État, nation et nationalismes. Equivoques et apories. Fragments pour une introduction - article ; n°1 ; vol.68, pg 11-40
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Description

Revue du monde musulman et de la Méditerranée - Année 1993 - Volume 68 - Numéro 1 - Pages 11-40
30 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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Publié par
Publié le 01 janvier 1993
Nombre de lectures 25
Langue Français
Poids de l'ouvrage 3 Mo

Extrait

Pierre-Robert Baduel
État, nation et nationalismes. Equivoques et apories. Fragments
pour une introduction
In: Revue du monde musulman et de la Méditerranée, N°68-69, 1993. pp. 11-40.
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Baduel Pierre-Robert. État, nation et nationalismes. Equivoques et apories. Fragments pour une introduction. In: Revue du
monde musulman et de la Méditerranée, N°68-69, 1993. pp. 11-40.
doi : 10.3406/remmm.1993.2552
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/remmm_0997-1327_1993_num_68_1_2552Pierre Robert Baduel
ETAT, NATION ET NATIONALISMES
ÉQUIVOQUES ET APORIES
Fragments pour une introduction1
Le xxe siècle est un siècle paradoxal. Il s'ouvre sur deux événements absolument contemporains
qui se révéleront antinomiques.
Lors du règlement de la première guerre mondiale, le principe que firent prévaloir les puissances
victorieuses, en fait derrière lequel elles s'abritèrent en croyant assurer ainsi leur hégémonie, mar
qua comme le triomphe des idées politiques du XIXe siècle qui fut d'abord celui de l'« éveil des natio
nalités » (G. Weil, I930 et 1938). Tout à l'ivresse de leur victoire et inconscients que le vieux continent,
dans le même temps où il achevait pratiquement l'européanisation du monde, par sa guerre venait
de ruiner son crédit extérieur (y compris financier) et sortait non pas renforcé mais définitivement
affaibli, les négociateurs des traités de Versailles, Sèvres, etc., tournèrent d'une certaine façon le
dos au siècle commençant, précisément par la mise en œuvre (en fait plus instrumentale que sin
cère et toujours justifiée) d'un principe qui, par la décomposition des empires centraux parallèle à
la métamorphose de l'empire des Tsars et au repliement des USA sur eux-mêmes, créerait de fait
une zone de dépression continentale. François Fejtô (1988) a lumineusement montré ce court-cir
cuit de l'idéologie nationaliste à propos de la destruction de l'empire des Habsbourg qui remplac
erait un Etat multinational en voie de réforme et au total encore viable par une série d'Etats
impuissants dont Hitler d'abord, Staline ensuite ne feraient qu'une bouchée2. L'histoire de la Youg
oslavie est aujourd'hui là pour nous rappeler l'erreur de siècle qui semble, rétrospectivement, avoir
été commise par des acteurs politiques venant du passé, aveugles en définitive au fait que le Concert
des nations ou la politique d'équilibre des puissances (balance of power) qui prévalurent tant bien
que mal en Europe de Metternich à Bismarck, ne pouvaient être réaménagés du fait de l'autre évé
nement majeur du temps, fondé sur de tout autres principes que ceux que firent prévaloir des
hommes comme Clemenceau, Loyd Georges ou Wilson : la Révolution russe.
Or c'est en définitive autour de cette Révolution que devait ultérieurement s'organiser pour l'essent
iel la vie internationale de notre siècle, d'abord dans une mobilisation anti-bolchevique tous azi-
RE.M.M.M. 68-69, 1993/2-3 12 /Pierre Robert Baduel
muts qui, menée par les démocraties occidentales, allait avoir pour effet pervers de favoriser, voire
aux yeux de certains de légitimer, la montée des fascismes, puis dans le cadre du nouveau système
mondial bipolaire issu de la seconde guerre mondiale.
Pour beaucoup de contemporains, ce qui s'était passé en 1917 en Russie marquait en effet une
rupture décisive avec le XIXe siècle, préfigurait pour les uns - lyriques adeptes ou compagnons de
route du marxisme - le passage à un autre âge de l'humanité, et pour d'autres - qui prenaient plus
globalement en compte tous les mouvements de masse nouveaux incluant à l'Ouest le fascisme et
le nazisme - plus modestement le passage à une autre forme d'Etat, un Etat post-national. Ainsi en
