La langue comme fait social : fonction d une évidence - article ; n°49 ; vol.12, pg 46-65
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Description

Langages - Année 1978 - Volume 12 - Numéro 49 - Pages 46-65
20 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1978
Nombre de lectures 105
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Christian Puech
Annie Radzynski
La langue comme fait social : fonction d'une évidence
In: Langages, 12e année, n°49, 1978. pp. 46-65.
Citer ce document / Cite this document :
Puech Christian, Radzynski Annie. La langue comme fait social : fonction d'une évidence. In: Langages, 12e année, n°49, 1978.
pp. 46-65.
doi : 10.3406/lgge.1978.1921
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/lgge_0458-726X_1978_num_12_49_1921С. Puech
A. Radzynski
LA LANGUE COMME FAIT SOCIAL
FONCTION D'UNE ÉVIDENCE
« La langue est un fait social. » Cette affirmation apparaît dès le début
du CL G. On en trouve trace dès la seconde rédaction du Cours. Elle est réi
térée et retravaillée sans cesse par F. de Saussure. Est-elle la reprise d'un
truisme massivement partagé les linguistes de ce début du xxe siècle,
par delà leurs controverses théoriques ? Rien de neuf, partant rien de dérou
tant, pourront donc penser ses contemporains comme A. Meillet, lors de la
parution de l'œuvre de Saussure. D'ailleurs, avant comme après cette date
de 1915, Meillet, tant dans ses articles que dans ses ouvrages, fait une place
de choix à cette idée que toute langue a un caractère social.
Pourtant cette similitude n'est soutenable qu'à la condition d'extraire
cette thèse de la perspective dans laquelle Saussure la reprend à son compte
et la réinterprète. Tant la lecture des notes que celle du CL G semblent attes
ter que l'enjeu en était la reconnaissance de l'autonomie spécifique d'un
nouveau domaine scientifique : la linguistique générale.
Il est important de souligner que l'élaboration des concepts de la li
nguistique a d'emblée le caractère d'une lutte, non du fait d'une volonté
délibérée de Saussure qui découlerait d'un « trait » de son caractère, mais
dans la mesure où l'élaboration théorique à laquelle il se consacre s'effectue
au sein d'une configuration délimitée par des idéologies théoriques et la
« philosophie spontanée » qui les accompagne. Les solutions dont elles sont
porteuses pourront s'avérer, mais toujours après coup, n'être que des solu
tions imaginaires, inopérantes quant à la connaissance et l'explication du
réel.
Les concepts clés du Cours de linguistique générale, même les plus novat
eurs, résulteront de ce travail de transformation de cette matière préala
blement élaborée. Ce processus de théorique agit de manière
discriminante par rapport à la matière première. Autrement dit, il ne peut
s'inaugurer qu en une manière de « coup de force » qui peut être très discret,
énonçant sous forme de thèse la nécessité d'une rupture avec l'horizon de
pensée traditionnel. Car ce n'est, paradoxalement, qu'après avoir formulé
ces thèses minimales qui permettent la rupture avec les problématiques
antérieures que l'on peut déterminer ce qui, des éléments de ces problé
matiques (notions, représentation, méthodes...), peut acquérir le carac
tère de matière première ou d'instruments et ce qui ne peut avoir qu'un rôle
d'obstacle épistémologique.
