Le choc des mots : pensée métaphorique et vulgarisation scientifique - article ; n°1 ; vol.93, pg 99-113
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Description

Communication et langages - Année 1992 - Volume 93 - Numéro 1 - Pages 99-113
Yves Jeanneret, maître de conférences à Télécom-Paris, étudie avec son équipe les formes ordinaires de la communication. Il analyse ici la vulgarisation, forme d'écriture dans laquelle le recours à la métaphore est une ressource précieuse. L'analogie contribue à la tonalité de la communication, participe à la transmission des connaissances et suscite des effets de sens, souvent dis- crets, mais importants.
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Publié le 01 janvier 1992
Nombre de lectures 23
Langue Français
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Extrait

Yves Jeanneret
Le choc des mots : pensée métaphorique et vulgarisation
scientifique
In: Communication et langages. N°93, 3ème trimestre 1992. pp. 99-113.
Résumé
Yves Jeanneret, maître de conférences à Télécom-Paris, étudie avec son équipe les formes ordinaires de la communication. Il
analyse ici la vulgarisation, forme d'écriture dans laquelle le recours à la métaphore est une ressource précieuse. L'analogie
contribue à la tonalité de la communication, participe à la transmission des connaissances et suscite des effets de sens, souvent
dis- crets, mais importants.
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Jeanneret Yves. Le choc des mots : pensée métaphorique et vulgarisation scientifique. In: Communication et langages. N°93,
3ème trimestre 1992. pp. 99-113.
doi : 10.3406/colan.1992.2383
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/colan_0336-1500_1992_num_93_1_2383g
oo Le choc Pensée des métaphorique mots :
2LU et vulgarisation scientifique
Yves Jeanneret
Yves Jeanneret, maître de conférences à Télécom- ressource précieuse. L'analogie contribue
Paris, étudie avec son équipe1 les formes à la tonalité de la communication, parti-
ordinaires de la communication. Il analyse cipe à la transmission des connaissances
ici la vulgarisation, forme d'écriture dans et suscite des effets de sens, souvent dis-
laquelle le recours à la métaphore est une crets, mais importants.
« Mais quoi ! ces vérités sont au loin reculées
Dans un langage obscur saintement recelées :
Le peuple les ignore.
Ô Muses, ô Phébus I
C'est là, c'est là sans doute un aiguillon de plus.
L'auguste poésie, éclatante interprète,
Se couvrira de gloire en forçant leur retraite ».
André Chénier, L'invention, v. 203-208
Au début du xixe siècle, certains saint-simoniens annonçaient
que le triomphe de la science s'accompagnerait d'une reconver
sion des écrivains. Désormais détachés de leurs rêveries sté
riles, ces derniers allaient mettre leur talent au service du
progrès. Auxiliaires des vrais créateurs, ils vulgariseraient les
découvertes, d'une plume fermement guidée par la raison et
sagement protégée contre les égarements de l'imaginaire.
Lorsqu'on regarde aujourd'hui le vaste domaine de la presse et
de l'édition scientifiques, on a bien plutôt l'impression d'un
1 . Groupe d'Analyse des Pratiques de Communication (GAPC), Département Formation
humaine, École Nationale Supérieure des Télécommunications, 46, rue Barrault, 75634
Paris (n° 87), Cedex « La 13. visite Yves d'entreprise Jeanneret : une a notamment situation de publié, communication dans Communication complexe ». et Il langages prépare
un livre sur la vulgarisation scientifique. 100 Sémiologie
triomphe de l'écriture, dans toute sa richesse et sa complexité.
Le récit et l'explication scientifiques sont bel et bien devenus un
genre prolifique; mais celui-ci réinvente, à sa façon quelques-
uns des effets insaisissables dont la littérature est capable.
C'est ce que nous montrera l'étude de la métaphore dans les
textes de vulgarisation. Nous pourrons repérer quelques-unes
des fonctions que peut remplir la métaphore, de la plus évidente
(orner le discours) à la plus complexe (façonner l'idéologie). Et
lorsque nous interromprons ce parcours, nous aurons reconnu
bien des visages de la figure, sans avoir pu pour autant cerner
définitivement sa physionomie.
LA MÉTAPHORE COMME EFFET DE STYLE
Notre première citation est extraite d'un ouvrage récent consa
cré à l'intelligence artificielle. Ce passage, qui présente le projet
