Du motif à la fonction, et vice versa - article ; n°1 ; vol.47, pg 9-22
15 pages
Français

Découvre YouScribe en t'inscrivant gratuitement

Je m'inscris

Du motif à la fonction, et vice versa - article ; n°1 ; vol.47, pg 9-22

-

Découvre YouScribe en t'inscrivant gratuitement

Je m'inscris
Obtenez un accès à la bibliothèque pour le consulter en ligne
En savoir plus
15 pages
Français
Obtenez un accès à la bibliothèque pour le consulter en ligne
En savoir plus

Description

Communications - Année 1988 - Volume 47 - Numéro 1 - Pages 9-22
14 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1988
Nombre de lectures 21
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Cesare Segre
Du motif à la fonction, et vice versa
In: Communications, 47, 1988. pp. 9-22.
Citer ce document / Cite this document :
Segre Cesare. Du motif à la fonction, et vice versa. In: Communications, 47, 1988. pp. 9-22.
doi : 10.3406/comm.1988.1703
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/comm_0588-8018_1988_num_47_1_1703Cesare Segre
Du motif à la fonction,
et vice versa
II y avait une fois le motif, le thème et le sujet. Enfin, Propp vint. Ce
que je voudrais discuter, c'est un passage de la Morphologie du
conte :
Les fonctions des personnages représentent ces parties constituti
ves qui peuvent remplacer les motifs de Vessélovski ou les éléments
de Bédier '.
Une analyse attentive montre qu'ici remplacer ne signifie pas
« représenter de façon plus satisfaisante », mais bien « substituer à,
prendre la place de ». En effet, tandis que dans le 1er chapitre, « His
torique du problème », les termes motif et sujet (c'est-à-dire intrigue)
sont beaucoup employés, par la suite, lorsque l'on passe à la définition
et à l'inventaire des fonctions, on part tout simplement du terme
action. Le mot sujet (intrigue) réapparaît souvent au chapitre 9, « Le
conte comme totalité », même si la traduction française introduit une
concurrence fâcheuse entre cette acception et le sens grammatical du
mot :
Tous les prédicats reflètent la structure du conte, tous les sujets
[grammaticaux], les compléments et les autres parties du discours
définissent le sujet 1= intrigue] (p. 141).
D'où le schéma suivant :
prédicats sujets [ grammaticaux ] , compléments
fonctions
structure sujet [= intrigue 1 Cesare Segre
En un certain sens, on pourrait dire que Propp remplace l'opposi
tion intrigue/motif, évidente chez Vessélovski, par l'opposition struc
ture/intrigue. La raison en est claire. « Pour Vessélovski, affirme
Propp, le motif est primaire, et le sujet [= intrigue], secondaire »
(p. 21) ; et, à son avis, Vessélovski a bien raison lorsqu'il déclare qu'il
est indispensable de « séparer le problème des motifs du problème des
sujets ». A cela près que les motifs — Propp l'a démontré — ne sont pas
des unités indécomposables, tandis que les fonctions sont indécompos
ables. D'où l'abandon du terme et de la notion de motif.
La raison pour laquelle Propp a choisi d'opérer sur le couple struc
ture/intrigue devient évidente : il les considère comme deux éléments
fondamentaux, la structure pour ses buts classificatoires, l'intrigue
pour une histoire des variantes narratives. Dans cette dernière, le
motif (qui s'est avéré non indécomposable) ne constituerait qu'une
sous-espèce du sujet (= intrigue).
En fait, les définitions de Vessélovski ne permettaient pas de définir
le motif de façon univoque. Il suffit de rappeler sa définition la plus
célèbre et la plus compréhensible, reprise par Chklovski :
a) Par motif, j'entends l'unité narrative la plus simple qui, en
forme d'image, répondait aux diverses exigences de l'esprit primit
if et de l'observation quotidienne. Étant donné la ressemblance ou
même l'identité des formes de vie et des processus psychologiques
dans les premières phases de l'évolution sociale, de tels motifs
pouvaient se former autonomement tout en présentant des traits
semblables. On peut citer comme exemples : 7) les « légendes des
origines » : la représentation du soleil comme un œil, du soleil et
de la lune comme frère et sœur ou mari et femme, les mythes du
lever et du coucher du soleil, des taches lunaires, des éclipses, etc. ;
2) les situations de l'existence : l'enlèvement de la mariée (coutume
populaire paysanne de mariage), le banquet d'adieu (dans les
contes merveilleux) et d'autres traditions semblables, b) Par sujet