A partir de l'analyse de l'œuvre de F. de Saussure et d'un certain
nombre d'interventions de A. Meillet et de Whitney, nous tenterons de
montrer comment se déroule, autour de la réappropriation par Saussure
de ce « lieu commun de son époque » — le caractère social de la langue —
une lutte sans compromis possible entre des positions divergentes, dont
l'enjeu est la reconnaissance de l'instauration d'un nouvel objet et d'un
nouveau champ scientifique : celui de la linguistique générale. Il semble
d'ailleurs que cette thèse (plus que de désigner un domaine de réalité propre),
peut avant tout se caractériser par sa fonction dans l'ensemble du dispositif
théorique que Saussure constitue. L'affirmation du caractère social de la
langue apparaît dans le CL G chaque fois qu'il s'agit de mettre en avant de
46 la scène théorique cette exigence d'autonomie. On peut donc penser que
cette thèse a pour fonction, sinon de réaliser l'autonomie du domaine lin
guistique, du moins de rappeler qu'il s'agit d'une exigence impérieuse ;
dans cette mesure elle permettra à Saussure, dans le temps même où il
l'énonce, de « lire » à l'intérieur du dispositif idéologique dominant de simples
affirmations comme des thèses théoriques opérantes, et aussi de désigner
comme de simples solutions imaginaires taisant obstacle ce qui jus
qu'alors passait pour des solutions théoriques effectives. Mais ce partage
obligé parmi les thèses conceptions dominantes dans un processus concret
d'élaboration de connaissances ne s'établit pas une fois pour toutes. Il nous
semble qu'en ce qui concerne Saussure la « nuance » qui s'établit entre la
fonction attribuée à la société par rapport aux « faits historiques » et celle
qui lui était communément attribuée à l'époque, et dont l'œuvre de Meillet,
du fait même de son rayonnement, peut porter témoignage, est bien décisive
quant à l'aboutissement ou non de son projet d'autonomie. C'est parce
qu'elle est décisive que cette thèse, considérée hors de ces implications,
peut être le lieu d'un enjeu, mais aussi d'une équivoque, qui a des répercus
sions jusque dans les controverses actuelles qui parcourent le domaine de la
linguistique.
On peut assimiler, par exemple, la position de thèses antagonistes à une
simple discussion sur des nuances, des termes. Or on peut toujours s'accom
moder d'une distinction de la digérer, jusqu'à s'en féliciter au pas
sage.
Il s'agit donc de voir quelle fonction différente a, dans la conception
théorique de A. Meillet et dans celle de F. de Saussure, cette affirmation
commune, et massivement présente dans les deux cas, du caractère social
de la langue.
Nous travaillerons à partir du CL G et des sources manuscrites pour ce
qui est de F. de Saussure. Pour ce qui est des implications de cette même
affirmation chez A. Meillet, nous travaillerons à partir de trois de ses inter
ventions : un article paru dans la revue L'Année sociologique en 1906,
l'Introduction à l'étude comparative des langues indo-européennes (1903),
Linguistique générale et linguistique historique (1906). Notre but, rappelons-le,
n'est pas de faire une étude exhaustive des thèses de Meillet mais de mettre
l'accent sur le fait qu'en affirmant le caractère social de la langue, non seul
ement il ne développe pas des idées que F. de Saussure reprendra ensuite,
mais encore il met en place un modèle d'explication des faits linguistiques
que Saussure, pratiquement, par la construction de sa propre problémat
ique, récusera.
Les causes externes des variations de la langue : le « social »
La détermination du caractère social de la langue dans l'œuvre de
A. Meillet est toujours corrélative de la détermination des causes des chan
gements linguistiques. L'imbrication de ces deux questions en une même
problématique n'est pas sans conséquence. En effet, A. Meillet (1906 a)
déclare que la première caractéristique de la langue est la « caractéristique
sociale ». Il ajoute qu'en l'état actuel des études de linguistique générale
le but est de « rechercher les causes sociales des faits linguistiques ». On
pourrait penser, à rapprocher ces deux citations, que la «
sociale » primordiale est donc l'indice de la spécificité des faits linguistiques
par rapport à tout autre ordre de faits.
Mais il ne s'agit pas de cela. « Social » se dit de la langue dans la mesure
où, comme l'indiquent les développements de l'ouvrage cité, ce sont les
structures de la société qui provoquent de perpétuelles variations dans
les langues, mais aussi de langue (apparition d'une langue nouvelle). Pourt
ant, d'autres déclarations du même ouvrage sont autant d'indices que la
reconnaissance de la spécificité du fait linguistique et, par-delà, l'assignation
d'un objet spécifique de la linguistique générale, sont des exigences
théoriques prégnantes. Par exemple :
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