L art d écrire de Condillac (1775); à propos de quelques règles prescriptives : traitement des ellipses et des anaphores - article ; n°1 ; vol.48, pg 44-56
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L'art d'écrire de Condillac (1775); à propos de quelques règles prescriptives : traitement des ellipses et des anaphores - article ; n°1 ; vol.48, pg 44-56

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Description

Langue française - Année 1980 - Volume 48 - Numéro 1 - Pages 44-56
13 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1980
Nombre de lectures 44
Langue Français

Extrait

Sonia Branca
L'art d'écrire de Condillac (1775); à propos de quelques règles
prescriptives : traitement des ellipses et des anaphores
In: Langue française. N°48, 1980. pp. 44-56.
Citer ce document / Cite this document :
Branca Sonia. L'art d'écrire de Condillac (1775); à propos de quelques règles prescriptives : traitement des ellipses et des
anaphores. In: Langue française. N°48, 1980. pp. 44-56.
doi : 10.3406/lfr.1980.5071
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/lfr_0023-8368_1980_num_48_1_5071Branca, Université de Provence. Sonia
L'ART D'ÉCRIRE DE CONDILLAC (1775)
A PROPOS
DE QUELQUES RÈGLES PRESCRIPTIVES
TRAITEMENT DES ELLIPSES
ET DES ANAPHORES.
Quelques linguistes feignent encore de méconnaître l'intérêt des normes
et d'opposer l'attitude descriptiviste (seule scientifique) à l'attitude pres
criptive des puristes.
Mais on ne saurait examiner la langue écrite sans prendre en compte
les conventions collectives, normatives, qui se sont peu à peu établies : la
langue écrite est le produit d'une histoire largement indépendante de l'his
toire de la langue tout court. Grammairiens et écrivains ont imposé des
modèles, inculqués tantôt à travers l'imitation des œuvres consacrées, tantôt
de façon plus explicite grâce aux grammaires raisonnées et aux traités de
rhétorique.
Le réglage de l'écriture n'est d'ailleurs que l'aspect le plus évident des
pratiques de pouvoir qui traversent la langue, du jeu des forces sociales qui
s'y inscrit et qu'il nous faudra réapprendre à considérer.
Condillac, dans ce travail de fixation des normes, me semble marquer un
moment important parce qu'il rompt avec des arguments d'autorité (confor
mité des œuvres avec des modèles prestigieux, imitation des anciens, langue
de l'aristocratie), et tente de fonder en raison la nouvelle norme. C'est ainsi
qu'il consacre la valeur du style que l'on appelle parfois le style coupé, mar
qué par une succession de petites phrases brèves, là où les écrivains du siècle
précédent usaient plus volontiers de phrases complexes et amples.
Condillac va « justifier » cette stylistique en montrant que les règles
d'écriture ne sont que l'image des opérations de l'esprit. Il contribue ainsi à
une prise de conscience des principes au nom desquels les écrivains-prati
ciens de la langue l'ont peu à peu normalisée.
Mais dans certaines parties de VArt d'Écrire, il va encore plus loin.
Tenant la clarté et la rapidité pour la fin des règles de bon usage, il cherche
NB : Les références à Condillac sont faites d'après l'édition Le Roy. voir Éléments bibliographiques et
informatifs. S.V.A.
44 comment on peut éliminer les ambiguïtés dans l'emploi des anaphores sans
renoncer pour autant aux pronoms qui sont des moyens de liaison rapide.
Il tente alors d'imposer de nouvelles normes d'emploi des pronoms. Le
premier intérêt de ces chapitres de VArt d'Écrire est d'inciter à réfléchir sur
l'histoire et la raison d'être des normes.
I. L'ellipse et la rapidité du discours
Dans un traité tout entier consacré à la cohésion du discours, aux moyens
de favoriser la liaison des idées, on pourrait penser trouver ce qui a intéressé
nos modernes analystes. Pour citer un nom et un texte célèbre, I. Bellert dans
« On a condition of a coherence of texts » (1970 Semiotica Mouton) a écrit que
« la répétition constitue une condition nécessaire pour qu'un texte soit
cohérent ».
A sa suite les linguistes du discours ont recensé tous les phénomènes de
répétition : identité lexicale, recouvrement présuppositionnel, coréférence...
