La Révolution contraire. Chateaubriand et Le génie du christianisme, 1802. Genèse d une pensée réactionnaire - article ; n°1 ; vol.309, pg 492-501
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La Révolution contraire. Chateaubriand et Le génie du christianisme, 1802. Genèse d'une pensée réactionnaire - article ; n°1 ; vol.309, pg 492-501

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Description

Annales historiques de la Révolution française - Année 1997 - Volume 309 - Numéro 1 - Pages 492-501
10 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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Publié par
Publié le 01 janvier 1997
Nombre de lectures 37
Langue Français

Extrait

Emmanuelle Rebardy
La Révolution contraire. Chateaubriand et Le génie du
christianisme, 1802. Genèse d'une pensée réactionnaire
In: Annales historiques de la Révolution française. N°309, 1997. pp. 492-501.
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Rebardy Emmanuelle. La Révolution contraire. Chateaubriand et Le génie du christianisme, 1802. Genèse d'une pensée
réactionnaire. In: Annales historiques de la Révolution française. N°309, 1997. pp. 492-501.
doi : 10.3406/ahrf.1997.2147
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/ahrf_0003-4436_1997_num_309_1_2147LA RÉVOLUTION CONTRAIRE
CHATEAUBRIAND ET LE GÉNIE DU CHRISTIANISME, 1802
GENÈSE D'UNE PENSÉE RÉACTIONNAIRE
Plus qu'un livre, le Génie du christianisme fut une bataille intellectuelle.
L'ouvrage de Chateaubriand consacre en 1802, dans le mouvement intellec
tuel, une réaction vers les idées religieuses, la morale, l'autorité, l'irrationnel,
après la victoire matérielle des Lumières et du rationalisme. On entre ainsi,
dans un projet littéraire hors norme, qui embrasse tous les domaines de la
pensée et propose une « révolution de sens contraire de la précédente » (1).
ni
Méthodes d'analyse du discours
J'ai d'abord voulu souligner l'extrême banalité des arguments religieux de
Chateaubriand, en les confrontant aux apologies du christianisme du xvme siècle.
Chateaubriand s'inspire de ces apologies, dans la forme qu'elles adopt
ent à partir de 1770, face aux attaques des philosophes (2). Le débat, à cette
date, n'est plus un point particulier du dogme, mais l'existence même de la
religion. Les preuves par les faits et les bienfaits se multiplient et le combat
s'organise dans l'église dans des ouvrages qui ne sont pas l'acte de foi d'isol
és, mais des œuvres conscientes, dans l'élaboration et surtout la diffusion du
clergé de France en corps, comme en témoigne «l'avertissement du clergé
de France aux fidèles du royaume sur les dangers de l'incrédulité » (3). Un
(1) Dictionnaire de l'Académie française, édition Smitt-Montardier, 2 volumes, Paris, an VII de la
République. Définition de la Contre- révolution.
(2) A. Monod, De Pascal à Chateaubriand, les défenseurs français du christianisme, Thèse,
Alcan, 1916.
(3) Collection des procès-verbaux des assemblées du clergé, t. VIII, 1778, pp. 574-607.
«Avertissement du clergé de France aux fidèles du royaume sur les dangers de l'incrédulité», 1770,
pp. 715-748. «Avertissement aux fidèles sur les avantages de la religion chrétienne et les effets perni
cieux de l'incrédulité», 1775.- M. Peronnet, «Les avertissements du clergé de France aux fidèles du
royaume», Robespierre and Co, Actes du colloque de Banni di Lucqua, 1988, Université de Bologne,
Bologne, 1989. THÈSES 493
ensemble d'arguments se retrouve à l'identique après la Révolution dans le
Génie du christianisme et chez les théoriciens de la Contre-Révolution, avec
une transmission remarquable des citations, des sources, des démonstrations.
Les défenseurs du christianisme avaient ainsi, avant la Révolution, élaboré
un système global d'interprétation des événements, un vocabulaire pour
argumenter, la désignation de l'ennemi, le Philosophe et les moyens théo
riques pour entreprendre la reconquête religieuse de la France. ,
En 1807, la Révolution apparaît désormais, comme une preuve manif
este des prédictions de la pensée religieuse. Les ordres touchés par les
bouleversements sociaux, noblesse et clergé, transforment cependant l'an
cien discours et ceci essentiellement de manière inconsciente. Ces résur
gences inconscientes vont donner forme au discours réactionnaire.
Chateaubriand adapte donc un fond théorique connu à un public mondain et
