La terminologie du lexique construit (dérivation suffixale et préfixation) - article ; n°1 ; vol.47, pg 33-47
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Description

Langue française - Année 1980 - Volume 47 - Numéro 1 - Pages 33-47
15 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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Publié par
Publié le 01 janvier 1980
Nombre de lectures 29
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Jacques Bourquin
La terminologie du lexique construit (dérivation suffixale et
préfixation)
In: Langue française. N°47, 1980. pp. 33-47.
Citer ce document / Cite this document :
Bourquin Jacques. La terminologie du lexique construit (dérivation suffixale et préfixation). In: Langue française. N°47, 1980. pp.
33-47.
doi : 10.3406/lfr.1980.5060
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/lfr_0023-8368_1980_num_47_1_5060J. BouRQUiN, Université de Franche Comté.
LA TERMINOLOGIE
DU LEXIQUE CONSTRUIT
(DÉRIVATION SUFFIXALE ET PRÉFIXATION.)
ou « terminologie, Quelles difficultés presque ne se aussi sont variée pas élevées qu'il sur existe la nomenclature de grammair
iens qui aient quelque nom! »
G. Henhy, Histoire de la langue française,
1812, I, p. 162.
« On ne sauroit mettre dans ces termes techniques trop de
vérité, trop de clarté, ni trop de justice »
Beauzée. Grande Encyclopédie,
XII, 1765, « Particule. »
0. Introduction.
Les termes les plus fréquents de la terminologie du lexique construit :
dérivé, dérivation, composé, composition, affixe, suffixe, préfixe, sont actuel
lement fixés dans des présentations théoriques donnant l'impression qu'ils
ont été conçus ensemble, et en même temps que l'édifice harmonieux dont
ils indexent des parties ou des opérations constitutives. Une étude historique
révèle qu'il n'en est rien.
Une partie de ces termes trouve son origine dans la grammaire latine
antique, l'autre provient de la grammaire hébraïque. Les premiers ont un
« degré de spécificité1 » très faible et existent par ailleurs dans la langue,
soit dans le vocabulaire général, soit dans d'autres vocabulaires de spécialité;
les seconds sont des termes spécifiques dont l'emploi est réservé au seul
domaine grammatical.
Dans la mesure où la terminologie linguistique appartient à une « langue
de spécialité » au même titre que n importe quel vocabulaire technique, ses
termes devraient tendre à être monoréférentiels 2. Mais le réemploi perma
nent des mêmes termes durant une longue période a pour conséquence que
l'ensemble de configurations théoriques d'où ils tirent leur référence se
modifie, plus ou moins rapidement, de telle sorte que les concepts ou les
notions qu'ils désignent varient sensiblement au cours de l'histoire.
1. M. Phal in Les théories linguistiques et leurs applications, Aidela, 1967, p. 183.
2. Cf. L. Giulbeht, Langue française n° 17, 1973, p. 5.
33 1. Dérivé, dérivation; composé, composition
1.1. Datations et origine
1.1.1. Les dictionnaires donnent les datations suivantes : au sens grammat
ical dériver, comme verbe actif (« faire dériver ») et comme intransitif, est
attesté en français au xne siècle. Le participe passé n'est substantive qu'à la
fin du xviiie; l'adjectif dérivatif est usité dès le xve siècle avec la même valeur.
Le nom dérivation apparaît vers le milieu du xvie siècle : il est attesté chez
Amyot et Montaigne, dans des ouvrages qui ne sont pas ceux de spécialistes,
ce qui prouve que le mot était passé dans le lexique de la culture de l'époque.
Composé, adjectif, est daté de la fin du xvie siècle (H. Estienne, La Précel-
lence du Langage françois, 1579, p. 152). Ronsard se vante, dans un poème
cité par F. Brunot (H.L.F., t. II, p. 171), d'avoir créé des « vocables compos
ez ». Le terme est pris comme nom dans le Dictionnaire franco-allemand de
Hulsius (1596). Composition apparaît dans Furetière (1690).
