L économie naturelle et le principe de la corrélation chez Cuvier et Darwin - article ; n°1 ; vol.23, pg 35-48
15 pages
Français

Découvre YouScribe en t'inscrivant gratuitement

Je m'inscris

L'économie naturelle et le principe de la corrélation chez Cuvier et Darwin - article ; n°1 ; vol.23, pg 35-48

Découvre YouScribe en t'inscrivant gratuitement

Je m'inscris
Obtenez un accès à la bibliothèque pour le consulter en ligne
En savoir plus
15 pages
Français
Obtenez un accès à la bibliothèque pour le consulter en ligne
En savoir plus

Description

Revue d'histoire des sciences et de leurs applications - Année 1970 - Volume 23 - Numéro 1 - Pages 35-48
14 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1970
Nombre de lectures 8
Langue Français

Extrait

Camille Limoges
L'économie naturelle et le principe de la corrélation chez Cuvier
et Darwin
In: Revue d'histoire des sciences et de leurs applications. 1970, Tome 23 n°1. pp. 35-48.
Citer ce document / Cite this document :
Limoges Camille. L'économie naturelle et le principe de la corrélation chez Cuvier et Darwin. In: Revue d'histoire des sciences
et de leurs applications. 1970, Tome 23 n°1. pp. 35-48.
doi : 10.3406/rhs.1970.3112
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/rhs_0048-7996_1970_num_23_1_3112L'économie naturelle
et le principe de corrélation
chez Cuvier et Darwin
Exposé de M. Camille Limoges
II se peut qu'à l'instance propre de l'archéologie • — mais c'est
ce dont il y aura discussion cet après-midi — Cuvier, plus qu'aucun
autre avant lui, pose dans ses écrits les conditions de possibilité
des premiers exposés évolutionnistes, au sens actuel du terme.
Néanmoins, et au plan de ses positions théoriques affirmées, se
trouvent chez Cuvier des démonstrations dont le but est préc
isément d'établir la nécessité du fîxisme. Comment une telle suite
d'énoncés peut être produite depuis un régime discursif qui est
sa condition de possibilité en même temps que celle de ce qui la
nierait au plan théorique même, c'est ce dont nous différons
l'examen pour seulement étudier brièvement comment sur ce plan
pèsent les arguments de Cuvier.
Au terme de la première de ses Leçons ďanalomie comparée,
dans une addition à l'article sur la division des animaux pour la
seconde édition, Cuvier s'en prend à l'hypothèse d'une transfor
mation possible des formes animales présentée comme l'opinion
des « sectateurs » de Benoît de Maillet. Les arguments dont il fait
des armes fixistes sont simples : d'abord, la conformité de la nature
des parties aux conditions d'existence d'un groupe taxonomique
donné, c'est-à-dire la nécessaire « adaptation des parties à la
nature » de l'organisme (qui lui fait écrire : « Toutes ces transfor
mations aisées à imaginer pour celui qui rêve s'évanouissent pour
celui qui dissèque ») ; ensuite une « harmonie » analogue « pour le
maintien de l'ordre du monde », c'est-à-dire que « les espèces sont
mutuellement nécessaires, les unes comme proie, les autres comme
destructeur et modérateur de propagation », de telle sorte que se 3G REVUE D'HISTOIRE DES SCIENCES
conserve l'ordre ou la proportion entre les vivants, ce qui est l'idée
déjà ancienne, et chère à l'école linnéenne, d'une économie naturelle.
Comme on verra, ces deux preuves, celle par la corrélation des part
ies et celle par l'économie naturelle, ne sont pas chez Guvier sans lien.
L'idée qu'une stricte corrélation des parties s'oppose à toute
évolution des formes organiques paraît propre à Guvier. Tel n'est
pas le cas pour l'utilisation à la même fin de l'économie naturelle.
Prétendre que des formes animales ne peuvent présenter de
modifications d'ordre spécifique parce qu'il se produirait alors en
quelque sorte une rupture dans les fonctions que doit assurer
chacune des espèces pour maintenir l'existence harmonieuse de la
nature vivante, c'est reprendre en déplaçant son point d'application
l'argument, fréquent dans la seconde moitié du xvnie siècle, selon
lequel l'équilibre de la nature n'autorise aucune extinction d'espèce.
Après Cuvier, par un retour à cette problématique du xvine siè
cle, et sans référence à Guvier, on allait en Angleterre, et jusqu'aux
années 1860, penser de même façon certaine opposition au trans
formisme, mais non sans faire gagner à l'argument vigueur et
