Figures mélanésiennes : le grand chef Amane des Poyes de 1898 à 1917 - article ; n°58 ; vol.34, pg 23-35
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Figures mélanésiennes : le grand chef Amane des Poyes de 1898 à 1917 - article ; n°58 ; vol.34, pg 23-35

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Description

Journal de la Société des océanistes - Année 1978 - Volume 34 - Numéro 58 - Pages 23-35
13 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1978
Nombre de lectures 254
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Raymond H. Leenhardt
Jean Guiart
Figures mélanésiennes : le grand chef Amane des Poyes de
1898 à 1917
In: Journal de la Société des océanistes. N°58-59, Tome 34, 1978. pp. 23-35.
Citer ce document / Cite this document :
Leenhardt Raymond H., Guiart Jean. Figures mélanésiennes : le grand chef Amane des Poyes de 1898 à 1917. In: Journal de
la Société des océanistes. N°58-59, Tome 34, 1978. pp. 23-35.
doi : 10.3406/jso.1978.2963
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/jso_0300-953X_1978_num_34_58_2963mélanésiennes : u Figures
le grand chef Amane des Poyes
de 1898 à 1917
par
R, H. LEENHARDT
« Un chef de guerre chevaleresque », dit MaurLa guerre dite des Poyes fait partie des événe
ments de V histoire coloniale de la Nouvelle-Calé ice Leenhardt.
donie sur laquelle on sait bien peu de choses. En
Fils d'Athéa, Amane descend du guerrier Naa- dehors des deux bien intéressantes photographies
cuwé venu de Tchamba à Poyes quand le chef cou- publiées par Maurice Leenhardt dans ses « Notes
d'ethnologie néo-calédonienne », on ne savait pas tumier était Poadela. Il se distingua par son rôle
de quoi avait été faite cette prétendue « guerre » de chef de guerre dans l'Affaire des Poyes et fut
« traité comme le chef authentique des Poyes, et ce qui pu motiver l'exil du « grand-chef »
alors que l'autorité appartenait à son frère aîné Amane, mort par la suite au champ d'honneur au
cours de la guerre 1914-1918. Grâce aux Bouillan (Bwiliang) qui, à l'insu des Blancs, la con
servait effective au milieu de son peuple »2. archives Feillet et aux documents laissés par
A en croire les rapports, il serait un jeune chef son père, Raymond Leenhardt nous ouvre le dos
ambitieux et dangereux et les plaintes contre lui sier de manière aussi vivante qu'attachante. On
couvrent des pages et des pages des registres de y retrouve la querelle de prosélytismes, mais aussi
la maréchaussée. Les rassemblements pour les la façon dont Maurice Leenhardt, comme beaucoup
pilous inquiétaient les gendarmes quand il s'agisplus tard avec le voyant Pwagatch, avait su s'at
sait de tribus qui n'étaient pas groupées autour tacher le loyalisme de gens comme Amane, qui,
d'un Père Mariste. après lui avoir donné leur parole, n'ont jamais
Après la dure répression de la révolte de 1878, varié dans leur position. On y voit aussi la peti
les chefs indigènes avaient, dans l'ensemble, comptesse et la mesquinerie de l'administration colo
niale d'après Feillet, et ce dernier sous un jour ris qu'il était plus sage de composer avec l'Admi
nistration et de chercher à défendre ses droits qui équilibre d'autres aspects moins sympathiques.
autrement que par la violence. Ils souhaitaient
Jean GuiART garder leur caractère de frère aîné qui anime les
pilous : la parole du chef qui lance son verbe et
évoque les généalogies est l'actualisation vivante
de tout le passé et rend présent le long cortège
Qui est Amane, ce grand chef du Nord de la des ancêtres. Dans leur milieu païen, leur enlever
Nouvelle-Calédonie, redouté à Nouméa comme la liberté des pilous, c'est leur enlever le sens de
« le Tonnerre des Poyes », exilé par l'Administrat leur existence ; c'est aussi, plus prosaïquement,
ion, et mort en France en 1917 comme Tirailleur les priver d'une occasion de se provoquer, de rele
volontaire du Bataillon du Pacifique? ver des défis et de se conquérir des femmes.
« Un grand seigneur féodal du Moyen-Age » Le fier Amane n'était pas disposé à céder sur ce
écrit Jacqueline Feillet. point, lui dont M. Leenhardt écrit dans Do Kamo :
« Un grand ami de Feillet et le plus vulgaire « J'entendais les doléances du grand chef Amane
des brigands », répète Bernard Brou dans son qui répugnait à porter les galons que le gouverne
