Georges Sorel-Vilfredo Pareto. Bribes d une correspondance - article ; n°1 ; vol.8, pg 155-168
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Georges Sorel-Vilfredo Pareto. Bribes d'une correspondance - article ; n°1 ; vol.8, pg 155-168

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Description

Mil neuf cent - Année 1990 - Volume 8 - Numéro 1 - Pages 155-168
14 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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Publié par
Publié le 01 janvier 1990
Nombre de lectures 22
Langue Français
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Extrait

Willy Gianinazzi
Georges Sorel
Georges Sorel-Vilfredo Pareto. Bribes d'une correspondance
In: Mil neuf cent, N°8, 1990. pp. 155-168.
Citer ce document / Cite this document :
Gianinazzi Willy, Sorel Georges. Georges Sorel-Vilfredo Pareto. Bribes d'une correspondance. In: Mil neuf cent, N°8, 1990. pp.
155-168.
doi : 10.3406/mcm.1990.1020
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/mcm_1146-1225_1990_num_8_1_1020DOCUMENTS
Georges Sorel- Vilfredo Pareto
Bribes d'une correspondance
WILLY GIANINAZZI
Sorel, Pareto et la guerre
Cher monsieur Aurelio E. Saffi,
Voici une lettre et 4 cartes postales de Sorel. Il me
semble que Von peut les publier, mais vous aussi examinez-
les attentivement.
Dans les autres lettres et cartes postales que j'ai trou
vées, il y a des passages avec des jugements sur des per
sonnes, et je doute que Sorel aurait consenti à leur publi
cation. Par exemple, il était persuadé que l'expédition de
D'Annunzio avait été faite avec l'accord d'une haute autor
ité 1. Puisqu'il n'a jamais rien publié à ce propos, j'estime
qu'il n'est pas convenable de se substituer à lui.
Ces quelques mots de Vilfredo Pareto, adressés le 27 décembre
1922 au directeur de la Ronda2 — sans doute sollicité par ce
dernier qui avait déjà hébergé dans sa revue plusieurs articles
de Pareto et de Sorel3 — , accompagnaient un trop menu échan-
1. Dans une lettre à Mario Missiroli du 29 avril 1920, Sorel écri
vait : « Je me demande si une grande partie des embarras de
Nitti [président du Conseil] ne proviendrait pas de ce que d'An-
nunzio serait à Fiume l'homme du roi ; il faut bien que d'Aimun-
zio ait une protection occulte, très puissante, pour qu'il puisse se
maintenir » (Georges Sorel, « Da Proudhon a Lenin » e « UEu-
ropa sotto la tormenta», avec en appendice «Lettres à Mario
Missiroli», Roma, éd. di Storia e Letteratura, 1973, p. 700).
2. La lettre se trouve in Vilfredo Pareto, Œuvres complètes,
publiées par Giovanni Busino, Genève, Droz, t. XXX, 1989, p. 764.
3. C'est par l'intermédiaire de Missiroli, directeur du Resto del
Carlino, que des articles de Sorel furent publiés dans la Ronda,
une revue littéraire partisane du classicisme, née en 1919. Une
lettre que le directeur Saffi écrivit à Sorel, le 12 septembre 1920,
témoigne combien il était intéressé à publier les études littéraires
du Français (lettre inédite, déposée au Musée social, à Paris) .
155 tillon de la correspondance qu'il avait reçue de Georges Sorel.
Celui-ci était mort depuis quatre mois. Le refus du sensationnel,
le respect pour des considérations privées sinon confidentielles
que seul le temps autorise à dévoiler expliquent aisément la rét
icence de Pareto et sont tout à son honneur. Mais les historiens,
inlassables fouineurs de sources cachées, auraient plutôt ten
dance à le déplorer. A leurs yeux, Pareto n'est d'ailleurs pas
sans tache : n'a-t-il pas ordonné à sa trop zélée compagne, peut-
être dans un moment de désespoir, la destruction de l'ensemble
de sa correspondance ? Il est vrai que, de son côté, Sorel ne fit
rien pour préserver ses liasses de feuillets — à la fin de sa vie,
de précaires conditions financières le poussèrent même à vendre
sa bibliothèque et quelques-uns de ses manuscrits4.
De la corespondance Sorel-Pareto on ne connaît ainsi que
trois lettres du second, écrites en 1898, 1909 et 1917 5, dix-sept
du premier, datées de 1914-1915 6, auxquelles il faut ajouter les
cinq morceaux choisis par Pareto, couvrant la période 1919-
1920, que Saffi préféra conserver dans ses papiers et publiés ici.
Mais l'on sait que ces deux épistoliers infatigables étaient déjà
en contact depuis le mois d'août 1896 et le furent jusqu'à la
veille de la mort du Français7.
