La démocratisation des démocraties marxistes - article ; n°4 ; vol.6, pg 793-812
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Description

Revue française de science politique - Année 1956 - Volume 6 - Numéro 4 - Pages 793-812
20 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1956
Nombre de lectures 12
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Monsieur Jan Marczewski
La démocratisation des démocraties marxistes
In: Revue française de science politique, 6e année, n°4, 1956. pp. 793-812.
Citer ce document / Cite this document :
Marczewski Jan. La démocratisation des démocraties marxistes. In: Revue française de science politique, 6e année, n°4, 1956.
pp. 793-812.
doi : 10.3406/rfsp.1956.402721
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/rfsp_0035-2950_1956_num_6_4_402721La Démocratisation
des Démocraties Marxistes
JAN MARCZEWSKI
LA « lutte contre le culte de la personnalité », la « déstalini-
sation » et enfin la « démocratisation » constituent les trois
étapes d'un même processus qui, depuis 1953, domine l'évo
lution politique, économique et sociale des démocraties marxistes *.
Pour la commodité de l'exposé, nous utiliserons le terme le
plus récent de démocratisation pour désigner l'ensemble des phé
nomènes, d'ailleurs très hétérogènes, qui forment la matière com
plexe de ce processus. Nous risquons ainsi sciemment quelques
extensions abusives du sens habituel de ce terme, mais il importe
probablement davantage de préserver l'unité profonde des change
ments qui interviennent que d'en cataloguer exactement toutes les
manifestations externes. Or le terme de démocratisation nous
semble représenter la meilleure approximation d'une évolution qui
consiste à remplacer graduellement l'autorité absolue d'un dicta
teur et d'une doctrine unique par un fractionnement de plus en plus
grand du pouvoir de décision, dont les sources d'inspiration se
multiplient et se rapprochent de la base populaire. Et quoique cette
évolution soit encore loin d'avoir partout atteint un degré suffisant
d'intensité, pour qu'on puisse parler de la réalisation d'une démo-
1 . Nous employons le terme de « démocraties marxistes » au sens qui lui
a été donné par M. G. Vedel dans son Manuel élémentaire de droit constitu~
tionnél, Paris, Recueil Sirey, 1949. Il désigne ici les pays suivants : Union sovié
tique, Pologne, Tchécoslovaquie, Hongrie, Roumanie, Bulgarie. Nous laissons
de côté l'Allemagne orientale, qui n'est pas encore une démocratie marxiste
au sens plein du terme, la Yougoslavie et la Chine populaire, qui ont une
situation particulière, et l'Albanie sur laquelle nos renseignements sont insuf
fisants.
793 Jan Marczewski
cratie au sens du « gouvernement du peuple par le peuple et pour
le peuple », elle représente, par rapport à l'état de choses initial,
un progrès assez sensible vers une telle démocratie pour qu'on
puisse lui donner le nom de démocratisation.
Contrairement aux deux opinions extrêmes qui, assez curieu
sement, se rejoignent dans l'affirmation que la démocratisation des
démocraties marxistes n'apporte pas de changement fondamental à
la réalité de ces pays — puisque, pour les uns, elle n'est qu'un
retour aux enseignements originaux de Marx et de Lénine, et pour
les autres, elle n'est qu'un changement de façade, ou un tournant
stratégique, qui laisse intactes les caractéristiques profondes du
régime soviétique — nous croyons qu'il s'agit là d'une vague de
fond de toute première importance, susceptible non seulement de
donner un cours nouveau à l'évolution des pays de l'Est, mais
aussi d'exercer une influence non négligeable sur l'histoire générale
de l'humanité.
La démocratisation des démocraties marxistes n'est en effet
rien de moins que l'effritement graduel d'une superstructure idéo
logique qui, forgée à la mesure d'une certaine réalité étroitement
localisée dans le temps et dans l'espace, a cessé de représenter les
besoins de sa base et doit par conséquent se transformer ou dispar
aître.
