L univers tragique de Jean de La Taille : Justice, ou vengeance ? - article ; n°1 ; vol.48, pg 25-44
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Description

Bulletin de l'Association d'étude sur l'humanisme, la réforme et la renaissance - Année 1999 - Volume 48 - Numéro 1 - Pages 25-44
20 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1999
Nombre de lectures 28
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Louis-Georges Tin
L'univers tragique de Jean de La Taille : Justice, ou vengeance
?
In: Bulletin de l'Association d'étude sur l'humanisme, la réforme et la renaissance. N°48, 1999. pp. 25-44.
Citer ce document / Cite this document :
Tin Louis-Georges. L'univers tragique de Jean de La Taille : Justice, ou vengeance ?. In: Bulletin de l'Association d'étude sur
l'humanisme, la réforme et la renaissance. N°48, 1999. pp. 25-44.
doi : 10.3406/rhren.1999.2258
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/rhren_0181-6799_1999_num_48_1_2258tragique de Jean de La Taille : L'univers
Justice, ou vengeance ?
Guerres, meurtres et massacres ne cessent de perturber le second
XVIe siècle. En cette époque de trouble, la crise généralisée affecte la
valeur morale et politique que l'on dit essentielle en ce royaume de
France : la justice. Tandis que la violence devient plus radicale, il
s'avère de plus en plus difficile de maintenir le droit, maltraité par les
factions et les armées rivales. La situation, qui excède la capacité et la
responsabilité des tribunaux, devient dès lors un problème politique
majeur, car seul le roi peut encore ramener l'ordre, à défaut de la jus
tice. De cette confusion, les tragédies se font l'écho, et c'est pourquoi
Jean de La Taille choisit de mettre en lumière Saiil, le premier roi du
peuple juif, afin de fournir aux princes de son temps un utile et exemp
laire miroir qui leur enseigne par quels moyens, et surtout à quel
prix, la justice, et avec elle la paix, peuvent être retrouvées dans un
royaume si gravement ébranlé. C'est dire que l'auteur a voulu en effet
dans son œuvre mettre en rapport les sources d'inspiration bibliques et
la réflexion morale d'actualité pour examiner ce que peuvent être,
selon les hommes et selon Dieu, la faute, le châtiment et le pardon.
Ses deux tragédies, Saiil le furieux et La Famine, ou les Gabeonites,
sont manifestement l'occasion d'une méditation sur cette notion de
justice, et la justice de Dieu, qui est bien sûr plus droite que celle des
hommes, semble hélas plus obscure, et surtout plus terrible...
/. Uàge du péché
Si vous entendez ma voix et gardez mon alliance, vous serez ma part
personnelle parmi tous les peuples - puisque c'est à moi qu'appartient toute
la terre — et vous serez pour moi un royaume de prêtres et une nation sainte1.
1. Ex 19, 5-6 (T.O.B., éditions du Cerf, Paris, 1979). Telle est la promesse, et la
bonne nouvelle, que le Seigneur fait entendre à son peuple. Le livre de l'Exode est
ainsi, pour cette raison, souvent appelé l'évangile de l'Ancien Testament.
RHR48- Juin 1999 LOUIS-GEORGES TIN 26
Au commencement était la loi. Dieu voulut conclure avec son peuple
une alliance sainte. A Israël il enseigna sa loi. Il fît aussi une promesse,
la promesse faite à Abraham, à Isaac et à Jacob.
Toutes les pages du Pentateuque résonnent de cette promesse et de
cette loi divines, qui constituent l'Alliance du Seigneur avec son peuple,
et cette Alliance repose sur le principe double de l'échange : la
promesse d'une part, et la loi d'autre part. Dieu assurera la prospérité
de son peuple si celui-ci observe les lois de son Seigneur2.
De là toutes ces lois formulées dans l'Exode, dans le Deutéronome3
bien sûr, et surtout dans le Lévitique. Certaines sont particulièrement
connues, notamment celles du décalogue4, et celle du talion5, qui
représente d'ailleurs, malgré sa farouche brutalité, un net progrès par
rapport au principe édicté en Gn 4, 23. Fort célèbres également, en
tout cas au XVIe siècle, les ordonnances concernant la magie et la
sorcellerie : « ne pratiquez ni magie ni incantation », Lv 19, 26,
confirmé en Ex 22, 17 : « une magicienne, tu ne la laisseras pas
vivre ».
