Innovation et répétition : entre esthétique moderne et post-moderne - article ; n°68 ; vol.12, pg 9-26
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Description

Réseaux - Année 1994 - Volume 12 - Numéro 68 - Pages 9-26
L'esthétique modeme s'est désintéressée des produits des mass media, les assimilant à ceux de l'artisanat et de l'industrie. Moins soucieuse d'innovation, l'esthétique classique n'établissait pas de distinction si tranchée entre art et artisanat. Récemment, une esthétique post-moderne « de la sérialité » est revenue sur les concepts de répétition et d'itération en insistant sur l'aspect « infini » de la variabilité et la naissance d'un « nouveau » public. A travers l'examen des différentes formes de répétition que sont le retake, le remake, la série, la saga et le dialogue intertextuel, l'article souligne la généralisation de procédés naguère réservés à l'art expérimental et l'existence de pactes de lecture à des niveaux différents avec un destinataire « naïf » et un destinataire « averti », invités à jouer sur leur « compétence encyclopédique ». Il suggère que ces productions sérielles relèvent surtout d'un travail sur le mythe et plaide pour une réflexion accrue sur le rôle de la répétition dans l'art et les media.
While modern aesthetics lost interest in mass media products, equating them to those of crafts and industry, classical aesthetics, less concerned with innovation, drew no such distinction between art and crafts. Recently, post-modern aesthetics « of seriality » has re-examined the concepts of repetition and iteration by emphasizing the «infinite» aspect of variability and the birth of a « new » public. By considering different forms of repetition in the retake, the remake, the series, the saga and inter-textual dialogue, the article highlights the generalization of procedures formerly limited to experimental art. It also emphasizes the existence of two levels of reading « agreements », with « naïve » addressees and « smart » ones, invited to play on their «encyclopaedic competence». It suggests that serial productions are essentially based on myth and argues for increased reflection on the role of repetition in art and the media.
18 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1994
Nombre de lectures 233
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Umberto Eco
Daedalus
Marie-Christine Gamberini
Innovation et répétition : entre esthétique moderne et post-
moderne
In: Réseaux, 1994, volume 12 n°68. pp. 9-26.
Résumé
L'esthétique modeme s'est désintéressée des produits des mass media, les assimilant à ceux de l'artisanat et de l'industrie.
Moins soucieuse d'innovation, l'esthétique classique n'établissait pas de distinction si tranchée entre art et artisanat. Récemment,
une esthétique post-moderne « de la sérialité » est revenue sur les concepts de répétition et d'itération en insistant sur l'aspect «
infini » de la variabilité et la naissance d'un « nouveau » public. A travers l'examen des différentes formes de répétition que sont
le retake, le remake, la série, la saga et le dialogue intertextuel, l'article souligne la généralisation de procédés naguère réservés
à l'art expérimental et l'existence de pactes de lecture à des niveaux différents avec un destinataire « naïf » et un destinataire «
averti », invités à jouer sur leur « compétence encyclopédique ». Il suggère que ces productions sérielles relèvent surtout d'un
travail sur le mythe et plaide pour une réflexion accrue sur le rôle de la répétition dans l'art et les media.
Abstract
While modern aesthetics lost interest in mass media products, equating them to those of crafts and industry, classical aesthetics,
less concerned with innovation, drew no such distinction between art and crafts. Recently, post-modern aesthetics « of seriality »
has re-examined the concepts of repetition and iteration by emphasizing the «infinite» aspect of variability and the birth of a «
new » public. By considering different forms of repetition in the retake, the remake, the series, the saga and inter-textual dialogue,
the article highlights the generalization of procedures formerly limited to experimental art. It also emphasizes the existence of two
levels of reading « agreements », with « naïve » addressees and « smart » ones, invited to play on their «encyclopaedic
competence». It suggests that serial productions are essentially based on myth and argues for increased reflection on the role of
repetition in art and the media.
Citer ce document / Cite this document :
Eco Umberto, Daedalus, Gamberini Marie-Christine. Innovation et répétition : entre esthétique moderne et post-moderne. In:
Réseaux, 1994, volume 12 n°68. pp. 9-26.
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/reso_0751-7971_1994_num_12_68_2617INNOVATION ET RÉPÉTITION :
Entre esthétique et post-moderne moderne
Umberto ECO
Traduit et reproduit avec l'autorisation de Daedalus, journal de l'Académie
américaine des arts et sciences. Article extrait du numéro intitulé « The mov
ing image », 1987, volume 114 n°4.
© Daedalus pour la version originale
© Réseaux n° 68 CNET - 1994 pour la version française — 10 « majeurs » et « mineurs », entre art et ar
tisanat. Pour faire un parallèle avec les
sciences, l'artisanat et l'industrie consis
taient à appliquer correctement une loi
déjà connue à un cas nouveau. L'art, au
contraire (et, par art, j'entends aussi la li
ttérature, la poésie, le cinéma, etc.) corres
pondait plutôt à une « révolution scient
ifique » : chaque œuvre d'art moderne
établit une nouvelle loi, impose un nou
veau paradigme, une nouvelle façon de re
garder le monde.