cohérence. Ainsi Lyell, qui, jusqu'à sa conversion au darwinisme,
refuse même le progressionnisme en matière paléontologique,
conçoit l'économie naturelle comme liée à une guerre des vivants
qui n'exclut pas les extinctions d'espèces — et dont le principe
lui vient de Gandolle l'aîné. Conformément au postulat uniformi-
tariste qui porte à nier le progressionnisme, cette extinction qui
s'effectue sans catastrophe ne provoque aucune rupture durable
dans l'économie de la nature puisque celle-ci est maintenue par
l'apparition, subséquente à chaque extinction, de nouvelles espèces
de même niveau d'organisation, c'est-à-dire propres à occuper les
mêmes places dans les rapports entre espèces. Chez le zoologiste
Edward Blyth, par exemple, la lutte mutuelle des vivants a pour
fin précisément d'interdire la reproduction des individus qui
s'écartent trop du type de l'espèce, supposé parfaitement adapté
à l'habitat, au territoire dont les membres d'une espèce ne peuvent
par conséquent s'éloigner sans devenir victimes de leurs prédateurs.
Chez Lyell comme chez Blyth l'économie naturelle recouvre une
compréhension sans devenir de la nature vivante (1).
(1) Sur la fonction conservatrice de la lutte pour l'existence chez Blyth, cf. L. Eise-
léy, Charles Darwin, Edward Blyth and the Theory of Natural Selection, Proceedings
of the American Philosophical Society, 1959, 103, p. 94-114. ÉCONOMIE ET PRINCIPE DE CORRÉLATION CHEZ CLYIER ET DARWIN 37
En fait, perçu de l'intérieur du système de Lamarck, l'argument
par l'économie naturelle ne porte guère. En effet, chez ce dernier,
la conception traditionnelle de l'économie naturelle est, quoi qu'il
paraisse, entièrement respectée. Chez lui, comme chez Linné, la
lutte pour l'existence a pour seule fin de maintenir un équilibre
de la nature, une proportion entre espèces, ce qui le soutenait à
prétendre que les espèces dites éteintes sont une fiction, qu'il n'y
a pas d'extinction d'espèces dans la nature, si ce n'est en de très
rares cas par l'action de l'homme, et qu'il faudrait plutôt parler
d'espèces transformées ou encore, pour rendre compte d'apparents
hiatus dans la série, d'espèces à découvrir. Dans le système de
Lamarck, parce que la transformation des vivants est l'effet d'une
programmation et s'effectue par une tendance de la vie à la compos
ition de l'organisation selon la série, que celle-ci est sans faille
dans ses traits essentiels malgré des déplacements de surface attri-
buables à l'empire des circonstances — ce qui a fait dire à Gillispie
que la théorie lamarckienne fonctionnait comme un « escalator de
l'être » (1) — , les rapports entre vivants sont toujours conservés,
toutes les places sont toujours remplies dans la nature et, donc, les fonctions requises pour l'harmonie des vivants assurées.
Ironiquement, à l'époque où il l'exprime, si cette idée d'une
harmonie naturelle si stricte eût dû faire problème pour quelqu'un,
c'eût été pour Cuvier lui-même. Pourtant l'idée n'est pas isolée
dans son œuvre. On la retrouve aussi bien dans certains inédits
que par exemple dans ce passage signalé par Henri Daudin de
l'Histoire naturelle des poissons où il affirme admettre
« cette chaîne réelle des êtres coexistants, des êtres nécessaires les uns aux
autres et à l'ensemble et qui, par leur action mutuelle, maintiennent l'ordre
et l'harmonie de l'univers ; chaîne dont aucune partie n'a pu exister sans
toutes les autres et dont les replis, sans cesse rapprochés ou écartés,
embrassent le globe dans leurs contours » (2).
On eût pu s'attendre en effet à ce que telle affirmation fît
problème pour Guvier qui, contrairement à d'Orbigny, n'a jamais
défendu la thèse des créations successives. Avocat des catastrophes
régionales suffisantes pour provoquer l'extinction de formes locales
que l'on trouve fossilisées en certaines couches et totalement
(1) С. С Gillispie, The formation of Lamarck's evolutionary theory, Archives
internationales ďHistoire des Sciences, 1956, IX, p. 323-338.
(2) Henri Daudin, Les classes zoologiques, Paris, Alcan, 1926, II, p. 255, n. 1. 38 REVUE D'HISTOIRE DES SCIENCES
absentes des couches supérieures, Cuvier s'en remettait pour
repeupler les régions secouées 

  • Univers Univers
  • Ebooks Ebooks
  • Livres audio Livres audio
  • Presse Presse
  • Podcasts Podcasts
  • BD BD
  • Documents Documents