La rebuffade - article ; n°1 ; vol.20, pg 225-245
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Description

Communications - Année 1973 - Volume 20 - Numéro 1 - Pages 225-245
21 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1973
Nombre de lectures 12
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Alan F. Blum
Daniel Foss
Peter McHugh
Stanley Raffel
La rebuffade
In: Communications, 20, 1973. pp. 225-245.
Citer ce document / Cite this document :
Blum Alan F., Foss Daniel, McHugh Peter, Raffel Stanley. La rebuffade. In: Communications, 20, 1973. pp. 225-245.
doi : 10.3406/comm.1973.1304
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/comm_0588-8018_1973_num_20_1_1304Alan F. Blum, Daniel Foss,
Peter McHugh et Stanley Raffel
La rebuffade1
C'est Socrate qui le premier a adopté cette tactique analytique qui consiste
à examiner des exemples pris dans le inonde quotidien afin d'assujettir l'esprit
aux traits essentiels d'un problème que l'exemple recouvre. Or, invariablement,
ses interlocuteurs résistaient à cette stratégie, alléguant qu'ils ne voyaient pas
le lien entre le caractère quotidien des exemples choisis, et l'idée vers laquelle
Socrate cherchait à les mener. Ils ne comprenaient pas que l'exemple ne décrit
ni ne définit l'idée, mais qu'il doit réorienter l'esprit de façon à cerner une idée,
en se dégageant de la conventionalité des formulations usuelles.
Nous utiliserons ici comme typique ce que Freud a appelé « le refus du monde
phénoménal ». Pour nous aider à cerner des sujets très importants. (« N'est-il
pas possible que des choses très importantes se trahissent par certains indices,
si menus soient-ils 2? »)
Le sujet très important que nous voulons traiter est celui de la dialectique entre
le Soi et l'Autre, et le complexe des problèmes liés à l'Unité et à la diversité,
à la collectivité et à l'individualité. Les menus indices que nous utiliserons comme
exemples sont les occasions de salutation, de rebuffade et d'affront. En substance,
nous nous proposons d'employer une méthode pour passer des exemples tirés
du quotidien aux problèmes fondamentaux; nous voulons montrer en même
temps qu'il s'agit d'une méthode d'analyse indépendante des conceptions en
usage, telle que l'ethnométhodologie, mais, contrairement à la psychologie
sociale phénoménologique, non dénuée de portée reflexive.
Le présent article a donc pour but d'illustrer une certaine conception de
l'analyse. Nous nous appliquerons tout d'abord à la critique d'une autre forme
d'analyse, mais notre travail ne serait pas réussi si nous nous bornions à la cri
tique, du moins au sens généralement admis de ce terme 3. Nous tenons à faire
plus qu'indiquer ce en quoi notre modèle diffère des méthodes existantes, l'afïir-
1. Cet article est extrait de notre livre, Sociological Analysis and Forms of life (à
paraître), où nous tentons de démontrer ce qui rend plausible l'existence de la sociologie,
étant donné la nature du langage (son imperfection). Notre analyse s'interroge sur la
façon dont l'analyse peut faire référence au non-dit.
2. Sigmund Freud, A general Introduction to Psychoanalysis, New York, Permabooks,
1963, p. 31.
3. Pour une autre perspective sur la critique, selon nous plus intéressante, voir Martin
Heidegger, What a thing, Henry Regnery Company, New York, p. 119-121. (Die
Frage nach dem Ding n'existe pas en français.)
225 Alan F. Blum, Daniel Foss, Peter McHugh et Stanley Raffel
mation d'une différence, et même d'une supériorité, ne nous permettant pas
d'accéder à un niveau d'analyse satisfaisant.
I
C'est après avoir lu l'article de Turner « Words, Utterances and Activities 2 »
que nous nous sommes penchés sur le problème de la rebuffade. Il nous semble
nécessaire de présenter en détail la conception de Turner.
