Interventions - article ; n°1 ; vol.5, pg 13-44
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Description

Communications - Année 1965 - Volume 5 - Numéro 1 - Pages 13-44
32 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1965
Nombre de lectures 14
Langue Français
Poids de l'ouvrage 2 Mo

Extrait

Robert Mandrou
Michel Philippot
Edgar Morin
Michel Tardy
Henri Dieuzeide
Joffre Dumazedier
Roland Barthes
Interventions
In: Communications, 5, 1965. pp. 13-44.
Citer ce document / Cite this document :
Mandrou Robert, Philippot Michel, Morin Edgar, Tardy Michel, Dieuzeide Henri, Dumazedier Joffre, Barthes Roland.
Interventions. In: Communications, 5, 1965. pp. 13-44.
doi : 10.3406/comm.1965.2170
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/comm_0588-8018_1965_num_5_1_2170Interventions
Robert Mandrou
L'historien est sensible à l'honneur qui lui est fait de parler le premier, mais
assez gêné aussi, parce que, face à la richesse de l'exposé de M. Lazarsfeld,
il hésite à choisir les perspectives qui lui paraissent les meilleures : je veux dire
que j'avais pensé, lorsque Georges Friedmann m'a invité à ce colloque, vous
entretenir brièvement de culture de masse au xvne et au xviii6 siècles, c'est-
à-dire avant la révolution industrielle ; et je ne pense pas que l'on puisse en
quelques minutes établir une comparaison valable, sur ce plan, avec les thèses qui
viennent de vous être présentées. Je me permettrai donc d'abord de reprendre un
ou deux points de détail sur lesquels M. Lazarsfeld a attiré votre attention dans
la partie historique de son exposé. Ensuite je parlerai beaucoup plus brièvement
de ce que j'appellerais volontiers la culture de masse de l'ancien régime.
Il est de fait, comme M. Lazarsfeld le rappelait tout à l'heure, que les inno
vations dans le domaine qui nous intéresse aujourd'hui, ont toujours été consi
dérées comme des menaces de déchéance pour la culture. Mais il faut bien pré
ciser, je crois, que ces innovations ont été ressenties par les clercs en place
comme des menaces contre leur position sociale, et en même temps contre le
niveau culturel qu'ils avaient charge de défendre ou de propager. Le fait est
assez clair aux xve et xvie siècles, lorsque se fait la première grande innova
tion qui nous mènerait sur le chemin de la culture de masse : la découverte et
l'expansion de l'imprimerie. A ce moment-là, les gens qui protestent, ce sont
essentiellement les scribes, au sens le plus traditionnel du terme, ceux qui
étaient chargés de reproduire des manuscrits à l'usage des étudiants, auprès
des universités ; les professeurs eux-mêmes ne s'inquiètent pas aussi bruyam
ment ; non plus les clercs, la masse de ceux qu'on a appelés les intellectuels
du moyen âge. Il s'agissait beaucoup plus d'une protestation de ceux qui tiraient
leur gagne-pain d'activités condamnées à disparaître par suite de l'innovation,
que d'une inquiétude sur le plan culturel proprement dit.
Il faudrait aussi tenir compte pour éclairer ce problème des résistances aux
innovations culturelles, du fait qu'à partir du xvie siècle surgit d'une part,
ce que j'appellerais presque une culture intermédiaire, et, d'autre part, sur
tout, se crée l'auteur. A cette époque vous voyez se préciser la distinction
entre l'auteur, qui est capable de renouveler, d'enrichir la culture savante, et
celui qui se contentera de lire, d'écouter, de recevoir par conséquent la cul
ture nouvelle, ainsi élaborée. Mais ceci est un point de détail dans l'argumen-
1. Directeur d'études à l'École Pratique des Hautes Études, Paris.
13 Robert Mandrou
tation qu'il faudrait mettre en place avant de pouvoir affirmer que les inno
vations dans le domaine culturel ont toujours et immanquablement provoqué-
des protestations massives.
Quelques mots maintenant de ce qui peut être désigné sous le vocable de-
culture de masse avant la révolution industrielle. Ce que je voudrais souligner,,
c'est que dans cette culture d'ancien régime, disons dans la France ou même
dans l'Europe d'ancien régime jusqu'au milieu du xixe siècle, il y a une cul
ture de masse ; mais elle ne peut pas être très valablement comparée à la cul
