L exhumation des reliques dans les premières années du pouvoir soviétique - article ; n°1 ; vol.22, pg 67-88
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Description

Cahiers du monde russe et soviétique - Année 1981 - Volume 22 - Numéro 1 - Pages 67-88
Bernard Marchadier, Exhumation of relies in the first years of Soviet power.
Based on items published in the review Revoliutsiia i tserkov' which had appeared at irregular intervals from 1919 till 1924, this article recounts the incidents that the atheist propaganda of the period had nicknamed the epopee of the relics.
It is known that the Orthodox Church — as well as the Catholic Church — presents the relics of its Saints to the worship of the faithful. In 1918 and on, this cult was denounced as an unhealthy and barbarous superstition. About 60 corpses were exhumed, exhibited in public and submitted to scientific examination. This measure of demystification was in a sense successful inasmuch as popular beliefs in Russia tend to associate the sanctity of the relics with their incorruptibility. Some dignitaries of the Church were summoned before the courts in connection with the relics lawsuit the proceedings of which are summarized herewith.
Bernard Marchadier, L'exhumation des reliques dans les premières années du pouvoir soviétique.
Se fondant sur les articles de la revue Revoljucija i cerkov' qui parut, de façon irrégulière, de 1919 à 1924, cet article retrace ce que la propagande athée appela alors l' « épopée des reliques ». On sait en effet que l'Église orthodoxe — tout comme l'Église catholique — offre les reliques de ses saints à la vénération des fidèles ; dès 1918 ce culte fut dénoncé comme une superstition malsaine et barbare, et une soixantaine de corps furent exhumés, exposés au public et « passés au crible de la science ». Cette « démystification » remporta un certain succès, dans la mesure où la conscience populaire en Russie a toujours tendu à associer la sainteté à l'incorruptibilité des reliques. Certains dignitaires de l'Église durent comparaître devant les tribunaux à l'occasion de « procès des reliques », dont les débats sont brièvement évoqués ici.
22 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1981
Nombre de lectures 45
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Bernard Marchadier
L'exhumation des reliques dans les premières années du
pouvoir soviétique
In: Cahiers du monde russe et soviétique. Vol. 22 N°1. Janvier-Mars 1981. pp. 67-88.
Abstract
Bernard Marchadier, Exhumation of relies in the first years of Soviet power.
Based on items published in the review Revoliutsiia i tserkov' which had appeared at irregular intervals from 1919 till 1924, this
article recounts the incidents that the atheist propaganda of the period had nicknamed the "epopee of the relics".
It is known that the Orthodox Church — as well as the Catholic Church — presents the relics of its Saints to the worship of the
faithful. In 1918 and on, this cult was denounced as an unhealthy and barbarous superstition. About 60 corpses were exhumed,
exhibited in public and "submitted to scientific examination". This measure of "demystification" was in a sense successful
inasmuch as popular beliefs in Russia tend to associate the sanctity of the relics with their incorruptibility. Some dignitaries of the
Church were summoned before the courts in connection with the "relics lawsuit" the proceedings of which are summarized
herewith.
Résumé
Bernard Marchadier, L'exhumation des reliques dans les premières années du pouvoir soviétique.
Se fondant sur les articles de la revue Revoljucija i cerkov' qui parut, de façon irrégulière, de 1919 à 1924, cet article retrace ce
que la propagande athée appela alors l' « épopée des reliques ». On sait en effet que l'Église orthodoxe — tout comme l'Église
catholique — offre les reliques de ses saints à la vénération des fidèles ; dès 1918 ce culte fut dénoncé comme une superstition
malsaine et barbare, et une soixantaine de corps furent exhumés, exposés au public et « passés au crible de la science ». Cette
« démystification » remporta un certain succès, dans la mesure où la conscience populaire en Russie a toujours tendu à associer
la sainteté à l'incorruptibilité des reliques. Certains dignitaires de l'Église durent comparaître devant les tribunaux à l'occasion de
« procès des reliques », dont les débats sont brièvement évoqués ici.
Citer ce document / Cite this document :
Marchadier Bernard. L'exhumation des reliques dans les premières années du pouvoir soviétique. In: Cahiers du monde russe
et soviétique. Vol. 22 N°1. Janvier-Mars 1981. pp. 67-88.