D'un fragment de discours qu'il reproduit, Turner tire cette assertion que le
caractère propre de ce est d'être une « plainte ». C'est-à-dire que ce qui
est fait dans ce discours est vraiment une plainte et que l'analyste doit décrire
quelles sont les conditions qui rendent une telle lecture possible. Voici le texte
analysé par Turner :
Bert: Oui, oui, c'est tout à fait comme ça. Je, eh eh, le connaissais vraiment, et
eh, il était avec moi à l'institut psychiatrique Alexander à Alexander, province de
l'Ouest. Je, je ne me souviens pas de son nom mais nous, eh, nous étions assez
copain à, eh, l'hôpital et nous toujours ( ) français. Et puis eh je l'ai vu, il y a à peu
près trois semaines à Western City et je lui ai dit, « Salut, ça va? »,... « Je ne vous
connais pas... qui êtes vous? », qu'il me dit. « Mais voyons, je lui dis, tu me con
nais. » « Non, je ne vous connais pas », qu'il me dit. Il y avait un autre type
avec lui — alors, il n'a pas voulu avouer qu'il avait été dans un hôpital psychiatrique,
eh, dans un hôpital — il n'a pas voulu l'avouer devant l'autre type qui était
avec lui. Alors il est parti, tout simplement. Il n'a pas voulu me saluer. Il n'a
voulu rien dire.
Rob: Qu'est-ce que vous en pensez? Vous avez votre idée là-dessus? C'est assez
• délicat comme situation.
Bert : Eh.
?:( ).
Jake : C'est peut-être qu'il aimait pas être là. Peut-être qu'il ne voulait pas.
Bert: Mais... non... il fallait qu'il le dise — il y avait un autre type avec lui,
voyez-vous.
Jake : Alors il n'a pas voulu avouer.
Bert: Un autre type qui n'était probablement jamais allé dans un hôpital psy
chiatrique et lui il était allé. Il ne voulait pas que ce type le sache.
Art : Vous voulez dire que lui )
? : Cet autre type )
Couns : Mais il )
Bert : Oh, n'était jamais allé dans un hôpital) : II ne voulait rien savoir de ses amis.
Il est possible, diront certains, de voir dans ce texte un acte d' « enseigner »,
d' « informer » ou quelque chose dans ce genre. D'autres préde « convaincre »,
tendront que toute lecture est en principe possible. Nous admettrons avec eux
que rien n'oblige qui que ce soit à prendre une décision quant à la lecture correcte
du texte (comme s'il y en avait une). Si Turner veut démontrer que ce discours
peut être formulé comme une plainte, il doit déterminer : 1) les règles qui permet
tent de percevoir une « plainte », 2) la grammaire qui rend la notion de plainte
utilisable, applicable, visible, 3) une communauté ou un jeu à l'intérieur duquel
2. Roy Turner, « Words, Utterances and Activities », in Douglas, éd., Understanding
Everyday Life, Chicago, Aldine, 1970, p. 168-187.
226 La rebuffade
une « plainte » soit un mouvement concevable. Il va sans dire que ces conditions
doivent être remplies pour tout autre formulation de ce discours, qu'elle soit
didactique, persuasive, ou autre.
En fait, dans ce texte, Turner n'analyse pas un processus de plainte, mais
de rebuffade. Voici pourquoi son analyse en termes de plainte est spécieuse : il
voit dans la production de rebuffade un indice suffisant pour affirmer la présence
d'une plainte, tandis qu'il n'analyse pas les conditions nécessaires pour que la
description d'une rebuffade puisse être interprétée comme une plainte. L'analyse
de Turner peut être lue de façon à nous permettre de décrire 1. ce qu'est une
rebuffade, 2. pourquoi une telle rebuffade particulière a eu lieu (quoi que ces
deux points soient indépendants concrètement, analytiquement, ils ne sont pas
distincts dans notre perspective, comme nous le verrons par la suite). Nous pour
rions donc, dans cette critiquer chez Turner la prétention d'étudier
une plainte là où il étudie en fait la rebuffade. Nous ne le ferons pas. Il nous semble
plus important de cerner son analyse de la rebuffade.
Presque en passant, Turner remarque qu'une rebuffade, un manque de considé
ration prend la forme d'un refus de reconnaissance. Cette notion de « refus de
reconnaissance » est ambiguë à plus d'un titre. On remarquera, dans l'extrai
qui suit la façon dont Turner pose l'équation : rebuffade = refus de reconnais
sance.
Bert prétend avoir reconnu l'autre partie par un « Salut, ça va? ». Comme il
a déjà indiqué que (et comment) ils se sont rencontrés, une salutation semble dans
l'ordre des choses, et impliquer un retour, l'échange de salutations étant une procé
dure admise entre personnes qui se connaissent déjà et, à la salutation d'une
partie, l'autre partie est tenue de répondre. Br

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