L explication dans l argumentation : approche sémiologique - article ; n°1 ; vol.50, pg 20-38
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L'explication dans l'argumentation : approche sémiologique - article ; n°1 ; vol.50, pg 20-38

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Description

Langue française - Année 1981 - Volume 50 - Numéro 1 - Pages 20-38
19 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1981
Nombre de lectures 45
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Marie-Jeanne Borel
L'explication dans l'argumentation : approche sémiologique
In: Langue française. N°50, 1981. pp. 20-38.
Citer ce document / Cite this document :
Borel Marie-Jeanne. L'explication dans l'argumentation : approche sémiologique. In: Langue française. N°50, 1981. pp. 20-38.
doi : 10.3406/lfr.1981.5089
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/lfr_0023-8368_1981_num_50_1_5089Marie-Jeanne Borel, Centre de Recherches sémiologiques,
Université de Neuchâtel.
L'EXPLICATION DANS L'ARGUMENTATION
APPROCHE SÉMIOLOGIQUE
ou ronde Socrate et, : puisqu'il « Anaxagore! me l'expliquerait, Il m'expliquerait il m'en si exposerait la Terre est tout plate au
long la raison et la nécessité; m'apprenant, lui qui dit ce qui est le meil
leur, qu'il était meilleur pour la Terre d'avoir telle ou telle forme. »
Phédon.
0. Introduction
Définitions :
— « Sémiologie » : « Science qui étudie la vie des signes dans la vie sociale »
(De Saussure).
— «Explication» : « Discours par lequel on expose quelque chose de manière
à en donner l'intelligence et la raison » (Littré).
— « Raison » : « Nihil est sine ratione » (Wolff) — ce qui rend intelligible
la présence ou la variation d'un phénomène dans le
temps et l'espace et, simultanément, ce qui le justifie ou
le rend nécessaire dans la pensée 1. La règle de notre
expérience est que rien d'absolument séparé, ou de sin
gulier, n'est objet de notre connaissance.
Il est possible de parler de l'explication comme si elle existait en dehors
du discours. On la décrit alors comme une structure dans laquelle des entités
théoriques sont liées à d'autres entités par des relations de nature implica-
tive et deductive. Dans la construction de la connaissance, les phénomènes
— singularités ou régularités observées — sont expliqués lorsqu'une telle
structure leur est appliquée. Dans l'optique d'un Hempel 2 qui est une sorte
d'extrême parmi les conceptions possibles de l'explication, il s'agit d'un
idéal vers lequel s'oriente la méthodologie des sciences : l'explication,
ensemble systématique de conditions, de lois et de principes objectifs, est
détachée des circonstances naturelles où elle prend naissance et s'exerce,
et qui la rendent relative au langage où elle se formule, au sujet pour qui
elle a une signification, et aux choses dont elle veut rendre compte. Pour
cette epistemologie normative de l'explication, il y a de bonnes et de mau-
1. Une élévation de température est raison d'être d'une modification de la hauteur de la colonne d'un
thermomètre. La même donnée est également une raison de connaître (comprendre ou prévoir) qu'il en va bien
ainsi du thermomètre. Cependant raison d'être ou de devenir et raison de connaître sont différentes : la varia
tion du thermomètre peut être une de savoir qu'il a fait plus chaud (c'est une condition hypothétique),
mais n'est pas une raison d'être de la chaleur. Seule la pensée peut remonter de l'effet à la cause en inversant
le cours des choses.
2. C.G. Hempel, Aspects of Scientific Explanation, New York, Free Press, 1965, p. 426.
20 vaises explications. Dans une histoire des connaissances centrée sur les
acquisitions de la science, une explication fallacieuse, dépassée ou falsifiée
perd sa valeur explicative et n'est que fable, métaphore ou mythe. Tel est
le sort de l'hypothèse du déluge biblique pour rendre compte de dépôts
marins en géologie, ou celle, vitaliste, de la croissance des minéraux.
Pourtant certaines explications ont été acceptées comme telles, et
donc d'abord reconnues. D'autre part, dans la vie quotidienne on ne cesse
d'être confronté à des « pourquoi? » concernant ce qui arrive ou ce qu'on
