La traversée des années 90 par les calembours (plesetan) - article ; n°1 ; vol.64, pg 39-58
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Archipel - Année 2002 - Volume 64 - Numéro 1 - Pages 39-58
Pierre Labrousse
The term of plesetan describes several types of puns in the Javanese culture. It has to be defined as much by a linguistic typology as by its function of communication : rupture of conventions, surprise effect, triggering of laughter and the assertion of complicity between the group of laughers. In the 90s, this form of pun, combined to the traditional theatre (ketoprak plesetan), to the invention of anti-governmental abbreviations and postmodenists ideas, enables to fill, under cover of an adherence to the traditional Javanese culture, the space of subversive laughter. It will even experience with President Abdurrahman Wahid, famous for his jokes, a sort of self-destructive peak : making jokes about himself Gus Dur becomes self-destructive.
20 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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Publié par
Publié le 01 janvier 2002
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Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Pierre Labrousse
La traversée des années 90 par les calembours (plesetan)
In: Archipel. Volume 64, 2002. pp. 39-58.
Abstract
Pierre Labrousse
The term of plesetan describes several types of puns in the Javanese culture. It has to be defined as much by a linguistic
typology as by its function of communication : rupture of conventions, surprise effect, triggering of laughter and the assertion of
complicity between the group of laughers. In the 90s, this form of pun, combined to the traditional theatre (ketoprak plesetan), to
the invention of anti-governmental abbreviations and postmodenists ideas, enables to fill, under cover of an adherence to the
traditional Javanese culture, the space of subversive laughter. It will even experience with President Abdurrahman Wahid,
famous for his jokes, a sort of self-destructive peak : making jokes about himself Gus Dur becomes self-destructive.
Citer ce document / Cite this document :
Labrousse Pierre. La traversée des années 90 par les calembours (plesetan). In: Archipel. Volume 64, 2002. pp. 39-58.
doi : 10.3406/arch.2002.3723
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/arch_0044-8613_2002_num_64_1_3723Pierre Labrousse
La traversée des années 90 par les calembours (plesetari)
Dans un livre paru en 1993, Sedang Tuhan pun cemburu, Emha Ainun
Nadjib s'interroge sur les raisons profondes de la vogue des plesetan - que
l'on traduira faute de mieux, par «calembour» ou «jeu de mots» - qui tran
sforme toute prise de parole publique en enchaînement de plaisanteries de la
part des spectateurs de YogyakartaW. L'explication fournie par l'auteur est
que toutes les valeurs ont été détournées par l'Ordre Nouveau (2). Le seul
échappatoire qui resterait serait la fuite, par le rire et la dérision. Le constat
est quelque peu désespéré mais certainement proche d'une réalité à la fois
limitée dans le temps (le début des années 90) et dans l'espace (Yogyakarta).
Si le jeu de mots et la pratique de la critique allusive sont bien attestés
dans la culture javanaise, on assiste dans ces années-là à un double mouve
ment : d'une part l'extension de la pratique des plesetan et d'autre part le
développement d'un discours sur les plesetan qui s'intègre à la construction
d'une résistance politique. L'un des caractères de cette résistance, c'est
qu'elle est composite. Ses références vont du ketoprak au post-modernisme.
Mais une fois élaboré, le concept subit ensuite une double dilution. D'une
part par ses concepteurs même, qui en pratiquant une extension du terme à
tout ce qui va contre l'ordre imposé et le sens admis, s'engagent dans une
déconstruction qui n'est pas loin de l' auto-destruction. D'autre part les plese
tan sont vulgarisés et neutralisés par un public de jeunes qui s'en empare et
1. En exemple : Wahai, Perang Teluk! > Teluk cium! > Cium Wanara! > Wanara masjid,
1993, p. 204.
2. Il parle d'effet kaléidoscopique (kaca benggala). Ibid., p. 204.
Archipel 64, Paris, 2002, pp. 39-58 40 Pierre Labrousse
les banalise pour longtemps (3>. Par toutes ses implications historiques avec
la société, la politique et l'histoire des années 90, le phénomène mérite
quelque attention.
Le plesetan comme calembour
Avant que le terme de plesetan ne désigne un jeu de mots pour tourner en
dérision l'ordre politique et social, il a une histoire qui est faite d'une série
de glissements - c'est le sens même du mot - et d'interactions entre le java
nais et l'indonésien, bien représentatives des jeux de codes ou des ambiguït
és entre les deux langues. En indonésien, la base lését ne fonctionne plus en
tant que telle, mais elle produit une forme verbale, melését, qui est plutôt
négative :
1. passer à côté, ne pas atteindre, rater : pukulan meleset le coup passe à côté.