Histoire de la Nouvelle-Calédonie, après Le Gou- ment colonial avait imaginé de donner à tous les
chefs pour établir entre eux une hiérarchie et des pUs1.
1. B. Brou. Histoire de la Nouvelle-Calédonie. Les Temps modernes, 1774-1925. Nouméa, 1973, p. 237.
2. Maurice Leenhardt Notes d'ethnologie néo-calédonienne, p. 43 et Information Kaen, Albert, moniteur à Paola. Paris,
1966. 24 SOCIÉTÉ DES OCÉANISTES
émulations. « Des galons? Moi? Une marque? Après l'explication donnée par Point, au sujet de son
piquet, Amane a dit : « Ah ! les chefs de Koné ne sont Et Pourquoi? Est-ce qu'on ne sait pas que je suis
pas contents ! Eh bien ! je vais commander jusqu'à le chef? »3
Poya (près de Muéo) ». C'est aussitôt après cette affaire Et le mot « marque » prenait un sens tout pé que les Canaques des Poyes se sont révoltés5. joratif dans un pays où l'on « marquait » au fer
rouge le bétail lâché dans la nature et les planta Amane avait donc un rival sur la côte Ouest
tions, à cette époque où il n'y avait pas encore avec qui il semble n'avoir eu que des rapports de
de barrières. prestige et des disputes verbales. Sur la côte Est,
En 1898, le Gouverneur Feillet poursuit son les disputes devenaient plus sérieuses, sans doute
plan de mise en valeur de la colonie ; il crée l'imparce que le grand chef Hippolyte de Touho était
pôt de capitation qui est de dix francs par an et protégé par les Pères qui le manipulaient à leurs
par tête mâle, en un temps où le salaire est de propres fins. Sur les cinquante- sept pages de
un franc par jour. C'était avec l'intention d'inciter compte rendu de la Commission d'enquête de
les indigènes à s'embaucher chez les Blancs et à novembre 1899, Amane n'est cité qu'en pages 10
travailler sur les routes pour se procurer l'argent et 47 ; on y traite uniquement de son attitude
nécessaire et apprendre à s'adapter à l'économie devant l'impôt et des propos qu'on lui a prêtés.
nouvelle. L'impôt est perçu par les chefs qui en Il rétablit les faits : « J'ai répondu que nous exé
reçoivent un pourcentage. Comme ils n'étaient pas cuterons toujours les ordres du gouvernement. »
familiarisés avec ce système de perception, cela Et le témoin Pécard, se plaignant du grand chef
donnait lieu à toutes sortes d'erreurs ou de provoc Hippolyte, ajoute : « Le chef des Poyes, qui est
ations. Quel chef alors n'a pas fait quelques jours païen, s'est au contraire toujours bien conduit. »
de prison ? Le Journal Officiel donne une liste de Ces troubles entre Canaques n'ont d'ailleurs
plus de sept chefs sur la côte Est qui sont pu fait ni dégâts ni victimes et n'ont jamais manif
nis4! En fait, la rentrée de l'impôt pouvait être, esté qu'il y ait eu une hostilité quelconque
pour le syndic qui la surveillait, l'occasion de s'ini d'Amane à l'endroit des Blancs, ce dont pourtant
tier à la mentalité du pays ou bien aussi de s'imon l'accusait de loin, à cause de la réputation
miscer dans les affaires locales. « redoutable » qu'on lui avait faite.
Vers 1900, le grand chef Amane perçoit l'impôt
de capitation sur la côte Est, région de Touho, où
il est l'homme fort, tandis que le grand chef Amane et Feillet.
Mongo (Mangu) est son équivalent sur la côte
Le Gouverneur Feillet était en congé au moOuest, région de Koné. Mais les délimitations des
ment où les troubles ont repris en février 1901, zones de perception ne sont pas toujours bien dé
et le par intérim, pressé par le Comfinies, et les chefs ont à défendre leur territoire
mandant d'Armes, promettait en mars une prime des incursions plus ou moins ouvertes de leurs r
de 1 000 francs pour la capture d'Amane et de ivaux.
Bouillan, vivants, et allait lancer une expédition Ainsi, un rapport de la brigade de Koné nous
punitive plus brutale que les vagues reconnaisapprend qu'à cette époque : « le petit chef Tein »
sances que pouvait faire un petit détachement a donné un grand pilou à sa tribu de Panequi
militaire sans moyens. Dès son retour, le 2 mai, (Pwanaki), auquel le chef Amane des « Poyes »
Feillet n'hésite pas, va sur place et rencontre le s'est trouvé invité par le chef Point de Naoundé,
grand chef Amane en qui il découvre un chef sauavec lequel il était uni.
vage, ambitieux et intelligent, mai

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