Conçu comme un ensemble de vérités à la fois éternelles et
universelles, le marxisme soviétique - se trouve aujourd'hui aux
prises avec une réalité modifiée par le temps et par l'extension
géographique de son Empire. Indirectement, il est victime de la
force surhumaine de ses premiers apôtres, qui ont réussi à le maint
enir et à l'étendre, en dépit de la contradiction des choses que ses
prophètes n'avaient pu prévoir, et en dépit de l'hostilité des hommes
qui n'avaient plus, ou n'ont jamais eu, de raisons suffisantes pour
en faire une Foi absolue et immuable. Le sacrifice posthume de
Staline, le soi-disant retour à Lénine et à Marx, ne sont qu'une
opération de sauvetage qui, dans le meilleur des cas, réussira à
prolonger l'existence d'une étiquette partiellement vidée de son sens
original recouvrant une réalité nouvelle et différente.
2. Par le «marxisme soviétique» nous entendons l'ensemble des doctrines
officiellement reconnues en Union soviétique au moment de la mort de Staline
et qui n'ont subi jusqu'ici, dans ce pays, que des modifications mineures. Nous
laissons ouverte la question de savoir dans quelle mesure ces doctrines sont
vraiment « marxistes » ou « léninistes ».
794 La Démocratisation des Démocraties Marxistes
La spécificité du marxisme soviétique
Le marxisme soviétique a trouvé son premier champ d'applica
tion dans un pays généralement très arriéré, gouverné depuis des
siècles par des méthodes d'un absolutisme plus ou moins éclairé,
habité par une population en majorité ignorante et passive. La
classe ouvrière, quoique peu nombreuse au total, était fortement
concentrée dans des établissements relativement importants et mo
dernes, dépendant directement ou indirectement de l'Etat. Les
classes moyennes des villes faisaient presque entièrement défaut.
Le pays était extrêmement étendu, dépourvu de moyens de commun
ication, la densité de la population très faible. L'ordre public était
assuré par une police puissamment centralisée, dévouée aux ordres
du gouvernement et ayant peu d'attaches avec les populations
locales.
Importée de l'étranger et répandue à la faveur de l'oppression
tsariste, la doctrine de Marx, génialement adaptée aux circonstances
spécifiques du pays par Lénine, n'a pu s'imposer finalement que
dans les conditions chaotiques d'une guerre perdue. Une fois au
pouvoir, ses adeptes ne pouvaient s'y maintenir qu'en reprenant à
leur compte les méthodes de gouvernement traditionnelles prati
quées depuis des siècles par les tsars de toutes les Russies. La
dictature du prolétariat prévue par Marx devait donc nécessaire
ment prendre la forme d'une dictature administrative et policière.
La grande industrie, soumise au principe marxiste de l'appro
priation collective des moyens de production et dépourvue d'élite
ouvrière capable d'en assurer immédiatement la gestion autonome,
ne pouvait que rester fidèle au capitalisme d'Etat pratiqué par
l'ancien régime. La possibilité d'un véritable choix n'existait que
pour l'agriculture et l'artisanat. On aurait pu laisser subsister la
petite exploitation paysanne et artisanale. Mais la coexistence de
la grande industrie en expansion rapide avec la masse de petites
exploitations paysannes aurait eu deux conséquences difficilement
conciliables avec les exigences d'une édification rapide du socia
lisme marxiste :
— l'accroissement de la demande de produits agricoles de la part
de la population urbaine aurait amené une concentration capital
iste des exploitations agricoles ;
— l'enrichissement des campagnes aurait créé une demande accrue
de biens industriels de consommation de la part des paysans, ce
795 Jan Marczewski
qui aurait obligé le régime, soit à orienter les investissements vers
la production de biens de consommation au détriment du déve
loppement de l'industrie lourde, soit à accepter un affaiblissement
de l'offre de produits agricoles rendant impossible le ravitaillement
des villes.
Dans les deux cas la condition essentielle de l'édification d'un
socialisme marxiste dans un pays arriéré — la construction rapide
d'une industrie lourde, pour former le plus vite possible une classe
ouvrière nombreuse et pour l'armer contre l'encerclement capital
ist

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