fait, et de se satisfaire de réponses explicatives qui n'ont que peu à voir
avec l'idéal « déductif-nomologique » de Hempel. Dans le « monde sublu
naire » un simple récit a déjà valeur explicative3. Par ailleurs, lorsque
celui que j'interroge me répond : « ...parce que c'est comme cela », ou
« parce que ceci ou cela », je ne peux m'empêcher de penser « qu'il y a une
raison... » pour autant ou bien que je lui reconnaisse le pouvoir de m'en-
seigner quelque chose, ou que je connaisse sa langue et ce que veut
dire le mot « parce que ». Enfin, l'échange des questions et des réponses
explicatives s'opère dans la communication avec un langage et un rituel
de l'échange, et suppose des intérêts concernant autant les protagonistes
de l'échange que la matière qui en est l'occasion. Certaines choses font
problème à certains, d'autres pas.
Lorsqu'on envisage l'explication dans son exercice naturel en deçà ou
au-delà du seul canon mesurant les constructions du savoir exact, donc
dans le champ de V argumentation, il est évident qu'on ne peut rendre raison
de quelque chose sans parler, et qu'en conséquence une logique de l'expli
cation n'est qu'une partie de sa sémiologie; mais cette dernière est elle-
même tributaire d'une histoire des formes que l'explication revêt dans le
discours et par lesquelles elle se fait reconnaître avant d'être acceptée. Ces
formes ont-elles un noyau commun, un invariant sémiologique par quoi
elles se différencient d'autres procédures de discours? On constate que
la frontière est floue entre expliquer ce que l'on a fait, le motiver, le justif
ier, l'excuser : le « explique-toi! » englobe toutes ces démarches. On sait
aussi que dans la démonstration la vérité d'une prémisse étaie, justifie la
vérité de la conséquence mais que, s'il arrive que le contenu de la prémisse
explique celui de la conséquence, ce n'est pas toujours le cas 4.
Le problème de la délimitation d'un genre de discours fait l'objet des
pages qui suivent. Mais pour en discuter il convient de prendre au sérieux
les trois définitions données plus haut : que les signes vivent dans l'histoire,
donc qu'à la définition de l'explication correspond une forme qui fonctionne
dans les activités de discours — une forme qui circule, qui s'échange, qui s'op
pose à d'autres formes et qui, en se construisant, se signale elle-même dans
cette opposition5; enfin que l'explication, dans cet espace de différenciation
3. Cf. P. Veyne. Comment on écrit l'histoire. Essai ď epistemologie. Paris, Seuil, 1971. L'explication
en histoire se situe à l'extrême opposé du modèle de Hempel. Là comme dans la vie quotidienne, il s'agit de
« dénouer des intrigues » en en fournissant un déroulement compréhensible (p. 114). La complexité de l'év
énement en fait un tissu, « mélange très humain de causes matérielles, de fins et de hasards », et l'effort ration
nel s'intéresse à eux « pour la seule raison qu'ils ont eu lieu et ils ne sont pas pour lui une occasion de découv
rir des lois » (p. 1 1 2). Par exemple : Un enfant interroge : pourquoi sa mère sourit-elle sur une photo alors
qu'il n'est pas encore né. La mère commente : « Je lui invente une histoire... au moins c'est une explication
sensée : Tu étais une petite poussière dans l'air. Tu me taquinais... cela m'agaçait d'abord, ensuite j'ai pensé
que c'était toi qui n'était pas né... ».
4. Lorsque j'explique pourquoi la vigne a gelé cet automne en disant que, dans nos climats, cela arrive
très souvent, j'ai déduit le cas particulier, par simple instantiation, d'une généralisation empirique. Mais
lorsque je tire déductivement qu'« il y a une chèvre dans mon jardin » du fait qu'il y en a deux, je n'ai rien
expliqué malgré la présence d'une loi bien connue.
5. Le signe est une entité instable et paradoxale qui, lorsqu'il est utilisé, s'efface devant ce à quoi il ren-
21 à la pratique discursive — déjà indiqué par l'ambiguïté même du inhérent
mot « raison » — ne pourra être séparée d'un type de question posée aux choses
et aux gens, donc d'une certaine position dans la dialectique qui articule
entre eux les discou

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