Différencier, caractériser, avertir : les armoiries imaginaires attribuées au monde musulman - article ; n°38 ; vol.19, pg 137-147
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Différencier, caractériser, avertir : les armoiries imaginaires attribuées au monde musulman - article ; n°38 ; vol.19, pg 137-147

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Description

Médiévales - Année 2000 - Volume 19 - Numéro 38 - Pages 137-147
To differentiate, characterize and warn : the attribution of imaginary coats of arms to the muslim world. In the illustrated narratives of the crusades, as well as the French translations of the Chronicle of William of Tyre illuminated between the thirteenth and fourteenth centuries, the Muslims confronting the crusaders are provided with imaginary coats of arms. The painters used different constituent elements of armorial bearings (armorial supports, heraldic figures, colors) to distinguish the protagonists and transmit information about the Muslims, or at least signal them out as the antagonists. The coats of arms also present linear and colorful constructions which heighten the vivacity of the images, and help produce strong visual impressions which capture the reader's attention. The designs of the coats of arms and their structural incidence on the pictorial composition should be analyzed jointly in order to measure the significance of these imaginary heraldic devices in their characterization of the Muslim adversary. The coherent unity of a manuscript or the circumstantial unity of an image may help this methodological approach.
Dans les récits illustrés des croisades, comme les traductions françaises de la Chronique de Guillaume de Tyr enluminées entre le XIIIe et le XVe siècles, les musulmans affrontés aux croisés ont reçu des armoiries imaginaires. Les imagiers ont utilisé les différents éléments constitutifs des armoiries (supports armoriés, figures héraldiques, couleurs) pour distinguer les protagonistes et transmettre des informations sur les musulmans, ou tout au moins les signaler comme les antagonistes. Les armoiries sont aussi des constructions de lignes et de couleurs qui participent à la dynamique de l'image : elles peuvent produire de fortes impressions visuelles à même de capter l'attention des lecteurs. Le contenu des armoiries et leurs incidences structurelles dans la composition des images doivent être analysés conjointement pour mesurer la portée des armoiries imaginaires dans la caractérisation de l'adversaire musulman. L'unité cohérente d'un manuscrit ou l'unité conjoncturelle d'une image peuvent servir cette approche méthodologique.
11 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 2000
Nombre de lectures 26
Langue Français