De là aussi toutes ces formules reprenant les termes de la promesse
ancestrale qui assura Abraham d'une descendance innombrable6. Et le
Dieu Sabaot, le Dieu des armées, parla ainsi de cette terre promise :
« J'enverrai devant toi ma terreur, je bousculerai tout peuple chez qui
tu entreras, je te ferai voir tes ennemis de dos » ; « j'établirai ton terri
toire de la mer des joncs à la mer des Philistins et du désert au
fleuve. » (Ex 23, 27 et 31).
Mais vint la rupture de l'Alliance, l'âge du crime, et l'âge du péché.
Aggravant encore l'infamie du péché originel, cette rupture était en
outre une faute collective, celle de tout un peuple. Vint encore la
période des Juges, époque d'infidélité et d'anarchie. Alors, le peuple de
Dieu, qui n'avait point encore lu la fable de La Fontaine7, exigea de
Samuel qu'il leur donnât un roi, et malgré les mises en garde du
2. Cf. Dt 4,1.
3. Deutéronome, ce nom grec choisi par les traducteurs de la septante, signifie en
effet « la deuxième loi ».
4. Ex 20, 1-17.
5. « Tu paieras vie pour vie, œil pour œil, dent pour dent, main pour main, pied
pour pied, brûlure pour brûlure, blessure pour blessure, meurtrissure pour
meurtrissure » Ex 21, 23-25.
6. Cf. Gn 15, 5-6 ; Dt 1, 10.
7. La Fontaine, Fables, livre III, « Les Grenouilles qui demandent un roi ». L'UNIVERS TRAGIQUE DE JEAN DE LA TAILLE 27
prophète sur les inconvénients de toute institution monarchique, Saùl
fut entre tous choisi.
Des structures récurrentes des livres du Pentateuque, et du livre
des Juges qui précède l'histoire de Saûl, se dégage une logique
religieuse à quatre termes : le péché entraîne le châtiment, mais le
repentir du peuple amène l'envoi d'un sauveur. On se trouve ainsi en
présence d'une théologie de l'histoire dont le principe est téléologique,
puisque la perspective du salut est toujours à venir, au sein de cette
histoire finalisée qui ne s'accomplira véritablement que dans la cité de
Dieu, la Jérusalem céleste. Et c'est cette logique de la justice, entre
crime et châtiment, de la chute au salut, qui préside aux destinées
d'Israël, et oriente en tout cas le récit biblique des événements du
règne de Saiil et de David.
Si les deux tragédies de Jean de La Taille ont pour objet la faute de
Saiil, et ses funestes conséquences, il faut avouer que cette notion
même de faute est loin d'être claire8. Dans le texte, les termes les plus
fréquents sont « crime » et « péché », et l'on peut considérer que le
crime est une faute qui contrevient aux lois des hommes, et le péché,
la faute qui transgresse la loi de Dieu. Mais en ce peuple élu dont les
lois sont en principe celles de Dieu, crime et péché tendent à se
confondre, dans la mesure où la justice humaine entend, ou prétend,
converger vers la justice divine, dont elle tire sa source et son
inspiration.
Quoi qu'il en soit, la faute n'est pas un acte. Elle est plutôt l'interpré
tation de l'acte qu'un jugement axiologique soumet à la critique. De ce
fait, la qualification de l'acte comme faute, crime ou péché, requiert
une connaissance préalable des règles juridiques, et suppose une inter
prétation : il s'agit en effet d'examiner si l'acte transgresse ou non les
termes, ou du moins l'esprit de la loi. Mais en réalité, il n'y a que Dieu
qui soit capable de juger, et ceux à qui il a donné la grâce de remplir
cette lourde et difficile tâche.
8. Cf. Paul Ricœur, « Culpabilité tragique et culpabilité biblique » in Revue
d'histoire et de philosophie religieuse, Strasbourg, 1953, p. 285-307, repris dans Par
ta colère nous sommes consumés, Jean de La Taille, auteur tragique, textes réunis
par Marie-Madeleine Fragonard, éditions Paradigme, Orléans, 1998, « Références »
n°14 ; Suzanne Said, La Faute tragique, Maspéro, Paris, 1978 ; et Olivier Millet,
« De l'erreur au péché : la culpabilité dans la tragédie humaniste du XVIe siècle » in
La Culpabilité dans la littérature française, ADIREL, VIII, 1995, p. 57-73. 28 LOUIS-GEORGES TIN
Certains actes sont peccamineux, et le sont clairement. A commenc
er bien sûr par le péché originel, évoqué par le chœur des lévites et
par la pythonisse à travers ce « pernicieux fruict / De l'abominable
Pomme », et cette « fatale Pomme » (w. 519-520 et 638). Il n'y a pas là
d'équivoque. Si le contenu de l

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