La variation, plus qu une écume - article ; n°1 ; vol.115, pg 5-18
15 pages
Français

Découvre YouScribe en t'inscrivant gratuitement

Je m'inscris

La variation, plus qu'une écume - article ; n°1 ; vol.115, pg 5-18

-

Découvre YouScribe en t'inscrivant gratuitement

Je m'inscris
Obtenez un accès à la bibliothèque pour le consulter en ligne
En savoir plus
15 pages
Français
Obtenez un accès à la bibliothèque pour le consulter en ligne
En savoir plus

Description

Langue française - Année 1997 - Volume 115 - Numéro 1 - Pages 5-18
Françoise GADET : La variation, plus qu'une écume This paper tries to establish what syntactic variation means, first by opposing it to phonological variation, then by exploring some phenomena of spoken French usually regarded as being syntactic variation, and finally by asking two questions: 1) can we have, on the syntactic level, two ways of saying the same thing ?, and 2) is the sociolinguistic involvement going to be of the same nature ?
14 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1997
Nombre de lectures 20
Langue Français

Extrait

Françoise Gadet
La variation, plus qu'une écume
In: Langue française. N°115, 1997. pp. 5-18.
Abstract
Françoise Gadet : La variation, plus qu'une écume
This paper tries to establish what "syntactic variation" means, first by opposing it to "phonological variation", then by exploring
some phenomena of spoken French usually regarded as being syntactic variation, and finally by asking two questions: 1) can we
have, on the syntactic level, "two ways of saying the same thing" ?, and 2) is the sociolinguistic involvement going to be of the
same nature ?
Citer ce document / Cite this document :
Gadet Françoise. La variation, plus qu'une écume. In: Langue française. N°115, 1997. pp. 5-18.
doi : 10.3406/lfr.1997.6218
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/lfr_0023-8368_1997_num_115_1_6218Françoise GADET
Université de Paris X
LA VARIATION, PLUS QU'UNE ECUME
Un des problèmes actuels de la socio linguistique est que, recourant à un mot déjà très
polysémique en linguistique, variation, elle accentue cette polysémie en l'employant à
désigner trois phénomènes : la « variation » linguistique (identifiée aux niveaux phonol
ogique, syntaxique, lexical, discursif) ; la « variation » extra-linguistique (étudiée dans
les dimensions diachronique, diatopique, diastratique ou diaphasique) ; et la « varia
tion » inhérente (dont Labov fait une propriété des langues).
Une telle ambiguïté me semble peu propice à la réflexion, et nous allons choisir le
champ de la syntaxe pour chercher à clarifier la notion.
1. La conception variationniste
1.1 . De la phonologie à la syntaxe
Le sociolinguiste William Labov, en nommant son cadre théorique « variationniste » ,
donne « la variation » comme un moyen pour saisir une propriété des langues, qui offrent
« différentes façons de dire la même chose ». Sa démarche quantitative vise à établir que
la variation « libre » du structuralisme praguois est en fait contrainte : la « variation »
sera saisie à travers des « variables » , elles-mêmes complexes de « variantes » , en « co
variation » selon des dimensions linguistiques et/ou extra-linguistiques 1.
Dans ses premiers textes, Labov cherchait les propriétés qu'une unité devait posséder
pour qu'elle puisse être traitée comme une variable : a) avoir une fréquence élevée,
b) être à l'abri de toute maîtrise consciente du locuteur, c) faire partie d'une structure
plus large, d) être quantifiable sur une échelle linéaire (ex. 1972, p. 8). Ces propriétés
privilégient le plan phonologique, et découlent d'une même cause, l'arbitraire. Si diffé
rentes réalisations d'une variable phonologique peuvent constituer un marqueur social,
c'est qu'un phonème n'est pas porteur de sens.
Certains résultats ont été obtenus par cette approche, et on s'est bientôt demandé, en
un débat qui n'est pas sans rappeler des réflexions structuralistes sur les niveaux d'anal
yse, ce qu'il en était aux autres plans de la langue. Mais au fil des ans, les travaux
1. Ce schéma laisse entendre, plutôt qu'une référence à la linguistique évoquée dans l'intr
oduction de ce numéro, un emprunt à la sociologie, notamment celle de Paul Lazarsfeld. variationnistes en syntaxe restent minoritaires, portent surtout sur des phénomènes
proches de la morphologie, et ne font qu'effleurer les questions de sens et de discours 2.
Il y a donc lieu de se demander si tous les domaines de la langue manifestent de la
variabilité, et si le concept de variation constitue toujours un bon moyen pour la saisir.
1 .2. Quelques exemples de variation