doi : 10.3406/cmr.1981.1904
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/cmr_0008-0160_1981_num_22_1_1904BERNARD MARCHADIER
L'EXHUMATION DES RELIQUES
DANS LES PREMIÈRES ANNÉES
DU POUVOIR SOVIÉTIQUE
Le 28 janvier 1919, à quatre heures de l'après-midi, le président de
la commission extraordinaire du Comité exécutif de Zadonsk, le cama
rade Z. Šipulin, accompagné de soldats de l'Armée Rouge, de délégués
des instances locales du parti et de représentants des institutions sovié
tiques, se présentait aux portes du monastère de la Mère de Dieu (Bogo-
rodinskij) à Zadonsk, et demandait à être reçu par l'archimandrite. Sans
attendre l'arrivée de ce dernier, tout ce monde se rendait dans la chapelle
d'hiver. On pria la dizaine de religieuses et de moines agenouillés devant la
châsse de saint Tihon de bien vouloir s'éloigner. Des soldats allèrent
se placer en faction à la porte de l'église. Quand fut arrivé l'abbé entouré
de tout le chapitre, le camarade Šipulin lui expliqua les raisons de sa
présence en ces lieux : il avait mandat du Comité exécutif des soviets
de délégués paysans et ouvriers du district pour constater l'état des
reliques exposées ici et priait le supérieur de bien vouloir procéder à l'ou
verture de la châsse. Celui-ci invoqua le droit canon qui lui interdisait
de décider d'une pareille opération sans avoir reçu l'autorisation de son
supérieur hiérarchique, l'archevêque de Voronež. Du reste, ajoutèrent
des moines, les reliques avaient été examinées en 1861 par le métropolite
Isidore de Saint-Pétersbourg, par l'archevêque Joseph de Voronež et
Mgr Théophane, évêque de Tambov, qui les avaient trouvées en parfait
état, non soumises au pourrissement (netlennye), quoique saint Tihon
fût inhumé depuis déjà soixante-dix-huit ans. Après cela, rien n'avait été
touché, tout au plus avait-on changé les ornements dans lesquels reposait
le saint. Alors, que voulait-on savoir de plus ? Il n'était pas question de
montrer les reliques aux bolcheviks.
Loin de se rendre à pareils arguments, Šipulin se fit menaçant ; il
était là pour voir les reliques, et si les moines ne voulaient pas les découv
rir, la commission s'en chargerait.
Les frères se concertèrent et l'un d'eux, le hiéromoine Innocent,
s'approcha de la châsse sans couvercle où gisait le saint. Il lui ôta sa mitre.
On vit apparaître une tête bandée. Le bandage, serré sur sept épaisseurs
environ, fut déroulé, découvrant une couche de plusieurs centimètres
de coton. Quand Innocent eut enlevé ce coton, ce n'est pas un visage
Cahiers du Monde russe et soviétique, XXII (1), janv.-mars iç8i, pp. 67-88. BERNARD MARCHADIER 68
miraculeusement préservé de la corruption qui apparut, ce n'est pas la
chair déjà transfigurée d'un saint endormi dans l'attente de la glori
fication totale, mais « un crâne humain ordinaire de couleur brunâtre,
déjà partiellement effrité », dénué de toute trace de peau, muscle, cheveu
ou barbe1.
Šipulin fit signe de dévêtir tout le corps de Tihon. Il fallut plusieurs
moines pour lui ôter sa chasuble. Puis on dégrafa sa ceinture, on défit
sa tunique, le laissant en simple chemise de vieille toile. Dans le soulier
droit, les moines trouvèrent un pied postiche rempli d'ouate, sans le
moindre osselet. La jambe était, elle aussi, de carton-pâte mais, dans
l'ouate, on trouva un tibia brisé en plusieurs morceaux et un fémur placé
à l'envers. Du tronc, il ne restait que quelques os du bassin réduits en
poudre et enveloppés dans plusieurs livres de coton et toutes sortes de
chiffons. Ni côtes, ni vertèbres, ni viscères. Les mains étaient constituées
elles aussi d'une enveloppe de carton bourrée d'ouate. Seul le gant gauche
renfermait quelques phalanges.
Ossements, coton, chiffons, carton-pâte, ornements, tout cela fut jeté
à terre et photographié deux fois2. La châsse fut fermée et l'on y apposa
les scellés, puis on sortit de l'église, non sans avoir laissé des gardes rouges
en faction près du tombeau.
Dès le lendemain, une exposition fut organisée dans le monastère,
où tous ceux qui le désiraient pouvaient se convaincre de visu, devant
le lamentable butin trouvé dans la châsse, de l'hypocrisie séculaire de
l'Église. Des orateurs se trouvèrent là pour expliquer aux visiteurs la
signification que le parti assignait à cette découverte. Leurs discours
eurent « un franc succès », comme le rapporte Revoljucija i cerkov'3.
Ce qu'ils dirent ressemble probablement mot pour mot à ce que l'on
trouve dans la revue : une telle opération portait un coup terrible à la
superstition entretenue par les moines pour tirer de l'argent des pauvres
naïfs et les entretenir dans leur ignorance ; on voyait bien là, en outre, la
malhonnêteté des clercs prêts à se livrer aux plus grossières falsifications
pour laisser croire que le corps des saints restait indemne de pourriss
ement ; et enfin le culte des reliques avait toujours eu des fins politiques :
Ivan III, au moment où il avait proclamé Moscou « troisième Rome »,
n'avait-il pas cherché à en faire venir le plus possible dans sa capitale,
et les classes dirigeantes n'avaient-elles pas insisté, sous Nicolas I, pour
que fussent solennellement placés sur les autels les corps de saint Tihon
et de saint Mitrophane « dont on sait bien qu'ils entretenaient de bons
rapports avec la Cour impériale et qu'ils s'étaient distingués par leur
' patriotisme ', ce qui ne les avait pas empêchés, de leur vivant, d'ex
ploiter largement les masses confiantes et ignorantes de leurs diocèses »4 ?
Si ces arguments ne convainquirent pas tout le monde, il est indé
niable qu'ils mirent le doute en beaucoup6.
Car il &#

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