de l'ouvrage, nous offre une jolie collection de métaphores :
« Dans ce relief accidenté, l'intelligence artificielle fait écho à
autre chose qu'elle-même (...) Pour que ces échos nous par
viennent avec suffisamment de force et d'intelligibiiité, il convient
avant tout d'éliminer tout ce qui peut assourdir la résonance et
donc de lever le voile dont on a trop souvent recouvert l'intel
ligence artificielle. Pour cela, trois lieux communs nous ont servi
de fil conducteur. Quoique rarement explicités, les trois lieux
communs dessinent le squelette de bien des considérations sur
l'intelligence artificielle; ils bâtissent, en quelque sorte, la char
pente du décor... » 2
Relief, écho, voile, fil conducteur, squelette, charpente, décor :
les divers champs de vocabulaire se multiplient ici d'une façon
un peu caricaturale. C'est dire combien le récit scientifique
donne matière à investissement métaphorique. C'est notre pre
mier constat, d'ailleurs prévisible : le vulgarisateur, comme tout
S scripteur, emploie ponctuellement des métaphores, de façon
^ plus ou moins délibérée. Ce trait fait partie de son « métier »
§> d'auteur, d'un auteur qui n'est pas davantage qu'un autre à l'abri
8* d'une prolifération inconsidérée des effets.
5 De telles métaphores, multipliées au fil de l'explication, peuvent
c en effet présenter un caractère assez arbitraire et artificiel. En
| revanche, dans le meilleur des cas, elles créent une tonalité ori-
^ ginale, donnent une saveur particulière aux textes des grands
| vulgarisateurs. Véritables œuvres, ces ouvrages se reconnais-
O 2. J. G. Ganascia, L'âme-machine, éd. du Seuil, 1990, p. 12. Le choc des mots 1 01
sent à leur caractère : ils peuvent aussi bien s'apparenter au
récit d'aventures, mimer le sérieux du traité, se donner une
allure « branchée >> ou encore inventer un ton inédit. Ainsi s'étab
lit un climat particulier. Lorsque Fontenelle3 choisit d'agrément
er de métaphores galantes l'astronomie qu'il expose à sa jolie
marquise, il nous attire dans le cadre d'une mondanité libertine.
Voici une cosmologie coquine qui parle d'œillades échangées
par les soleils, de mouvements d'amour-propre planétaires et
d'exquis commerce entre les « mondes ». De telles images ins
tallent discrètement, dans la nuit et le moment de cette leçon
particulière, la séduction qui opère dans les pièces de Crébillon.
Un ton bien éloigné en tout cas du sublime grandiloquent qui
caractérise L'Invention de Chénier, citée en exergue, avec ses
élans théâtraux, ses effets de lumière et ses nuages menaç
ants...
DES FORMES STRUCTURANTES
Nous sommes toujours dans la littérature, mais nous avons
glissé insensiblement, par le biais du style, de l'ornement qui
émaille l'expression aux formes globales qui confèrent à un texte
sa cohérence, sa tonalité, son charme.
Au premier rang de ces structures formelles, il faut placer la capt
ation. À des sujets à priori peu attrayants, la métaphore donne
un caractère tangible et implicant qui la rend particulièrement
apte à jouer les hors-d'œuvre, à faire les ouvertures. Par
exemple, les titres et les incipit des articles exploitent largement
l'effet évocateur des associations imaginaires. Même les articles
scientifiques très sérieux du Monde titrent par exemple : « Le
chaos des physiciens », « La ceinture de feu du Pacifique »,
« Le cœur à bas régime », « Le plus grand meccano de l'histoire
spatiale »4. Dans le même esprit, les premières lignes d'un
article puisent assez souvent dans un lexique lié à quelque réfé
rence mythique. Pour nous faire pénétrer dans un austère labo
ratoire électronique, tel journaliste exploite l'allusion religieuse
que recèle le terme américain wafer (puce), qui signifie aussi
« hostie » : il évoque en passant « la religion de l'an 2000 », « le
culte de l'hostie », « les grands prêtres du futur » 5. Einstein et
3. Dans ses Entretiens sur la pluralité des mondes, 1687.
4. Respectivement: 25 mai 1991, Jean-Paul Dufour- 19 juin 1991, Yvonne Rebeyrol -
7 août 1991 , Martine Laronche - 2 juin 1990, J. F. Augereau.
5. Fabien Gruhier, «Quand les puces nous dépasseront», Le Nouvel Observateur,
1er novembre 1985. 102 Sémiologie
physique6 Infeld ouvrent par un leur parallèle livre théorique entre les sur mystères L'Évolution de la des nature id

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