Extrait

Madame Fany Caroff
Différencier, caractériser, avertir : les armoiries imaginaires
attribuées au monde musulman
In: Médiévales, N°38, 2000. pp. 137-147.
Abstract
To differentiate, characterize and warn : the attribution of imaginary coats of arms to the muslim world. In the illustrated narratives
of the crusades, as well as the French translations of the Chronicle of William of Tyre illuminated between the thirteenth and
fourteenth centuries, the Muslims confronting the crusaders are provided with imaginary coats of arms. The painters used
different constituent elements of armorial bearings (armorial supports, heraldic figures, colors) to distinguish the protagonists and
transmit information about the Muslims, or at least signal them out as the antagonists. The coats of arms also present linear and
colorful constructions which heighten the vivacity of the images, and help produce strong visual impressions which capture the
reader's attention. The designs of the coats of arms and their structural incidence on the pictorial composition should be analyzed
jointly in order to measure the significance of these imaginary heraldic devices in their characterization of the Muslim adversary.
The coherent unity of a manuscript or the circumstantial unity of an image may help this methodological approach.
Résumé
Dans les récits illustrés des croisades, comme les traductions françaises de la Chronique de Guillaume de Tyr enluminées entre
le XIIIe et le XVe siècles, les musulmans affrontés aux croisés ont reçu des armoiries imaginaires. Les imagiers ont utilisé les
différents éléments constitutifs des armoiries (supports armoriés, figures héraldiques, couleurs) pour distinguer les protagonistes
et transmettre des informations sur les musulmans, ou tout au moins les signaler comme les antagonistes. Les armoiries sont
aussi des constructions de lignes et de couleurs qui participent à la dynamique de l'image : elles peuvent produire de fortes
impressions visuelles à même de capter l'attention des lecteurs. Le contenu des armoiries et leurs incidences structurelles dans
la composition des images doivent être analysés conjointement pour mesurer la portée des armoiries imaginaires dans la
caractérisation de l'adversaire musulman. L'unité cohérente d'un manuscrit ou l'unité conjoncturelle d'une image peuvent servir
cette approche méthodologique.
Citer ce document / Cite this document :
Caroff Fany. Différencier, caractériser, avertir : les armoiries imaginaires attribuées au monde musulman. In: Médiévales, N°38,
2000. pp. 137-147.
doi : 10.3406/medi.2000.1483
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/medi_0751-2708_2000_num_19_38_1483Médiévales 38, printemps 2000, p. 137-147
Fanny CAROFF
DIFFERENCIER, CARACTERISER, AVERTIR :
LES ARMOIRIES IMAGINAIRES
ATTRIBUÉES AU MONDE MUSULMAN
Entre le xiir et le xve siècle, les imagiers ont puisé dans un répertoire dense
et fourni pour représenter le monde musulman. En mettant en scène l'adversaire
musulman dans les épisodes à illustrer, ils ont cherché à le désigner par un
ensemble de traits distinctifs qui ont affecté la représentation physique, le vête
ment, l'armure, l'armement, mais aussi les armoiries. Celles-ci constituent un
champ d'investigation fécond pour une raison essentielle : elles sont imaginaires
et donc signifiantes ; en donnant à identifier les protagonistes, particulièrement
dans les scènes de bataille ou les chevauchées, elles sont des signes de recon
naissance non pas d'un personnage en particulier, mais d'un groupe humain à
la différence de celles attribuées à de nombreux héros littéraires1. Intégrées à
la mise en scène des images, elles se distinguent de celles de certains Armoriaux
spécialisés et universels - comme celui de Saladin -, dont la vocation est de
présenter des armoiries tenues pour véritables en dehors de tout contexte narr
atif.
L'ensemble homogène des exemplaires illustrés des traductions et conti
nuations françaises de la chronique de Guillaume de Tyr - récit sur l'histoire
des croisades et de l'Orient latin - témoigne de l'importance des armoiries
fictives dans la construction de l'image et dans la description du monde musul
man2. À partir de ces manuscrits, enluminés entre le xiif et le xvc siècle essen
tiellement en France et dans la ville de Saint-Jean d'Acre, il est possible de
déterminer le rôle et le fonctionnement de ces signes distinctifs, en considérant
en amont la création des imagiers, et en aval la réception des lecteurs-specta
teurs de ces chroniques illustrées.
1. M. Pastoureau, « Formes et couleurs du désordre : le jaune avec le vert », Médiévales, 4,
1983, p. 62-73 ; et « L'héraldique arthurienne : une héraldique normande ? », dans J.-C. Payen, La
Légende arthurienne et la Normandie, Condé-sur-Noireau, 1983, p. 181-189.
2. Nous reprenons dans cet article de nombreux éléments développés dans nos mémoires de
maîtrise, L'Image de la première croisade au xnr siècle dans les traductions françaises de l'œuvre de
Guillaume de Tyr. Fonds BnF, dir. M. Balard et C. Prigent, Paris I, septembre 1995, et de DEA, La
Représentation du monde musulman dans les enluminures des récits historiques consacrés aux croi
sades xnr -xv siècle, dir. M. Balard et C. Prigent, Paris I, septembre 1996. Cette enquête a porté sur
34 manuscrits enluminés de la chronique de Guillaume de Tyr. Voir J. Folda, « Manuscripts of the
History of Outremer by William of Tyre : a handlist », Scriptorium, 27, 1973, p. 90-95. 138 F. CAROFF
La portée descriptive des armoiries imaginaires
L'image héraldique, comme toute construction iconographique, se crée et
s'adapte en fonction des données culturelles d'une époque. Elle peut explorer
de nouveaux registres et son pouvoir évocateur se modifier. Aussi est-il possible
de saisir les goûts et les usages des imagiers selon les époques, de relever les
signes héraldiques qu'ils ont privilégiés en peignant des armoiries imaginaires,
qu'il s'agisse de la forme des supports armoriés, des figures (géométriques,
motifs héraldiques, meubles en forme d'êtres humains et d'animaux) et des
couleurs. Au xiif siècle, la forme l'emporte sur les autres éléments constitutifs
des armoiries, tandis qu'au xive siècle, la figure héraldique semble prévaloir.
Les écus constituent la majeure partie des supports armoriés au xme siècle3 ; ils
sont généralement de périmètre circulaire4 et dans plus de la moitié des cas,
plains, c'est-à-dire monochromes et dépourvus de figures ; celles-ci sont par
ailleurs peu nombreuses. Parfois, la circularité de l'écu est accentuée par des
traits concentriques soulignant le périmètre et l'ambon (fig. 1). Au xrve siècle,
on assiste à une triple diversification : la proportion d'écus diminue au profit
des housses armoriées des montures et des ailettes des combattants ; à côté
Illustration non autorisée à la diffusion
Figure 1. Paris, BnF, ms. fr. 2630, f 198 v° : France, xnr siècle
3. Les écus constituent plus des trois quarts des supports armoriés ; viennent ensuite les ban
nières et les fanons.
4. Plus des trois quarts des écus sont ronds ; viennent ensuite les écus scutiformes. CARACTÉRISER, A VERTHl 139 DIFFÉRENCIER,
de l'écu rond, figurent un nombre croissant d'écus scutif ormes et des écus en
forme de cœur ; enfin le répertoire sémantique des figures - en particuliers des
meubles - s'accroît : leur nombre triple par rapport au siècle précédent et la
proportion d'écus plains diminue de ce fait. L'image héraldique peut devenir
envahissante dans certains manuscrits (fig. 3). Le xve siècle propose moins
d'armoiries et suit un autre développement. On rencontre essentiellement des
targes, des pavois ou des boucliers oblongs, souvent peints au naturel, et pou
vant adopter différentes formes - notamment anthropomorphiques - ou être
pourvus d'ambons proéminents. Les supports armoriés se limitent alors aux
bannières et fanons (fig. 5) et, nouveauté par rapport aux siècles précédents,
aux cottes des combattants.
En peignant des armoiries, les imagiers ont choisi d'utiliser le langage
héraldique pour servir la construction narrative, mais aussi pour livrer une infor
mation, traduire une idée, une appréciation sur les personnages qui en sont
dotés. Ils ont ainsi différencié les protagonistes affron

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