cultivé, en partant par postulat de l'identification d'un «Système destruc
teur» (4), caractérisé par les attaques systématiques d'une secte philoso
phique, liée à l'Encyclopédie et soutenue par le talent de Voltaire. A la
différence des apologies précédentes, il adopte la méthode rationaliste d'in
vestigation, qui part de l'expérience humaine, pour arriver à Dieu, transfo
rmant ainsi la démonstration apologétique en discours idéologique sans
implication métaphysique. Le propos de Chateaubriand se différencie encore
des anciennes apologies du christianisme, par le renouvellement du fond
culturel. La mise en avant des religions orientales, des mythes des origines,
des littératures comparées, fait du christianisme, le réceptacle des religions
traditionnelles et des symboles universels. Il construit ainsi un discours sur la
religion qui n'est en rien un discours théologique.
Une approche quantitative permet, par le repérage des fréquences de
discours, la constitution d'une grille de lecture discursive. Elle contredit le
projet affirmé de Chateaubriand, puisque les thèmes clés, comptés et classés,
orientent trois tendances où il est finalement peu question de religion. Ces
tendances sont : la vision négative et le rejet du xviiie siècle, 38,3 %; un
projet littéraire et idéologique résultant de ce rejet du xviiie siècle qui renou
velle les sources de l'art et de la pensée esthétique, 25,7 % ; enfin, l'idée de
« civilisation chrétienne » qui est de plus en plus assimilée, à une civilisation
française, chevaleresque, médiévale, gothique, fondée sur la tripartition fonc
tionnelle, 36 % Deux notions parcourent l'ensemble de l'œuvre, le péché
originel et le sens même de la Civilisation. Ces garde-fous quantitatifs, déter
minent l'écoute psychologique et l'application d'une anthropologie symbol
iste (5) sur les images dominantes de l'œuvre. En effet, il ne suffit pas de
décrire les idées exprimées, il faut encore comprendre leur origine. Le Génie
du christianisme devait être, pour cela, saisi sur son propre plan de référence,
(4) Chateaubriand, Essai sur les révolutions. Ile partie, Chap, xxxdc, xl, xli, xui, xlhi et Génie
du christianisme, I.I.l.
(5) G. Durand, Les structures anthropologiques de l'imaginaire, Bordas, 1969. , 494 THÈSES
l'imaginaire. Les travaux de M. Eliade, de G. Durand, de G. Dumézil, sur la
fonction des symboles permettent de mieux comprendre la manière dont
Chateaubriand traite l'information et comment se construit sa pensée. Le
raisonnement ne se fait pas selon une forme logique mais par la multiplica
tion des analogies. Ces analogies surgissent par introspection dans une expé
rience de souffrance et de peur.
La passion de l'Émigré
Pour trouver un sens à sa souffiance, quelle que soit cette souffrance,
l'être doit en faire un destin. La désocialisation du groupe nobiliaire en
émigration explique les nouvelles créations idéologiques. Exclus d'une
société qui avait promis le bonheur à tous et ne leur apportait que le malheur,
ils lient leur destin à ce qui, étant mort, constitue cependant encore, la seule
sécurité face à une dissolution totale de la personnalité.
De cette manière, le Génie du christianisme est construit sur une
quadruple analogie, entre l'histoire sacrée, l'histoire personnelle de
Chateaubriand, l'histoire universelle et l'histoire de l'art, dans une articula
tion mystique, Orgueil-Chute-Rédemption. Ces articulations qui sont pour la
Bible, l'Éden, la chute par le péché originel, la Rédemption dans le Christ,
deviennent pour l'histoire, le Moyen Age occidental et chrétien, paradis
perdu, détruit par la genèse de la monarchie de type absolue, qui a écarté sa
noblesse et par l'éclatement de la société d'ordre, consacré la nuit du 4 août.
La Rédemption est appelée, dans un retour aux origines nationales, qui sont
celles d'un monde, où le guerrier avait encore sa place. Dans l'esthétique,
l'Éden reste paradoxalement le xvne siècle classique, parce qu'il a réuni dans
un même mouvement artistique et national, un apogée de civilisation, dans
l'équilibre des passions et de la raison. Cet Éden s'est desséché dans le rati
onalisme du xvme siècle et dans sa contrepartie sentimentale, le mal du siècle.
La Rédemption se fera par un retour au symbolisme, qui lie l'univers vis

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