Esquisse et crise. Une relecture nécessaire d'Ernest Labrousse - article ; n°1 ; vol.303, pg 77-107

Michel Morineau

Description

Annales historiques de la Révolution française - Année 1996 - Volume 303 - Numéro 1 - Pages 77-107
1. Michel Morineau. Esquisse et Crise. Une relecture nécessaire d'Ernest Labrousse.
M. M. critique radicalement la démarche d'Ernest Labrousse : celui-ci a construit à partir d'un matériel statistique limité une conceptualisation hasardeuse. M. M. conteste la chronologie et la notion même de cycles repérés au xvme siècle par Labrousse. Il conteste plus particulièrement la description et l'interprétation, données par Labrousse, de la crise des années 1780.
1. Michel Morineau. Outline and Attack. A necessary rereading of Ernest Labrousse.
Michel Morineau radically criticizes the approach of Ernest Labrousse who, he claims, constructed a rash conceptualization from limited statistical material. Michel Morineau contests Labrousse' s chronology, as well as the notion of cycles registered during the Eighteenth Century. More particularly he takes issue with Labrousse's description and interpretation of the crisis of the 1780s.
Michel Morineau. Schizzo e Crisi. Una rilettura necessaria d'Ernest Labrousse.
M.M. critica radicalmente il procedimento d'Ernest Labrousse : questo ha costruito da un materiale statistico limitato un concettualizzare arrischiato, M.M. contesta la cronologia e la nozione stessa di cicli segnalati nel Settecento da Labrousse. Contesta più particolarmente la descrizione e l'interpretazione, date da Labrousse, della crisi degli anni 1780.
31 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

• Publié par: ANNALES_HISTORIQUES_DE_LA_REVOLUTION_FRANCAISE
• Publié le: 01 janvier 1996
• Nombre de lectures: 20
• Langue: Français
• Poids de l'ouvrage: 2 Mo

