Humanisme et renaissance en Nouvelle Espagne dans la perspective des missionnaires du XVIe siècle - article ; n°3 ; vol.12, pg 381-402

E.J. Dedurand, J. J.Dedurand-Forest

Description

Histoire, économie et société - Année 1993 - Volume 12 - Numéro 3 - Pages 381-402
Abstract Although very confined by the regulations of their respective orders, the missionaries of New Spain in the XVIth Century were very much a product of their time. However, it should come as no surprise that their religious background and evangelical mission were stronger than their classical culture as regards their approach to the American problem. The works by Acosta, Durán and Sahagún evoked herewithin are highly representative of the humanist strain evident in Spain and the New World a little while after the Conquest.
Résumé Tout encadrés qu'ils fussent par la règle de leurs Ordres respectifs, les missionnaires de la Nouvelle Espagne au XVIe siècle ont été marqués par l'esprit du siècle. On ne saurait s'étonner, toutefois, que leur formation et leur mission évangélique l'aient emporté généralement sur leur culture classique, dans leur approche du problème américain. Les œuvres d'Acosta, de Durán et de Sahagun évoquées ici sont éminemment représentatives du courant «humaniste» qui se fit jour en Espagne et dans le Nouveau monde, peu après la Conquête.
22 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

• Publié par: HISTOIRE-_ECONOMIE_ET_SOCIETE
• Publié le: 01 janvier 1993
• Nombre de lectures: 16
• Langue: Français
• Poids de l'ouvrage: 2 Mo

