Le bain dans le Gange. Sa signification - article ; n°1 ; vol.58, pg 197-212
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Description

Bulletin de l'Ecole française d'Extrême-Orient - Année 1971 - Volume 58 - Numéro 1 - Pages 197-212
16 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1971
Nombre de lectures 25
Langue Français
Poids de l'ouvrage 2 Mo

Extrait

Pierre Amado
IX. Le bain dans le Gange. Sa signification
In: Bulletin de l'Ecole française d'Extrême-Orient. Tome 58, 1971. pp. 197-212.
Citer ce document / Cite this document :
Amado Pierre. IX. Le bain dans le Gange. Sa signification. In: Bulletin de l'Ecole française d'Extrême-Orient. Tome 58, 1971. pp.
197-212.
doi : 10.3406/befeo.1971.5081
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/befeo_0336-1519_1971_num_58_1_5081BAIN DANS LE GANGE - SA SIGNIFICATION LE
PAR
Pierre AMADO
Le but principal du pèlerinage au Gange est de se baigner dans le
fleuve sacré en un point particulièrement bénéfique. L'observateur
profane qui, en quelque point des rives du Gange, regarde les fidèles
se baigner, est toujours très déconcerté. Non seulement il ne saisira pas,
évidemment, le sens du rituel qui constitue un langage incompréhensible
à celui qui n'en connaît ni les termes ni la structure, mais il lui sera
pratiquement impossible d'apercevoir un ordre dans le cérémonial suivi,
qui paraît différent d'un fidèle à l'autre, aussi bien par les gestes accomp
lis que par leur nombre, leur répétition, leur durée, la durée de la
cérémonie tout entière.
Il est vrai, comme le disait Darwin, que «le bon observateur est
avant tout un bon théoricien ». Malheureusement celui qui aura étudié
les textes qui décrivent — et prescrivent — le rituel du bain, et du
bain dans le Gange en particulier, ne sera guère moins embarrassé devant
la réalité des faits : non seulement il étudie des textes anciens pour
observer des faits présents, mais encore les prescriptions diffèrent selon
les textes ; de plus, bien rares sont les fidèles qui se conforment rigo
ureusement à ces prescriptions, lesquelles jouent généralement le rôle
d'un plan ou d'une « conduite » qu'on interprétera selon sa nature et
ses dispositions du moment, ainsi que selon les circonstances et la
conjoncture astrale (saison, mois, jour de la semaine, moment de la
journée)1. Par ailleurs, les textes des dharmasâsira ont en vue les brah
manes — parfois les trois castes supérieures (dvija) — et ne traitent
des autres qu'occasionnellement. Or, ces « autres » représentent, on
l'oublie trop souvent, plus de 75 % de la population hindoue, et le
pèlerinage — tïrtha-yâtrâ ou iïrtha-carga — est prescrit à tous (sâdhârana
(1) Un peu comme le musicien, tout en développant son râga suivant un ordre rigoureux
et des règles très strictes, jouit d'une large liberté d'improvisation, dont le choix du rythme
(tála) fait partie. PIERRE AMADO 198
ou sâmânya-dharma) — sans distinction de catégorie ou de stade de la
vie (caturvarna et calurášrama)1 — et même les intouchables n'en sont
pas exclus2.
Nous avons cherché, dans la diversité et la multiplicité des rites
prescrits et des rites observés, à isoler et à définir ceux qui constituent
proprement le bain et à tenter de comprendre leur signification.
Nous nous baignons pour nous laver, c'est-à-dire pour être propres.
Mais nous ne devons pas oublier que cette coutume est très récente dans
nos contrées. Cela explique que les voyageurs européens des siècles passés,
frappés en Inde par une coutume qui leur était étrangère, l'ont presque
tous relatée dans leurs récits8, sans lui trouver d'autre explication que
religieuse. On se souvient que le Père de Nobili, installé en 1606 à
Madurai, au sud de l'Inde, fut accusé de paganisme par ses confrères
parce qu'il se baignait chaque jour. De son côté, le Père Fernandes
s'était fermement préservé d'une telle contamination en se gardant bien
de prendre un seul bain pendant 30 années de séjour dans cette même
ville.
Si le bain n'est pas nécessairement, en Inde, une habitude religieuse,
il n'en est pas moins vrai que les textes ne manquent pas, dès le Veda,
qui affirment que les eaux ne lavent pas seulement physiquement mais
