La coopération au travail dans un aéroport - article ; n°85 ; vol.15, pg 129-162
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Description

Réseaux - Année 1997 - Volume 15 - Numéro 85 - Pages 129-162
Through an observation of the ways in which various categories of airport employees watch the aeroplanes, the authors analyse the processes in which ordinary and routine activities are inscribed. This forms the basis of their integrated research project on language, culture, social organization and an historically constituted material world. The situations, objects and working environment then acquire their definition in a dynamic of co-determination.
À travers l'observation des regards portés aux avions par diverses catégories de personnel d'un aéroport, les auteurs analysent les processus dans lesquels viennent s'inscrire des activités ordinaires et routinières. Ils en retirent un projet d'étude intégrée du langage, de la culture, de l'organisation sociale et d'un monde matériel historiquement constitué. Les situations, les objets et le cadre de travail acquièrent alors leur définition dans une dynamique de co-détermination.
34 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1997
Nombre de lectures 37
Langue Français
Poids de l'ouvrage 3 Mo

Extrait

Charles Goodwin
Marjorie Harness Goodwin
Cambridge University Press
Pascale Joseph
La coopération au travail dans un aéroport
In: Réseaux, 1997, volume 15 n°85. pp. 129-162.
Abstract
Through an observation of the ways in which various categories of airport employees watch the aeroplanes, the authors analyse
the processes in which ordinary and routine activities are inscribed. This forms the basis of their integrated research project on
language, culture, social organization and an historically constituted material world. The situations, objects and working
environment then acquire their definition in a dynamic of co-determination.
Résumé
À travers l'observation des regards portés aux avions par diverses catégories de personnel d'un aéroport, les auteurs analysent
les processus dans lesquels viennent s'inscrire des activités ordinaires et routinières. Ils en retirent un projet d'étude intégrée du
langage, de la culture, de l'organisation sociale et d'un monde matériel historiquement constitué. Les situations, les objets et le
cadre de travail acquièrent alors leur définition dans une dynamique de co-détermination.
Citer ce document / Cite this document :
Goodwin Charles, Harness Goodwin Marjorie, Cambridge University Press, Joseph Pascale. La coopération au travail dans un
aéroport. In: Réseaux, 1997, volume 15 n°85. pp. 129-162.
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/reso_0751-7971_1997_num_15_85_3138COOPÉRATION AU TRAVAIL LA
DANS UN AÉROPORT*
Marjorie Harness Charles GOODWIN
© Cambridge * Traduction University de : « Seeing Press as a situated activity : Formulating planes », in
Y. Engestrôm and D. Middleton (eds), Cognition and Communication at
Work, Cambridge, 1996, pp. 61-95.
©VF. : Réseaux n° 85 CNET- 1997
129 — sation (1). Pour voir l'avion de manière
pertinente pour leur tâche, les employés
utilisent différents outils. La théorie de
l'activité (2) ainsi que le travail sur la
cognition distribuée qui s'en inspire (3)
nous offrent une perspective de départ
pour analyser la manière dont les êtres
humains interagissent, non seulement avec
d'autres êtres humains, mais aussi avec un
monde matériel façonné par les activités
historiques des autres. L'analyse de ce
qu'est « voir » comme activité située,
médiatisée par une technologie, dans des
contextes professionnels complexes,
reprend des thèmes abordés par la socio
logie contemporaine des sciences sur les
pratiques de représentation (4). Un thème
apparaîtra rapidement dans cet article : la
manière dont la capacité de voir quelque
Pour nous concentrer le plus clair chose est toujours liée à une position par
ement possible sur quelques-unes des ticulière englobant un ensemble de phéno
questions qu'implique l'analyse de mènes, dont le placement à l'intérieur
la cognition en lieu de travail, nous ne tra d'une organisation plus grande, une tâche
iterons dans cet article que d'une activité - locale et un accès à des matériaux perti
très simple, mais très courante - que diffé nents et à des outils cognitifs. Cet accent
rents types d'employés exécutent dans un mis sur l'ancrage de la connaissance dans
aéroport de taille moyenne : regarder des une multiplicité de perspectives locales
avions. Malgré leur brièveté, ces coups fait référence à des questions soulevées
d'œil ne sont en aucun cas le fruit du récemment par la recherche féminine sur
hasard. Si les employés regardent les la science (5). En observant comment les