ture de que nous voyons se développer aujourd'hui, pour une bonne
raison et bien connue, c'est que la prégnance que fournissent les moyens de
communication n'est pas la même. Cette culture de masse, distincte de la cul
ture savante, vaut pour l'ensemble des classes populaires de l'époque. Mais
elle est très mal étudiée. Je dirais presque qu'en raison du prestige de la cul
ture savante de l'ancien régime, elle a été considérée pendant très longtemps
comme négligeable. Les historiens ne se sont jamais attachés à elle et ont tou
jours préféré étudier les œuvres, sinon le public de ce qu'on appelle encore
aujourd'hui l'élite * ; alors que cette culture a laissé des traces, des documents
utilisables dont les principaux sont fournis par la littérature de colportage-
Cette littérature existe à l'état résiduel dans un certain nombre de biblio
thèques, en France. Mais elle a existé aussi en Angleterre, en Allemagne, même
en Pologne où toute une littérature d'almanachs cracoviens du xvnie siècle
n'a pas été davantage étudiée et constitue, là aussi, un des supports essent
iels de la culture populaire d'autrefois.
Cette littérature de colportage voyage à travers tout un pays, dans un espace
linguistique déterminé : la France du nord, par exemple ; elle est l'objet d'une
diffusion abondante par l'intermédiaire des colporteurs, de tout le commerce
forain et ambulant d'autrefois, et surtout avec l'aide d'une institution qui
est une partie essentielle de la vie collective de l'ancien régime : la veillée, à
la campagne et à la ville. Ainsi ces ouvrages sont lus par une personne et écoutés
par les autres, puis retransmis de bouche à oreille et font leur carrière de manière
tout à fait comparable (mutatis mutandis) à beaucoup d'autres transmissions
du même genre de ce temps et même peut-être de l'époque actuelle.
Le répertoire de cette bibliothèque, nous le connaissons. Je n'ai pas l'i
ntention, ni le temps de vous en parler longuement. Indiquons seulement en
quelques mots que ses orientations intellectuelles sont très différentes de celles
que nous présente la culture savante de la même époque. La comparaison des
thèmes et des moyens d'expression révèle la coexistence, à l'intérieur de la
même aire culturelle, de deux registres tout à fait dissemblables et dont les
contacts sont fréquents. Il est intéressant de repérer ces contacts qui vont eux-
mêmes dans l'un et l'autre sens : les scribes qui écrivent pour les éditeurs spé
cialisés ces livres de colportage, utilisent des résidus des cultures savantes
d'autrefois, c'est-à-dire des résidus des cultures médiévales. Mais il y a aussi
circulation dans l'autre sens, de la culture populaire à la culture savante ; nous
1. Une seule exception : l'ouvrage de Charles Nisard, Histoire des livres populaires
ou de la littérature de colportage depuis l'origine de l'imprimerie jusqu'à l'établissement
de la commission d'examen des livres de colportage, Paris, 1854. Nisard, secrétaire de
la d'épuration de ces livres de a tiré de son énorme travail
« policier » ces deux volumes de compilation critique.
14 Les intellectuels et la culture de masse
en avons bon nombre de témoignages, y compris de récents : Flaubert rêvait
d'écrire un roman de chevalerie *, et Proust ne s'est pas caché de devoir un
certain nombre de souvenirs à cette littérature populaire 2 qui avait encore
une audience à la fin du xixe siècle et au début du xxe.
Les différences entre la culture de masse, que supporte cette littérature de
colportage, et la culture savante, sont multiples. En ce qui concerne les seuls
thèmes, nous pouvons donner une rapide indication : l'univers mental, dans
lequel se déplace l'homme qui lit les livres de colportage, est un univers non
cohérent (et par-là il s'oppose aux aspects principaux de notre culture savante
française telle que nous la connaissons) ; ce qui signifie une sorte de natura
lisme anthropomorphique simplifié et, d'autre part, une vision sociale mani
chéenne, les rapports sociaux étant réduits à quelques expressions très simple»
où compensations et rancœurs sociales s'expriment avec une force inégale»
Compensations, en ce sen

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