Sans décider d'abord de l'intérêt de cette notion, nous allons voir que la variation se
ramène, à tous les niveaux, à quelques types, quelques fonctions et quelques conditions
d'emplois (Berrendonner 1988).
1.2.1. La variation en phonologie
On distinguera entre plusieurs sortes de variables :
1) une alternative de présence/absence (souvent présence = norme et absence =
non-standard, mais il n'y a pas là obligation). Tel est le cas du [r] final postconsonantique,
dont la chute est réglée par quelques contraintes ;
2) la manifestation linguistique est aussi une alternative de présence/absence, mais
les valeurs sont au nombre de trois : obligatoire, impossible, facultatif. C'est en cette
dernière rubrique que se manifeste la variation. Un exemple est le e muet, lui aussi réglé
par des contraintes ; ou la liaison, au conditionnement à la fois phonologique et grammat
ical ;
3) les voyelles présentent un continuum à l'intérieur duquel seules la perception et la
transcription imposent un découpage, avec le risque constant de tirer vers les extrêmes
(Hudson 1980).
Si certaines catégories posent ainsi crucialement le problème des réalisations inte
rmédiaires (discret / continu), il n'en est pas qui ne soient concernées, ce qui est saisi en
présence/absence connaissant de fait des réalisations intermédiaires.
1.2.2. La variation en morphologie
1) Certains cas sont comparables à la phonologie (présence/absence), comme le ne de
négation. Les contraintes sont nombreuses : phoniques, syntaxiques, ou discursives
(thème de conversation). Mais la variation ne met sans doute pas en jeu de différence de
sens ;
2) Dans les alternances, j'oppose variantes locales et variantes à effet sur le système :
(1) ouais / les meufs des fois y'en a ils le prennent bien et e(llee) rigolent avec nous
quoi / mais d'autres ou elles disent rien ou [askas] 3
On a en (1) quatre formes du pronom sujet féminin pluriel : 1) neutralisation du genre,
2) chute du [1] devant un mot commençant par une consonne, 3) prononciation standard
2 . Je ne reviens pas sur les débats qui ont eu lieu dès les premières incursions variationnistes
dans le champ de la syntaxe, évalués par exemple dans Romaine 1984.
3. Sauf autre indication, les exemples proviennent d'enregistrement effectués en banlieue
parisienne auprès d'adolescents en difficulté scolaire. (devant consonne), 4) chute du [1] cumulée à une modification de la voyelle (devant
consonne). Si trois d'entre elles sont des alternances phonologiques, la première a des
incidences sur le système grammatical (genre dans l'anaphore au pluriel), et peut-être sur
l'organisation du sens ;
3) Une alternance peut sur-différencier, ou au contraire ne pas distinguer formelle
ment :
(2) il faut qu'il paye la casse (prononcé avec [j] en finale)
(3) ça m'est égal qu'ils [krwaj] une chose pareille
(4) ça m'étonnerait que les Français ils le font
En (2), la prononciation de [j] n'est pas très stigmatisée, et s'entend aussi à l'indicatif ; en
(3), la distingue le subjonctif de l'indicatif (aussi croivent) ; en (4), font est
soit indicatif, soit indifférencié. La distinction formelle est-elle signe d'une distinction
sémantique, alors que la plupart des verbes ne marquent pas la distinction ? Et l'absence
de distinction formelle signifie-t-elle absence de distinction sémantique ?
4) Dans un sous-système, un élément supplémentaire a pour effet de redistribuer les
sens, comme le montre le surcomposé en indépendante. Selon que le locuteur l'utilise ou
non, la signification dans le champ des temps du passé se modifie. Les Parisiens n'enten
dent ici qu'un passé, et perdent la valeur aspectuelle « reculé dans le passé », qu'ils ne
peuvent rendre que par des moyens autres que le temps verbal :
(5) ce type d'article / je l'ai eu fait / mais je le fais plus depuis longtemps
En morphologie, ce que nous observons va donc de l'alternance formelle
(présence / absence, ou a / b) à l'effet de réorganisation. Ceci couvre la plupart des cas
étudiés (Blanche-Benveniste ici même) : alternance entre deux auxiliaires, entre deux
futurs, entre pronoms (on et lu, on et nous, on et ils)... Avec une prégnance telle de
l'alternance que l'on tendra à en faire un modèle pour la syntaxe, comme dans la
suppression de que :
(6) c'est maintenant tu l'entends ? / ça fait longtemps elle est sortie
7 .2.3. La variation en syntaxe
Ici, « alternance » ne signifie sûrement pas la même chose selon qu'il s'agit de phrases
ou de segments plus courts, dans un certain contexte.
Nous ne prendrons d'abord qu'un exemple du premier cas,

  • Univers Univers
  • Ebooks Ebooks
  • Livres audio Livres audio
  • Presse Presse
  • Podcasts Podcasts
  • BD BD
  • Documents Documents