L'esthétique moderne a souvent oublié
que la théorie classique de l'art, de la
Grèce antique au Moyen Age, ne tenait pas
tant à marquer une différence entre art et
artisanat. Le même terme (tekhnê, ars) ser
vait à désigner les prestations d'un coiffeur
ou d'un constructeur de bateaux et le tra
vail d'un peintre ou d'un poète. L'esthé
Ce n'est pas un hasard si l'esthétique tique classique n'était pas si soucieuse
moderne et les théories modernes d'innovation à tout prix : au contraire, elle
de l'art (j'entends par « » estimait souvent « belles » les bonnes oc
celles qui sont nées avec le Maniérisme, se currences d'un type éternel. Même quand
sont développées avec le Romantisme et la sensibilité moderne goûte la « révolu
ont été reprises de manière provocatrice tion » accomplie par un artiste classique,
par les avant-gardes du début du XXe ses contemporains appréciaient l'aspect
siècle) ont fréquemment identifié le mes opposé de son œuvre, c'est-à-dire son res
sage artistique avec la métaphore. La mé pect pour des modèles antérieurs (1).
Cela explique que l'esthétique moderne taphore (celle qui est nouvelle, inventive,
et non la catachrèse éculée) est une façon se soit montrée si sévère à l'égard des pro
de désigner une chose par le nom d'une duits de type industriel des mass media.
autre, et de présenter ainsi la chose en Une chanson populaire, un spot publicit
question de manière inattendue. Le critère aire, une bande dessinée, un roman poli
moderne pour juger de la valeur artistique cier, un western, étaient envisagés comme
était la nouveauté, un degré d'information des occurrences plus ou moins réussies
élevé. La répétition agréable d'un motif d'un modèle ou d'un type donné. En tant
déjà connu était considérée par les théories que tels, on les trouvait plaisants, mais pas
modernes de l'art comme typique de l'art artistiques. De plus, cette pléthore d'agré
isanat - non de l'art - et de l'industrie. ments, de répétitions, de manques d'inno
Un bon artisan produit, tout comme une vation, était perçue comme un stratagème
fabrique industrielle, de nombreuses oc commercial (le produit devait satisfaire les
currences, ou tokens, d'un même type ou attentes de son public), et non comme la
modèle. On apprécie le type, et l'on appré mise en avant provocatrice d'une vision du
cie la manière dont l'occurrence se plie monde nouvelle (et difficile à accepter).
aux exigences du type, mais l'esthétique Les produits des mass media ont été assi
moderne ne reconnaissait pas en cela une milés à ceux de l'industrie dans la mesure
procédure artistique. C'est la raison pour où ils étaient produits en série, ce type de
production « sérielle » étant jugée étranlaquelle l'esthétique romantique a opéré
une distinction si soigneuse entre arts gère à l'invention artistique.
(1) Sur l'opposition entre innovation et répétition, voir mes livres L'œuvre ouverte, 1965, et Apocalittici e inte-
grati, 1964.
11 Redondance et répétition pales caractéristiques de Nero Wolfe et de
dans les mass media ses partenaires, car il est important de
constater à quel point elles comptent pour
Selon l'esthétique moderne, les princi le lecteur de Stout. Nero Wolfe, natif du
pales caractéristiques des produits des Montenegro mais naturalisé américain de
mass media étaient la répétition, l'itéra puis des temps immémoriaux, est si invra
tion, l'obéissance à un schéma préétabli et isemblablement gros que son fauteuil en
la redondance (par opposition à l'informat cuir doit être conçu exprès pour lui. Il est
épouvantablement paresseux. En fait, il ne ion) (2).
Le procédé de Y itération est typique, quitte jamais sa maison et dépend, pour ses
par exemple, des publicités télévisées : le enquêtes, de l'astucieux et brillant Archie
spectateur regarde distraitement le dérou Goodwin, avec qui il entretient perpétuel
lement d'un sketch, puis concentre son at lement une polémique acerbe et tendue,
tention sur la phrase clé qui revient à la fin quelque peu tempérée par leur mutuel sens
de la saynète. C'est précisément sur cette de l'humour. Nero Wolfe est un véritable
réapparition prévue et attendue que se goinfre, et son cuisinier, Fritz, la vestale
du garde-manger, se tient en permanence fonde son plaisir, modeste mais irréfu
table. au service de ce palais éminemment raf
finé et cet estomac non moins éminemDe même, la lecture d'un roman poli
cier suppose qu'on prenne plaisir à un ca ment avide. A côté d

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