analyse d'articles de Г Encyclopédie et de quelques textes politiques de
Diderot nous avait conduits à des résultats qui ont été exposés dans le numéro 1 de cette
revue (octobre 1980). Les réflexions qu'on va lire s'inspirent de deux textes distincts: une
communication présentée par A.-M. Chouillet au Ve congrès des Lumières à Pise en 1979 sur
l'œuvre de Diderot intitulée Notes écrites de la main d'un souverain à la marge de Tacite, ou
Principes de politique des souverains; une communication conjointe de A.-M. et J. Chouillet
au colloque de Saint-Cloud (septembre 1980) sur le réseau sémantique et métaphorique dans
les Observations sur le Nakaz. L'idée de réunir ces deux groupes de travaux se justifie par les
traits de parenté qui rapprochent les deux personnages historiques auxquels ils se rattachent:
deux tyrans, Frédéric II et Catherine II, auxquels s'associent deux versions de ce qu'il est
convenu d'appeler l'absolutisme éclairé. Devant eux, comment réagit Diderot, qui a voulu
ignorer l'un et cru connaître l'autre? On n'est jamais mieux trahi que par son langage, et
c'est ce langage qu'il n'est pas trop ambitieux d'appréhender par le biais de la lexicologie.
Cependant, l'énoncé de ces propositions initiales ne va pas sans soulever de gros
problèmes, qui sont liés au statut de l'interprète en face d'un traitement informatique des
textes. Nous avons évoqué l'un d'entre eux dans notre premier article: quelle conclusion
peut-on tirer d'une situation locale si l'on n'est pas en possesssion du lexique global d'une
époque? Pour le 18e siècle, ce corpus est encore à l'état d'espérance et d'idéal lointain. Tant
que n'aura pas été poursuivi l'effort de comparaison des textes politiques 1) entre eux,
2) avec les textes contemporains, 3) avec les textes de l'éloquence révolutionnaire, on ne
pourra se prononcer que de façon fragmentaire et révocable. La fréquence de la forme
peuple, de la forme liberté, de la forme propriété est-elle sensiblement la même chez Diderot 32 ANNE-MARIE ET JACQUES CHOUILLET
et chez ses contemporains? qu'en est-il pour ses successeurs? Les contextes donnent-ils des
emplois similaires ou différents chez Holbach, J.-J. Rousseau, Mably, Robespierre? Tant
qu'on n'aura pas répondu à ces questions et à beaucoup d'autres, on ne pourra procéder que
par voie d'élargissements limités et de généralisations prudentes.
Une autre difficulté vient de la qualité des textes choisis. Il est bien évident qu'un Trésor
de la langue, quels que soient ses mérites, ne saurait éluder le problème de l'établissement
des textes sur lesquels il s'articule. Tout choix comporte une part d'arbitraire, même quand
les textes choisis offrent toutes les garanties possibles. Aucune œuvre humaine n'est sans
défaut et l'expérience prouve que, même dans le cas du Neveu de Rameau, où on est en
possession du manuscrit autographe, aucune édition produite jusqu'à présent n'est arrivée à
un établissement du texte irréprochable et définitif. Ensuite, il faut tenir compte des
difficultés inhérentes à la méthode critique quand elle se trouve confrontée à des versions
différentes et à la nécessité de choisir «la meilleure». On en a un exemple convaincant avec
les Principes de politique des souverains, dont toute l'interprétation dépend de la présence ou
de l'absence de guillemets pour signaler l'emplacement réservé aux interventions du souverain
en «marge de Tacite». Tantôt l'emplacement de ces guillemets varie d'un manuscrit à l'autre,
tantôt (et c'est le cas le plus fréquent) les guillemets sont ignorés. C'est ce que font en
particulier les éditeurs de textes imprimés. Ces variations créent des difficultés de lecture
considérables et conduisent même le lecteur à de véritables contresens. La lexicologie
doit-elle ou non ignorer ce genre de problèmes, ou au contraire chercher à les prendre en
compte 1) en faisant appel à de véritables spécialistes pour l'établissement des textes, 2) en
recourant à tel moyen technique que l'on voudra pour distinguer un locuteur de l'autre?
Nous penchons évidemment pour la réponse positive, mais on peut imaginer que le prix en
est élevé.
* * *
D'un point de vue plus théorique, on débouche sur le redoutable problème des niveaux
de langage. Qui parle et de la part de qui? Une fois pour toutes, il faut renoncer au schéma
simpliste d'un texte univoque qui serait censé représenter «la pensée de l'auteur». La plupart
des textes littéraires, même quand ils ne l'annoncent pas, sont des textes à voix multiples.
Dans le cas de Principes de politique des souverains, on a en réalité trois voix qui se
superposent, s'entrelacent et se répondent. Malheur à qui voudrait l'ignorer. Cependant,
l'application de ce principe n'est pas évidente. Jusqu'à quelle limite a-t-on le pouvoir de ET LES DESPOTES 33 DIDEROT
dissocier les textes commentés et les commentaires de textes? Quand il s'agit de citations, la
réponse est simple : les fragments cités de Tacite ou de l'impératrice de Russie relèvent d'un
autre lexique que celui de Diderot, et par conséquent il y a lieu d'offrir à l'utilisateur un
moyen quelconque de les dissocier. Mais, d'un autre côté, on ne peut nier que la voix de
Diderot, par son passage à travers un corpus étranger, par la présence supposée d'un
interlocuteur, subit des inflexions qui la situent sur un registre différent de son registre
d'origine. De Diderot à Frédéric ou de Diderot à Catherine, ce n'est ni la même situation, ni
le même langage. On trouve

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