2. être à côté de la plaque, erroné, faux, inexact : dugaannya meleset ses
soupçons s'égarent.
À l'entre deux-guerres, durant la période coloniale, cette forme se téle
scope avec un mot néerlandais, d'origine française, malaise qui servit à dési
gner la grande crise économique de 1929 dont le contrecoup fut durablement
ressenti dans les Indes néerlandaises. Le terme malaise, au sens de «crise
économique, période de marasme» fut confondu avec melését. D'ailleurs,
W.J.S. Poerwadarminta, dans son dictionnaire (4), à l'article melését, considè
re cette forme comme une variante de deux entrées, la première lését, la
seconde malaise.
Melését est donc historiquement en relation avec deux sens qui conver
gent par hasard, celui de chute par glissade et celui de chute économique.
Notons au passage que le souvenir du malaise des années trente a perduré
dans la mémoire collective des personnes âgées, avec l'expression zaman
malaise «période de marasme économique», pour désigner toute mauvaise
passe économique en général. Il s'avère cependant que la jeune génération
ne connaît plus ce sens.
Du côté du javanais maintenant, sur la même base, historiquement, s'est
développée la forme p(e)lését qui signifie a) glisser pour s'amuser, b) faire
des jeux de mots. Cette notion de divertissement se retrouve dans le dérivé :
plésétan ou plésédani5) «jeu de mots» qui est surtout connu comme critique
3. À rapprocher du prokem. Voir Prathama Rahardja & Henri Chambert-Loir, 1988.
4. Kamus umum bahasa Indonesia, Djakarta, Balai Pustaka. Nous avons consulté la 4e édi
tion, de 1966.
5. Il y a hésitation sur l'orthographe. Le dictionnaire javanais publié par Kanisius donne la fo
rme plèsèdan. Les opinions sont divisées sur cette question. Nous utiliserons la forme plesetan
parce que c'est sous cette graphie qu'elle a été populaire dans la période qui nous intéresse.
Archipel 64, Paris, 2002 La traversée des années 90 par les calembours (plesetan) 41
allusive ou détournée. C'est-à-dire une critique qui glisse intentionnellement
à côté de sa cible, pour éviter un choc frontal considéré comme agressif et
inconvenant. Cette technique d'évitement est parfaitement décryptée entre
personnes de bonne éducation qui comprennent l'intention du propos. C'est
une critique voilée qui préserve les apparences et l'ordre social. Elle a aussi
l'avantage d'éviter à son auteur les foudres des supérieurs ou du pouvoir qui
a été mis en cause.
Mais d'abord le plesetan est jeu de mots, assez proche du calembour, qui
jongle avec les sonorités. Il consiste à produire, à partir d'une forme linguis
tique, une variante qui génère une interprétation différente. Cette nouvelle
interprétation doit être inattendue et provoquer le rire. On reviendra sur les
conditions socio-linguistiques de ces paroles à rire.
Quelques linguistes se sont essayés à définir (6) le plesetan en javanais.
Nous prendrons des exemples plus éclectiques en indonésien. Le genre com
mence par un jeu à partir des variations de formes sonores, continue par une
déstructuration des mots en abréviations, puis par une manipulation du sens.
On se contentera de dégager quelques principes fondamentaux en rappelant
que le jeu est favorisé par la structure des bases dissyllabiques en indonésien.
Une seule variation vocalique, consonantique ou syllabique suffit à changer
le sens (kepala/kelapa).
1. diversion de sens sur une prononciation identique :
takashimura (parodie du japonais) < tak kasih mur ah «je ne le donne pas
pour rien » ;
2. diversion de sens sur une prononciation approchante (on peut parler de
«calembour» pour ces deux cas).
Nous citons le jeu d'enchaînement célèbre composé à partir du nom de
l'écrivain Umar Kayam :
Umar Kayam > kayam goreng > ayam goreng to school ;
3. diversion sur la décomposition du mot en abréviation (on est proche de la
devinette) :
kondominium «condominium» > kondom ini oom «oncle, c'est un pré
servatif».
Avec la variante d'une source qui n'a pas de sens mais paraît drôle :
telmi > telat mikir « qui a la compréhension difficile»
perex >perempuan eksperimen «femme expérimentée».
C'est sur ce principe que le genre continue de faire rage chez les jeunes,
comme en témoignent ces exemples relevés en 2002 &#

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