et de façon générale ont pratiqué une évaluation des textes selon la récur
rence.
Condillac aboutit à mettre en valeur l'idée opposée : l'effet de liaison
s'obtient avec le nombre minimum d'éléments et les textes reposent sur du
non-dit.
Dans VArt d'Écrire l'ellipse n'est pas restreinte à une figure grammatic
ale comme chez du Marsais ou même Port Royal, c'est plus généralement
« tout ce qui se supplée facilement » et qui a été omis dans le discours inten
tionnellement puisqu'il s'agit des tours que se permettent les « bons écri
vains ».
D'abord, grammaticalement, c'est le premier exemple, on sous-entend
un mot qu'on ne veut pas répéter :
« Une femme inconstante est celle qui n'aime plus
Une légère celle qui déjà en aime un autre,
une volage qui ne sait si elle aime, ni ce qu'elle aime, indifférente celle qui n'aime rien. »
La Bruyère.
On parlera d'ellipse dans la mesure où cet énoncé peut être paraphrasé
par un énoncé plus grand, et c'est une tentation de dire que le locuteur a
abrégé l'énoncé attesté : on fera correspondre à l'exemple de la Bruyère :
une femme inconstante est légère est
une femme volage est indifférente est
Ici l'accord des locuteurs pour reconstruire le nom et le verbe sera mass
if; c'est que ce système d'ellipse repose sur des éléments grammaticaux pré
sents dans la portion précédente du texte et donc « récupérables » pour
reprendre le terme générati viste 1.
Le retranchement de femme et du verbe être sont autorisés par leur pré
sence dans le membre précédent de la période.
1. La reconstruction n'est pas donnée par Condillac; mais elle me semble conforme à la pratique de tout
le xviiie siècle : seul le nom peut référer; l'adjectif précédé d'un article résulte toujours de l'ellipse d'un nom
(sur l'autonomie référentielle du nom, voir Auroux 1979 a, 173 et 181 sq.).
45 le seul type d'ellipse admis par les prédécesseurs de Condillac. En C'est
fait, une grande partie de leur activité a consisté à restreindre les possibil
ités d'ellipse au nom de ce que nous pouvons appeler, malgré l'anachronisme,
la récupérabilité.
Dès qu'il y a une divergence entre la forme de la partie reconstituée et la
forme de la partie complète, la prudence des grammairiens condamne le tour :
Bouhours blâme ainsi les changements de nombre : on ne doit pas écrire
<r Je lui dys ce que Dieu nous dit dans l'Écriture et les plus grands saints dans
leurs écrits. (D.148.) »
Bary rappelle qu'on ne doit pas non plus admettre de changements de
genre :
« Je suis plus blanche que mon frère » — (Secrets 143).
ne convient pas puisqu'il faudrait un masculin : blanc.
Le même Bary condamne le passage du négatif au positif2 (Secrets 99)
Vaugelas s'était élevé contre les changements de voix :
«r Cette femme est belle etj'aurois un grand penchant à l'aimer, si ce qu'on m'a
dit de son inconstance ne la rendait indigne de l'être. »
Condillac va légitimer toutes ces ellipses irrégulières. Par exemple le
constituant rétabli peut être, selon lui, affecté de modalités différentes :
exemple de Condillac :
« II y avait tout à redouter de la fureur d'Hannibal et rien à craindre de la
modération de Fabius. »
Saint Evremond.
Il faut dans cette phrase suppléer : II n'y avait rien; on sous-entend donc
avec négation un terme qui avait été pris affirmativement.
La tolérance de Condillac lui vient de sa problématique, du cadre dans
lequel il travaille. Rappelons que le leitmotiv du traité est que plus le style
est rapide, mieux il permet de penser. La langue est obligée de mettre les mots
les uns derrière les autres, « d'analyser la pensée ».
Le travail de la langue risque donc d'entraver la marche des idées.
A propos d'une page de Racine, Condillac écrivait (Grammaire, 448)
« sa pensée lui offrait tout à la fois ce que son discours n'offre que succes
sivement » : le discours qui fonctionne dans la successivité peut exprimer la
simultanéité de la pensée grâce à la liaison des termes entre eux, ce que le
philosophe appelle la subordination entre les mots et les groupes de mots.
Ces rapports3 de dépendance doivent toujours rester très clairs :
« les idées accesso

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