Des raisons moins fétichistes m'amènent à regretter la perte
de cette longue et sans doute volumineuse correspondance.
Sorel et Pareto avaient une grande estime l'un pour l'autre,
comme il arrive souvent entre misanthropes endurcis. Mais loin
d'un échange d'état d'âme entre deux hommes trop bourrus et
aigris pour se confier en dehors de quelques amis intimes, c'est
une correspondance exclusivement politique que révèlent les
4. Giovanni Busino me communique que certains de ces manusc
rits, achetés en son temps par G. La Ferla, viennent d'être acquis
à Paris, chez un marchand, par la Bibliothèque publique et uni
versitaire de Genève.
5. Lettres du 3 novembre 1898 (Vilfredo Pareto, op. cit., pp. 333-
334), du 11 novembre 1909 (ibid., t. XIX, 1975, pp. 680-681) et du
4 juin 1917 (ibid., p. 967).
6. Incluses in Carteggi paretiani. 1892-1923, réunis par Gabriele
De Rosa, Roma, Banca Nazionale del Lavoro, 1962, pp. 3-44.
7. Cf. Giovanni Busino, « Cronologia délia vita di Vilfredo
Pareto», in Vilfredo Pareto, op. cit., t. XXX, p. 782, et la lettre
de Sorel à Delesalle du 8 novembre 1921, in Georges Sorel, Lettres
à Paul (1914-1921), Paris, Grasset, 1947, p. 237. Sur
leurs rapports intellectuels voir Giovanni Busino, « Georges Sorel
et Vilfredo Pareto », in Georges Sorel en son temps, sous la direc
tion de Jacques Julliard et Shlomo Sand, Paris, Seuil, 1985, pp.
313-332.
156 quelques pièces rescapées. Ce sont les années sombres de la
guerre et de l'après-guerre. Dans ces lettres, comme dans celles
adressées à la même époque à ses correspondants français et
italiens, Sorel y expose en toute liberté ses vues sur un monde
qu'il ne croit plus comprendre. La pensée est fluide, le recours
au passé pour interpréter les événements nouveaux le fourvoie
bien souvent dans des analogies douteuses. Et pourtant le fond
de sa pensée est explosif. «Je sens que mon temps est fini —
écrit-il en septembre 1914 — ; je ne saurais plus rien écrire qui
soit susceptible d'être lu utilement par mes contemporains;
je suis un vieillard qui ne comprend plus les tendances actuell
es 8. » Avec Pareto, Sorel partage son hostilité pour les événe
ments en cours que tous les deux interprètent comme un affron
tement entre le conservatisme et la démocratie démagogique9.
Ce qui effraie Sorel ce n'est pas seulement Г «hécatombe de cette
guerre absurde » et inutile 10 qui lui fait dire : « Le monde semble
n'avoir pas encore assez de sang. Jamais on ne vit une telle soif
de carnages chez les gouvernements et autant de servilité chez
les peuples qui se laissent entraîner dans des guerres dont la fin
s'éloigne chaque jour u. » II est encore plus effaré par le chauvi
nisme — « que Proudhon a nommé un jour l'idiotie nationale » 12
— et le consensus suscités par la guerre en France : les social
istes, l'intelligentsia parisienne (que Sorel identifie le plus sou
vent aux Juifs), les monarchistes maurrassiens et, en un cer
tain sens, même les catholiques, se sont tous ralliés à la bour
geoisie au pouvoir (pour Sorel les francs-maçons et — tout
comme pour Pareto — la ploutocratie) dans un élan jacobin qui
rappelle les prétentions civilisatrices des armées républicaines.
Rien d'étonnant que Sorel — encore une fois en accord complet
avec Pareto — ne prêtât plus tard aucun crédit à la politique
européenne de Wilson et des Etats-Unis. Pareto — patient recen
seur des arguments hypocrites que les bourgeoises et leurs Etats
avançaient pour justifier leurs politiques de rapine — lui écrivait
à la fin de 1917 : « Wilson veut que les peuples disposent d'eux-
8. Lettre à Missiroli du 13 septembre 1914 (Zoc. cit., p. 513).
9. Cf. lettre à du 24 octobre (ïbid., p. 515) et celle
adressée à Pareto le 24 novembre 1914 (Carteggi paretiani, op. cit.,
pp. 4-5).
10. Lettre à Missiroli du 22 septembre 1915 Çloc. cit., p. 585).
11.à Benedetto Croce du 26 septembre 1915 in « Lettere
di Georges Sorel a B. », la Critica, XXVII, 1929, p. 293.
12. Lettre à Missiroli du 11 décembre 1919 (loc. cit., p. 679).
157 pourvu que ce soit dans le sens qui lui convient. Il mêmes,
n'admet ni le militarisme prussien ni le syndicalisme russe. Il
veut le régime de la ploutocratie démagogique ". » Dans une
lettre sulfureuse que Sorel adressa à la même époque à Daniel
Halévy et que celui-ci n'eut pas le courage de publier intégr

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