(intrigue), j'entends un thème à l'intérieur duquel se mêlent plu
sieurs situations ou motifs ; par exemple : 1) les contes concernant
le soleil (et sa mère : la légende grecque et malaise du soleil
anthropophage) ; 2) les contes concernant les enlèvements.
S'il est évident que Vessélovski considère l'intrigue comme plus
complexe que le motif, sa définition de celui-ci apparaît pourtant
moins claire. Et encore moins claire demeure d'ailleurs, chez les divers
chercheurs, la distinction entre thème et motif, à tel point que souvent
leurs définitions sont interchangeables.
Le but de Vessélovski était lui aussi classificatoire : la présence des
10 Du motif à la fonction, et vice versa
mêmes motifs peut permettre de regrouper des contes ou des mythes
ayant une origine et une diffusion différentes. En ce sens, le motif va
demeurer un instrument utile jusqu'à l'imposant répertoire du Motif-
Index of Folk Literature de Stith Thompson (qui n'a paru que quatre
ans après l'ouvrage de Propp, quoiqu'on puisse le croire très anté
rieur).
En revanche, ce sont les formalistes russes qui ont vu dans le motif
un outil pour segmenter le texte narratif; et c'est à cause de leur
influence qu'aujourd'hui, contre la pratique de Propp, nous mettons
en rapport, même inconsciemment, motif et fonction.
A l'aide de cette décomposition de l'œuvre en unités thématiques
(écrit Tomachevskî) , nous arrivons enfin jusqu'aux parties indé
composables, jusqu'aux plus petites particules du matériau thémat
ique : « Le soir est tombé », « Raskolnikov a tué la vieille », « Le
héros est mort », « Une lettre est arrivée », etc. Le thème de cette
partie indécomposable de l'œuvre s'appelle motif.
Pour que cette segmentation ne demeure pas inerte, muette, il faut
s'arrêter sur les liens entre les unités repérées. Ces liens se dégagent de
la comparaison entre deux autres structures, Vintrigue et la fabula.
Les motifs combinés entre eux constituent le soutien thématique
de l'œuvre (écrit encore Tomachevskî). Dans cette perspective, la
fable apparaît comme l'ensemble des motifs dans leur succession
chronologique et causale ; le sujet apparaît comme l'ensemble de
ces mêmes motifs, mais selon la succession qu'ils respectent dans
l'œuvre.
Dans la fabula, on paraphrase donc le contenu narratif en respectant
cet ordre chronologique et de cause à effet qui est souvent bouleversé
dans le texte ; en revanche, l'intrigue paraphrase le contenu en res
pectant l'ordre des unités telles qu'elles apparaissent dans le texte. Je
m'excuse de ces citations, somme toute banales, mais il était important
de souligner les différences radicales existant entre des auteurs tels que
Propp et les formalistes, qui entretiennent pourtant des rapports très
étroits. Et cela, parce que ces différences vont peut-être nous suggérer
quelques précisions. Il faut remarquer tout d'abord que les analyses
des formalistes sont centrées sur l'axe syntagmatique, tandis que celles
de Propp visent plutôt l'axe paradigmatique. Dans leurs analyses, les
formalistes cherchent à saisir, dans un récit, le discours sous le dis
cours, de façon à mettre en lumière le travail de décomposition et
recomposition des contenus racontés : ce qui les intéresse, c'est surtout
11 Cesare Segre
le rapport entre la fabula et l'intrigue dans un texte donné. En revan
che, les analyses de Propp essaient de ramener les récits d'un corpus à
un seul paradigme, dont ils seraient la réalisation. Tandis que l'oppo-
sitionyà6w/a/intrigue se rapporte à deux niveaux différents d'un même
discours, l'opposition structure/intrigue renvoie à deux opérations dif
férentes : la recherche du paradigme sous-jacent à des récits différents
ou, au contraire, la recherche d'éléments narratifs communs à des
récits se rapportant à des paradigmes différents.
On sait que ces deux ordres de recherches, entamées par les formal
istes et par Propp, ont déclenché, de façon tout à fait involontaire, une
série d'enquêtes dans deux domaines : d'un côté, sur celles qu'on
appelle improprement les structures profondes du récit ; de l'autre, sur
les modèles narratifs et leurs invariants. Mais ce n'est pas là le sujet de
mon exposé. Je voudrais plutôt revenir aux problèmes préliminaires,

  • Univers Univers
  • Ebooks Ebooks
  • Livres audio Livres audio
  • Presse Presse
  • Podcasts Podcasts
  • BD BD
  • Documents Documents