Extrait

M. Morineau
Esquisse et crise. Une relecture nécessaire d'Ernest Labrousse
In: Annales historiques de la Révolution française. N°303, 1996. pp. 77-107.
Résumé
1. Michel Morineau. Esquisse et Crise. Une relecture nécessaire d'Ernest Labrousse.
M. M. critique radicalement la démarche d'Ernest Labrousse : celui-ci a construit à partir d'un matériel statistique limité une
conceptualisation hasardeuse. M. M. conteste la chronologie et la notion même de cycles repérés au xvme siècle par Labrousse.
Il conteste plus particulièrement la description et l'interprétation, données par Labrousse, de la crise des années 1780.
Abstract
1.Michel Morineau. Outline and Attack. A necessary rereading of Ernest Labrousse.
Michel Morineau radically criticizes the approach of Ernest Labrousse who, he claims, constructed a rash conceptualization from
limited statistical material. Michel Morineau contests Labrousse' s chronology, as well as the notion of cycles registered during
the Eighteenth Century. More particularly he takes issue with Labrousse's description and interpretation of the crisis of the 1780s.
Riassunto
Michel Morineau. Schizzo e Crisi. Una rilettura necessaria d'Ernest Labrousse.
M.M. critica radicalmente il procedimento d'Ernest Labrousse : questo ha costruito da un materiale statistico limitato un
concettualizzare arrischiato, M.M. contesta la cronologia e la nozione stessa di cicli segnalati nel Settecento da Labrousse.
Contesta più particolarmente la descrizione e l'interpretazione, date da Labrousse, della crisi degli anni 1780.
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Morineau M. Esquisse et crise. Une relecture nécessaire d'Ernest Labrousse. In: Annales historiques de la Révolution française.
N°303, 1996. pp. 77-107.
doi : 10.3406/ahrf.1996.1835
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/ahrf_0003-4436_1996_num_303_1_1835DEBAT
ESQUISSE ET CRISE
Une relecture nécessaire d'Ernest Labrousse
Le nom, l'enseignement et la réputation d'Ernest Labrousse sont des
valeurs sûres dans le paysage actuel des historiens français et de pas mal
d'autres hors des frontières. Sa disparition, en 1988, fut saluée avec émotion
et avec respect aussi bien par des élèves de la première heure (Pierre Vilar)
que par de jeunes pousses (Jean- Yves Grenier et Bernard Lepetit). On
remarqua qu'il n'avait pas joui d'une image hautement médiatique, à l'instar
de Braudel, mais qu'il avait exercé une influence peut-être plus prégnante,
plus tenace, plus profonde à cause de sa « présence » tant à la Sorbonne,
où il occupa une chaire durant vingt ans, que dans diverses sociétés et
réunions de collègues et à cause, en plus et surtout, de la direction qu'il
assuma d'innombrables thèses, dont quasi automatiquement celles d'histoire
économique (1). Sa pensée avait été l'objet, pourtant, lors de ses premières
expressions, de divergences d'appréciation confinant entre elles à des oppos
itions ; des retraits d'adhésions, des réticences ; des incertitudes s'étaient
manifestées et nous-mêmes, à trois ou quatre reprises, avons proposé
d'autres versions des faits qu'il avait étudiés (2). Tout cela avait été refoulé,
ignoré ou aboli : il ne restait plus qu'un message et qu'une gloire. La présente
relecture de ses thèses n'a pas eu pour but de la ternir ni de prendre le
personnage en défaut. Elle a été motivée par le regain auquel nous assistons
des analyses des prix et par la référence accolée ordinairement implici-
(1) Cf. les Annales Historiques de la Révolution Française (1989) et les Annales. Économies, Sociétés,
Civilisations (1990).
(2) « D'Amsterdam à Seville : de quelle histoire les prix sont-ils le miroir? » Annales E.S.C. 1967;
« A la Halle de Charleville. Les Mécanismes du Marché et du Prix du Grain », 95e Congrès National
des Sociétés Savantes, Reims, 1970; « Trois contributions au Colloque de Gôttingen », Actes du Colloque
de l'Ancien Régime à la Révolution Française, 1978; « Allergico Cantabile » {Annales E.S.C. 1981).
Annales Historiques de la Révolution Française — 1996 — N° 1 78 DÉBAT
tement ou explicitement de l'autorité d'Ernest Labrousse, rejetant ainsi
d'autres travaux dans une obscurité d'où, qui sait, ils n'auraient jamais
dû sortir. Il s'agissait, plus uniment et d'abord, de tirer au clair un contenu
qui, tout de même, n'avait pas eu d'emblée, et pour tous, l'éclat d'une
évidence ; puis de le confronter aux exigences de la critique interne et externe,
quitte, le cas échéant et toute honte bue, à battre notre coulpe et à faire
amende honorable. Telle a été notre démarche, dont le protocole de l'itiné
raire et l'exposé des résultats suivent.
I. — Les thèses
Nous reviendrons sur la formation d'Ernest Labrousse juste ce qu'il
faut pour situer son ou ses projets, sa méthode. D'une famille républicaine
assez avancée, il a suivi les cours de la faculté de droit de Paris, ayant
eu Albert Af talion pour un maître toujours révéré et a songé — en 1924,
il avait alors vingt-neuf ans — à écrire une thèse sur les Origines histo
riques françaises des Assurances sociales, thème qui répondait pleinement
à ses engagements politiques d'alors, sinon à sa sensibilité. Pour assurer
les assises d'un travail qui devait se fonder sur « les doctrines et les expé
riences de la Révolution française », il entreprit de remonter en amont
pour établir quelle était la situation dans la période ayant précédé l'explosion.
Le préambule fut développé et en vint à pouvoir être substitué au principal
comme sujet d'une thèse soutenue en 1932 en sciences économiques. Ce
fut YEsquisse du mouvement des prix et des revenus en France au
xvme siècle (3).
Quelle était son originalité ? La question des prix et de leur dynamique
avait été l'un des os à ronger des économistes au xixe siècle et au début
du XXe siècle, partie intégrante en conséquence d'un enseignement reçu.
Les mouvements saisonniers, annuels, interannuels, cycliques, de longue
durée formaient panoplie. La nouveauté et la hardiesse d'Ernest Labrousse
(Camille-Ernest signait-il alors) était et fut d'en rechercher et d'en étendre
l'application pour une époque antérieure à la Révolution, dépourvue appa
remment de statistiques régulières et, pour cette raison, hors champ, couverte
de ténèbres épaisses. En fait, le jugement n'était pas entièrement fondé.
Des chiffres avaient été publiés dès 1792, permettant de remonter jusqu'en
1756 : des historiens, comme Emile Levasseur, s'y étaient intéressés par
la suite. En outre, des érudits locaux en avaient exhumé quantité des archives,
sans parler de l'ambitieux attrape-tout du vicomte d'Avenel. Mais les
données recueillies n'étaient pas toujours assurées et elles étaient souvent
discontinues ou réduites à des fragments. Labrousse eut, en première
(3) Les éléments biographiques viennent des Entretiens avec Ernest Labrousse, publiés par Chris
tophe Charle dans les Actes de la Recherche en Sciences Sociales (1980). DÉBAT 79
instance, à s'en procurer de meilleures et à constituer des séries aussi amples
et ininterrompues que possible. A quoi contribua ce dont il ne fut pas
peu fier : « l'invention » et l'exploitation des mercuriales des prix.
Un autre défaut des études précédentes résidait dans leur absence
d'architecture conceptuelle et de signification cohérente dans la durée. Une
fois opérée la restitution d'une courbe correcte, Labrousse s'aperçut et
se convainquit que l'on pouvait lui appliquer la grille qui avait été reconnue
par les économistes pour le XIXe siècle et dont nous avons énuméré plus
haut les différentes inflexions. Il s'octroya cependant plusieurs licences.
Il se réduisit à une période allant de 1726 à 1789, à cause, argua-t-il, de
la stabilité monétaire qui garantissait la pureté des observations. Elles
auraient été troublées en deçà et au-delà. Mais il ne lui restait qu'un moignon
et on le lui reprocha. Du point de vue même de ses