sont purificatrices (punânâh)*, sont pareilles à l'ambroisie (amrla)b ou
sont l'ambroisie même*. Les invocations aux eaux qui purifient et
réconfortent y sont fréquentes7 et les points d'eau sacrés (tïrtha) « ont
été depuis la fin de l'époque védique le lieu de vastes migrations tempor
aires »8, pèlerinages dont le but est de se purifier dans une eau sacrée
particulièrement bénéfique du point de vue religieux. Le Varâha Purâna
affirme qu'il existe six cents millions de tïrtha9, et les Purâna décriront
à l'envi les avantages que l'on y gagne — bonheur dans ce monde et
délivrance dans l'autre.
S'il est vrai que l'Hindou se baigne pour être purifié, il n'en est pas
moins vrai qu'il se baigne aussi, comme nous, pour se laver et pour le
plaisir que donne le bain, particulièrement dans un pays chaud. Mais
l'image quasi-mythique que nous avons de l'Inde, et qui remonte à
notre passé ancestral, conditionne notre observation et nous fait voir
ablutions rituelles et bain sacré là où il n'y a souvent que toilette mati-
(1) V. par exemple Visixu-dharmasulra, II, 16-17 ; Vimu-dharmoltara, II, 80, 1-4 ;
Vâmana Purâna, 36,78-79.
(2) Smrti-candrikâ, Mysore 1921, I, pp. 121-122 ; Krtya-Kalpataru, Baroda 1942, p. 169 ;
Suddhi-Kaumudï, Bibl. Ind., p. 323, etc. V. Kane, Hist, of Dharmaéàstra, tome IV, Poona
1953, pp. 332 et 569-570.
(3) Par ex. : — Marco Polo (1292), — Ralph Fitch (1583-1591), — Wm Fintch (1606-1611),
— Ed. Terry (1616-1619), — Tom Coryate (vers 1620), — Schouten (1664), — Tavernier
(1665), — Bernier (1666), — Lullier (1703), etc.
(4) R.g Veda, VII, 49.1.
(5) Šatapatha Bráhmana, I, 9.3.7 ; XI, 5.4.5.
(6) Ibid., IV, 4.3.15.
(7) Rg Veda, X, 9, 1-8 ; I, 23, 19 sqq ; Atharva Veda, II, 3, 8.
(8) L. Renou : Anthologie sanskrite, Paris 1947, p. 155.
(9) 60 crores, c'est-à-dire une infinité. Varâha Purâna, 159, 6-7. BAIN DANS LE GANGE — SA SIGNIFICATION 199 LE
nale, bain de propreté ou plaisir du rafraîchissement. Sans doute même,
cette attitude a-t-elle agi sur le comportement de l'informateur indien,
qui fournit volontiers la réponse qu'on lui suggère ou que, du moins,
l'on attend de lui, et qui, du reste, est souvent influencé par l'image
idéale que l'occident a donné de sa civilisation. S'il ne faut pas oublier
non plus qu'entre nettoyer et purifier il existe une étroite relation qui
apparaît aussi dans les textes décrivant la toilette et les rites de purifi
cation1, il importe néanmoins de distinguer nettement les deux
opérations.
Les textes2 et l'observation des faits concordent grosso modo sur les
différentes opérations de la toilette du matin. Après s'être levé de
bonne heure (en principe juste avant le soleil) et avoir, éventuellement,
récité un texte sacré (fût-il très bref), la première chose à faire est de
satisfaire aux besoins de la nature ; après quoi, on se nettoie avec de
l'eau, ou avec de la terre et de l'eau, puis on fait sa toilette : on se lave
avec de l'eau ou de la terre et de l'eau, ou du savon3. Cette opération
peut avoir lieu dans l'eau — dans une mare ou un étang par exemple,
ce qui est l'habitude au village ; c'est donc pour nous « un bain » ; mais
ce n'est pas du tout le bain de purification4. Puis on se rince la bouche
et on boit une gorgée d'eau ; enfin on se lave les dents6.
C'est alors seulement — lorsque l'on est propre — qu'on pourra
prendre le bain (snâna) du matin. Le bain quotidien du matin, avec
immersion du corps entier y compris la tête, est, en principe, obligatoire
(nitya) pour tous6. Le bain de la mi-journée et, quelquefois, le bain du
soir sont prescrits pour certains. En tout cas, nul ne peut célébrer le
culte (puja) ou même offrir des libations (tarpana) ou simplement
pratiquer certains japa (répétition à voix basse de mantra, formules
sacrées), s'il ne s'est pas purifié par un bain (snàna)1 ; et c'est là le
point important, qui permet de saisir, nous le verrons, la véritable
signification de cette cérémonie.
Car il s'agit bien d'un ensemble de rites que nous tâcherons de
décrire, en prenant pour exemple un cérémonial relativement simple8
et en nous efforçant de comprendre l'esprit à travers la lettre.
(1) Šucitva, éauca, dhâvan

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