1.1.2. En dehors du fait que la théorisation du processus, ou simplement
sa dénomination, est chaque fois postérieure à l'identification du produit,
ces datations ne doivent pas faire illusion. Les termes de dérivé, dérivatif, et
de composé sont les calques des mots latins correspondants couramment uti
lisés par les grammairiens : derivativa, composita, auxquels ils se sont subs
titués tout naturellement. Jusqu'au xvie siècle, les utilisateurs de ces termes
sont habitués à les employer dans des discours, oraux ou écrits, réalisés
en latin. Ils sont véritablement bilingues. En tenant compte du fait que les
lexiques se précisément interpénétrés à ce niveau d'utilisation, le
latin scolastique et le français « vulgaire » ne sont sans doute guère plus dif
férents l'un de l'autre pour l'utilisateur cultivé que ne le sont aujourd'hui la
langue écrite scientifique et le français oral de la conversation familière des
classes populaires.
1.1.3. D'autre part, les catégories linguistiques désignées par cette termi
nologie appartiennent indifféremment aux deux langues de sorte que l'on est
passé de la description du latin à celle du français, ou encore de la descrip
tion en latin de l'une des deux langues à sa description en français, sans
solution de continuité de ce point de vue et sans problème terminologique.
Derivativa, composita sont utilisés par les grammairiens latins, en parti
culier par Donat et par Priscien dont les ouvrages grammaticaux sont
constamment étudiés et commentés pendant tout le Moyen Age, le premier
comme initiation élémentaire, le second comme objet d'études plus approfond
ies. On les trouve également chez les autres grammairiens latins, Varron,
Diomède, etc., qui, moins pratiqués que les précédents, sont aussi en usage3.
Lorsqu'on commence d'écrire des traités en français sur la langue française
au xvie siècle, cette terminologie, « desrivez » (H. Estienne), dérivatif
(R. Estienne, Pelletier) appartient au lexique technique de la spécialité.
1.2. La théorie antique
Mais l'emprunt de la terminologie manifeste un autre emprunt plus fon
damental, qui est celui de la théorie du nom, centrale dans la grammaire et
dans la philosophie antiques et médiévales.
3. La terminologie latine est elle-même forgée d'après la terminologie grecque transmise par Uenys le
Thrace.
34 1.2.1. Préalablement, il convient de rappeler de quelle manière les gram
mairiens latins ont été à la base de la culture médiévale depuis la renaissance
carolingienne jusqu'à la Renaissance humaniste du xvie siècle. Dans cette
culture élaborée autour de la théologie et du commentaire des livres saints,
la grammaire ou science des mots apparaît comme « le premier et le plus
adapté des instruments4 », et des sept arts libéraux qui constituent le tr
ivium (grammaire, rhétorique, dialectique) et le quadrivium, programme de
la théologie du temps. Base de l'étude de la langue (latine) savante, la gram
maire sert à maintenir l'intelligence des textes transmis par l'antiquité et de
leurs commentaires ou de leur réinterprétation symbolique. Elle est aussi, en
dépit des controverses à ce sujet5, la clé des textes sacrés, l'instrument
qui en détermine le sens. D'autre part, comme ars, premier art du trivium,
elle fournit les modèles de la langue, non commune, de la dialectique et de la
théologie, lorsque les textes sacrés ne sont plus seulement lus et interprétés
à la lettre ou symboliquement, mais deviennent le prétexte des débats et des
développements les plus variés. Nous n'entendons pas ici, même esquisser
l'histoire de cette évolution et de la fonction que la grammaire y joue, nous
voulons simplement rappeler que cette fonction reste primordiale dans la
culture pendant la totalité du Moyen Age, à travers les querelles d'Écoles
et les tendances parfois opposées.
Or, le modèle de présentation de la grammaire, qui ne varie pas pendant
plusieurs siècles, est celui des grammaires latines. On y distingue quatre
parties : Orthographia, Etymologia, Diasynthetica (syntaxe), Prosodia.
L'« Etymologie » est une présentation des parties du discours (8 chez Donat
et Priscien) incluant la formation des mots. Les deux plus importantes, sous
ce rapport, sont le nom, puis le verbe. Donat et Priscien réduits à un « ars »
ne contiennent pas une théorisation en forme et sont en cela inférieurs à
Varron 6. Si l'aspect descriptif l'emporte chez eux sur les considérations
justificatives dont il faut chercher l'origine dans Platon et Aristote, ils n&

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