Extrait

E.J. de Durand
J. de Durand-Forest
Humanisme et renaissance en Nouvelle Espagne dans la
perspective des missionnaires du XVIe siècle
In: Histoire, économie et société. 1993, 12e année, n°3. pp. 381-402.
Résumé Tout encadrés qu'ils fussent par la règle de leurs Ordres respectifs, les missionnaires de la Nouvelle Espagne au XVIe
siècle ont été marqués par l'esprit du siècle. On ne saurait s'étonner, toutefois, que leur formation et leur mission évangélique
l'aient emporté généralement sur leur culture classique, dans leur approche du problème américain. Les œuvres d'Acosta, de
Durán et de Sahagun évoquées ici sont éminemment représentatives du courant «humaniste» qui se fit jour en Espagne et dans
le Nouveau monde, peu après la Conquête.
Abstract Although very confined by the regulations of their respective orders, the missionaries of New Spain in the XVIth Century
were very much a product of their time. However, it should come as no surprise that their religious background and evangelical
mission were stronger than their classical culture as regards their approach to the American problem. The works by Acosta,
Durán and Sahagún evoked herewithin are highly representative of the humanist strain evident in Spain and the New World a
little while after the Conquest.
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Durand E.J. de, Durand-Forest J. de. Humanisme et renaissance en Nouvelle Espagne dans la perspective des missionnaires
du XVIe siècle. In: Histoire, économie et société. 1993, 12e année, n°3. pp. 381-402.
doi : 10.3406/hes.1993.1682
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/hes_0752-5702_1993_num_12_3_1682HUMANISME ET RENAISSANCE EN NOUVELLE
ESPAGNE DANS LA PERSPECTIVE DES MISSIONNAIRES
DU XVIe SIECLE
par E.J. de DURAND et J. de DURAND-FOREST
Résumé
Tout encadrés qu'ils fussent par la règle de leurs Ordres respectifs, les missionnaires de la
Nouvelle Espagne au XVIe siècle ont été marqués par l'esprit du siècle. On ne saurait s'étonner,
toutefois, que leur formation et leur mission évangélique l'aient emporté généralement sur leur culture
classique, dans leur approche du problème américain.
Les œuvres d'Acosta, de Durán et de Sahagun évoquées ici sont éminemment représentatives du
courant «humaniste» qui se fit jour en Espagne et dans le Nouveau monde, peu après la Conquête.
Abstract
Although very confined by the regulations of their respective orders, the missionaries of New
Spain in the XVIth Century were very much a product of their time.
However, it should come as no surprise that their religious background and evangelical mission
were stronger than their classical culture as regards their approach to the American problem.
The works by Acosta, Durán and Sahagún evoked herewithin are highly representative of the
humanist strain evident in Spain and the New World a little while after the Conquest.
S'agissant des Religieux de la Nouvelle Espagne, il convient de toujours garder
en mémoire que les termes de «Renaissance» et «Humanisme» sont des approximat
ions et des facilités de langage, recouvrant, en fait, des réalités hétérogènes et va
riables dans le temps comme dans l'espace. Ainsi, s'est-on plu à relever plusieurs
«Renaissances» successives et progressives de l'époque carolingienne à Descartes.
Quant au mot «Humanisme», lui-même, on sait qu'il ne prit son acception tradition
nelle que dans la seconde moitié du XIXe siècle, en France du moins, sous l'influence
de l'allemand «Humanismus»1.
S'il est donc toujours quelque peu arbitraire et vain de tenter après tant d'autres
une définition, du moins peut-on essayer de regrouper quelques unes des tendances
les plus accusées de cette période qui, s'étendant en gros de Pétrarque à Montaigne,
vit fleurir tant d'artistes, tant d'esprits de premier ordre dans le domaine des savoirs
scientifique, technique, moral, pédagogique, théologique et mystique. On ne rappel
lera que pour mémoire les faits qui ont ponctué le plus fortement cette époque : Peste
noire, fin de la Guerre de Cent Ans, chute de Constantinople et afflux de savants by- 382 HISTOIRE ECONOMIE ET SOCIETE
zantins qui l'entoura, invention de l'Imprimerie et formidable diffusion du livre qu'elle
permit, découverte d'un Monde Nouveau enfin, et disparition d'un ancien avec
l'achèvement de la «Reconquista», encore que, pendant plusieurs décennies, ces der
nières n'aient touché de manière sensible que les habitants de la péninsule ibéro-
lusitanienne et quelques esprits ouverts à travers l'Europe, ceux de l'Empire en parti
culier.
Les Guerres d'Italie, les luttes incessantes de l'Empire contre le Royaume de
France, redoublées par les querelles religieuses nées du mouvement des Réformes qui
aboutiront à tout le moins à la scission de l'Europe du Nord comme au raidissement
du monde catholique, la menace plus pressante des Ottomans sur le Sud-Est de
l'Europe et une grande partie du bassin méditerranéen, vont progressivement détour
ner bien des esprits du courant irénique, des grandes espérances qui semblaient se
faire jour à la fin du XVe et au début du XVIe siècle. Les positions se durcissent, le
politique prend souvent le pas sur le spirituel lato sensu. On assiste à un désenchante
ment du monde. L'ère de la méthode et du langage scientifique vont pouvoir dès lors
prendre le relais.
Pour sa part, la Renaissance s'est voulue «une nouvelle culture et un nouvel art de
vivre». Pour y parvenir, elle s'est dotée d'un certain nombre d'outils et de techniques :
la critique textuelle, la Philologie qui, répudiant la glose et les commentaires, permett
ent d'atteindre les textes mêmes et d'abord ceux des deux composantes fondamentales
de la civilisation occidentale : l'héritage greco-latin d'une part, judéo-chrétien de
l'autre. La connaissance approfondie des langues — du grec et de l'hébreu en
particulier — est la pierre de touche de tout véritable Humaniste. Une des implications
les plus immédiates est l'obsession d'une pédagogie nouvelle, positive, dégagée du
carcan de l'Ecole. L'étude des Belles Lettres à laquelle on réduit souvent la
Renaissance n'apparaît plus alors que comme une donnée nécessaire mais presque
accessoire et comme allant de soi. Cicéron et Quintilien n'étaient-ils pas les pères
fondateurs de l'«humanitas» entendue comme culture spirituelle, politesse des mœurs,
en somme la civilisation2.
Entre le meilleur de leurs œuvres et l'Evangile, nulle incompatibilité, bien plutôt
convergence ; Marcile Ficin comme Erasme œuvreront pour un Platon chrétien.
En tout Renaissant se rencontrent à des degrés divers un poète, un artiste et un
platonicien — fort souvent aussi et surtout un chrétien. Le monde réel est d'abord un
ensemble de figures qu'il convient de dépasser pour atteindre un autre monde plus
vrai. La magie, la sorcellerie, le démon sont des réalités quotidiennes que l'on combat,
certes, mais que l'on ne prend pas à la légère, bien au contraire.
Historien de l'Art Henri Focillon constatait que «si le Moyen Age italien est tou
ché par ce qu'on appelle l'esprit de la Renaissance, la Renaissance italienne à ses dé
buts est essentiellement un fait médiéval»3. HUMANISME ET RENAISSANCE EN NOUVELLE ESPAGNE 383
Que dire alors de régions, de pays touchés beaucoup plus tard et moins direct
ement par la Grâce renaissante ?
Les Religieux venus par vagues successives évangéliser la Nouvelle Espagne se
trouvent, si l'on peut dire, dans une situation plus inconfortable encore. Héritiers
d'une longue tradition scolastique directe (Franciscains, Dominicains, Augustins) ou
indirecte (Jésuites), ces Ordres ont connu — les trois premiers du moins — des
«Renaissances» spirituelles diverses mais toujours difficiles, qui ont entraîné des r
emises en question sur des points essentiels de la formation, de la discipline. Tout en
cadrés qu'ils fussent par la règle de leur Ordre, ils n'en ont pas moins éprouvé, à titre
individuel ou collectif, en fonction de leur province ou du pays d'origine, en fonction
des études faites, des Universités fréquentées, l'esprit du siècle. Avant d'être honni et
pourchassé, le courant érasmien aura fait de nombreux émules en Espagne. Même
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