particulier d'Otto Hintze, qui, au terme d'une excellente étude sur "la nature et les transformations
de l'Etat moderne", après avoir décrit la confusion de l'Etat et du parti en URSS comme dans l'Ita
lie mussolinienne, en 1931, soit encore sous la république de Weimar et moins de deux ans avant
la prise du pouvoir par Hitler (30 janvier 1933), à partir de la situation de l'Allemagne humiliée par
le traité de Versailles (autre erreur tragique des vainqueurs de la Grande Guerre) écrivait ceci ;
"La souveraineté nationale est pratiquement anéantie, l'économie nationale travaille pour des inté
rêts étrangers et se voit étranglée par la prise en charge de millions de chômeurs, l'activité des part
is, complètement dévoyée, contraint un gouvernement, qui navigue entre des partis extrémistes
comme entre Charybde et Scylla, à prendre des mesures dictatoriales, qui si elles ne lèsent pas de façon
irréversible les droits civils de l'individu, ne peuvent cependant être considérées comme un mode nor
mal de gouvernement national-bourgeois. (...) Partout3 se manifeste la grande faille que la guerre a
creusée dans la vie publique entre l'avant et l'après-guerre. Le vieux monde politique s'est effondré ;
le nouveau n'a encore ni forme ni orientation bien définies ; mais il va vers autre chose que l'Etat
national-bourgeois moderne." (1991, 329)
L'écrasement par la guerre des fascismes hitlérien et mussolinien contraria l'instauration d'un Etat
post-national en Allemagne et en Italie, mais la victoire de l'URSS assura davantage à l'intérieur l'Etat
prolétarien et à l'extérieur permit l'expansion du modèle. Si Staline était un adepte du "principe du
droit des peuples à disposer d'eux-mêmes" dans les pays capitalistes ou colonisés et du
des nationalités" à l'intérieur même de son empire, c'était systématiquement dans un but purement
tactique, dans le premier cas pour déstabiliser l'Occident - car il n'avait pas lui-même procédé à des
consultations pour annexer les Républiques caucasiennes (Géorgie, Arménie, Azerbaïdjan) créées
à Versailles, ni plus tard les baltes - et dans le second cas comme stade transitoire vers
Yhomo sovieticus dans le cadre d'une fédération où tous les peuples ne disposeraient pas cependant
d'une même dignité "nationale", les uns étant des "nations" à part entière, d'autres seulement des
"nationalités", et selon une hiérarchie raffinée accédant au rang, supérieur, de République Socialiste
Soviétique (RSS), de République Socialiste Autonome (RSA), de Région Autonome, ou, au plus
bas, de Territoire National : curieusement d'ailleurs (pour la doctrine) le nombre de nations et natio
nalités n'a cessé de diminuer avec le temps passant officiellement de 194 en 1926, à 126 en 1959
puis 91 en 1978 (Hélène Carrère d'Encausse, 1978, 281) ! En tout cas, lorsqu'on relit aujourd'hui
des ouvrages anciens d'auteurs prestigieux traitant de l'avenir de l'URSS et du socialisme, on ne peut
qu'être frappé par le sentiment de l'inéluctabilité de son triomphe face aux Etats capitalistes, qu'on
trouve un temps formulé au sortir de la seconde guerre mondiale jusque chez de grands auteurs, tel
Schumpeter. Plus près de nous, Raymond Aron, s'il analysa finement assez tôt (1962) les évolutions
du système bipolaire, n'envisagea jamais l'hypothèse d'une décomposition rapide de l'URSS ;
mieux, dans l'ouvrage auquel il travaillait au moment de sa disparition, il affirmait significativement :
"A la date où j'écris, au printemps 1982, dois-je conclure que l'Occident, avec sa stratégie politico-
militaire toute défensive, a irrémédiablement perdu la partie ? Je ne le pense pas. (...) Pour les années
qui viennent, l'expansionnisme soviétique d'un côté, la stratégie défensive de l'Alliance atlantique
de l'autre devraient perpétuer la conjoncture que je baptisais en 1947 : paix impossible, guerre impro
bable. (...) La partie n'est pas encore décidée. (...) Nous n'en sommes pas venus à considérer comme
inévitable la victoire de l'Etat qui s'enorgueillit de ses divisions blindées et dont le peuple languit dans
la pauvreté et la servitude." (R. Aron, 1984, 243-246) nation et nationalismes... / 13 État,
En dehors de l'appréciation finale qui pouvait laisser croire que l'économie à deux vitesses, que
requerrait la

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