avions, c'est pour y voir quelque chose qui participants accomplissent effectivement
les aidera à accomplir le travail dans l'action de voir, à l'intérieur de tâches
lequel ils sont engagés. Pour comprendre spécifiques dans des environnements
ces regards, il faut donc analyser les activi locaux, nous proposerons une analyse
tés professionnelles dans lesquelles ils détaillée de ce que Star et Gerson (6)
viennent s'inscrire. appellent des « performances ». Enfin, ce
Nous avons puisé, pour analyser en travail propose une étude détaillée de l'o
détail les activités ordinaires, dans l'étude rganisation située de l'action en lieu de
des interactions humaines chez Goffman, travail (7).
Kendon et, de façon plus pertinente pour L'étude de la manière dont le personnel
notre travail ici, dans l'analyse de des aéroports regarde les avions nous
il) GOFFMAN, 1963, 1971, 1974 ; GARFINKEL, 1967 ; KENDON, 1990 ; ATKINSON & HERITAGE, 1984 ;
DREW & HERITAGE, 1992 ; С GOODWIN, 1981 ; M. H. GOODWIN, à paraître ; GOODWIN et HERITAGE,
1992 ; JEFFERSON, 1973 et 1984 ; SACKS, 1992 ; SACKS, SCHEGLOFF et JEFFERSON, 1974 ; SCHE-
GLOFF, 1968.
(2) COLE, 1985 et 1990 ; ENGESTRÔM, 1987 et 1990 ; LEONT'EV, 1981 ; VYGOTSKY, 1962 et 1978 ;
WERTSCH, 1985.
(3) HUTCHINS, 1990 et 1995 ; MIDDLETON & EDWARDS, 1990 ; SIEFERT & HUTCHINS, 1989.
(4) LATOUR, 1986 et 1987 ; LATOUR & WOOLGAR, 1979 ; LYNCH & WOOLGAR, 1988.
(5) HARAWAY, 1988 ; HARDING, 1986.
(6) STAR et GERSON, 1987. Voir également WOOLGAM, 1988.
(7) SUCHMAN, 1987, 1996.
131 — met de voir à quel point un comportement filmer l'interaction dans la pièce et des
aussi infime qu'un coup d'œil instantané gros plans pour filmer les écrans et les
est densément structuré par des pratiques documents de travail des participants. Un
organisationnelles plus générales [com site en particulier a fait l'objet de notre
ment le corps d'un employé devient un attention : le centre d'opérations utilisé par
chaque compagnie aérienne pour coordonpoint d'inscription pour ce que Foucault
(8) appelait une discipline], au même titre ner les opérations au sol (9).
que l'organisation, via des outils, de l'ac
cès des participants aux objets de leur Voir un avion comme entité
environnement de travail, et que la com organisationnelle pertinente
munauté qui entretient de telles pratiques.
Atlantic Hawk est une « compagnie Le travail dont nous rendons compte ici
aérienne de transit » qui utilise une flotte s'inscrit dans une étude ethnographique à
de petits avions à hélices pour relier les long terme des pratiques de travail dans un
cadre de multiactivités - un aéroport de aéroports voisins. Tous leurs avions sont
taille moyenne - lancée à Xerox PARC par identiques et garés au hasard (dans leur
ordre d'arrivée) sur une large portion de la Lucy Suchman. Le projet associait l'ethno
piste à quelque distance des portes d'accès graphie à des méthodes d'étude des inter
actions humaines inspirées de l'analyse de principales.
Considérez les tâches qui attendent une conversation. Pour nous concentrer sur ce
personne chargée d'embarquer les bagages que les gens faisaient réellement, plutôt
que sur ce qu'ils disaient de leur travail, sur un vol Atlantic Hawk vers une destina
tion particulière, disons Oakland. Devant nous avons abondamment utilisé la caméra
elle se trouvent dix avions Atlantic Hawk vidéo, allant parfois jusqu'à installer sept
caméras pour filmer des processus distr identiques (voir fig. 1). Comment s'y
prend-elle pour déterminer quel avion ibués en divers endroits. Lorsque cela était
charger, c'est-à-dire comment voit-elle possible, nous avons essayé de multiplier
les perspectives en un même endroit, en lequel des dix avions va à Oakland ? Voir
utilisant par exemple un grand angle pour l'avion lui-même ne suffit pas, puisque
Figure 1.
(8) FOUCAULT, 1979.
(9) SUCHMANN, 1996.
132 l'avion qu'elle cherche ressemble exacte perçoivent dans un réseau organisationnel
ment à tous les autres avions présents dans pertinent, c'est-à-dire l'attacher à un vol
son champ visuel. allant vers une destination précise. Placer
Pour le personnel de l'aéroport, les l'avion dans un réseau approprié n'est
avions ne se distinguent pas comme des cependant pas automatique, mais nécessite
objets isolés. Au contraire, ils sont définis à la fois des outils (fiche complexe, matri
par leur position dans des réseaux d'acti cule des appareils, etc.) et un travail situé
vité plus larges. Ainsi, pour la personne particulier avec ces outils, un voir actif qui
chargée d'embarquer les bagages, un avion juxtapose les informations de la fiche com
donné doit être lié à une autre entité orga-

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