Le choléra : présent et passé - article ; n°1 ; vol.66, pg 75-85
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Description

Communications - Année 1998 - Volume 66 - Numéro 1 - Pages 75-85
11 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1998
Nombre de lectures 12
Langue Français

Extrait

Mr François Delaporte
Le choléra : présent et passé
In: Communications, 66, 1998. pp. 75-85.
Citer ce document / Cite this document :
Delaporte François. Le choléra : présent et passé. In: Communications, 66, 1998. pp. 75-85.
doi : 10.3406/comm.1998.2004
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/comm_0588-8018_1998_num_66_1_2004François Delaporte
Le choléra : présent et passé
Que le choléra révèle les carences d'une politique de santé, le présent
l'enseigne autant que le passé. Récemment, des foyers s'allumaient un
peu partout en Amérique latine. L'apparition du fléau, son mode de
propagation et l'impuissance des autorités rappelaient notre proche passé.
Avec l'épidémie de choléra au Pérou, c'était une nouvelle fois la hantise
du mal, des images d'hécatombes et de cordons sanitaires. Tous les fac
teurs qui favorisent l'explosion épidémique étaient réunis : une crise éco
nomique, une population indigente et des conditions de vie alarmantes.
Le présent rappelle le XIXe siècle, qui marque comme un tournant dans
la façon dont les hommes ont appréhendé les fléaux. Au XIXe siècle, l'ana
lyse des conditions d'existence fut substituée au vieux paysage des
« constitutions médicales », et les gouvernements projetèrent des pro
grammes de salubrité publique. Cependant, on verra qu'il ne suffit pas
d'un programme pour tenir une innovation en matière de santé publique.
En revanche, la confrontation avec le pathologique révèle une série de
problèmes. On pourrait dire qu'ils sont mieux résolus dans les pays avanc
és, mais qu'ils se posent toujours dans les pays en voie de développement.
Puisque l'histoire n'a guère plus de méthode que l'art du voyage et
qu'elle consiste à mettre en relief des significations, je décrirai l'arrivée
de la première grande pandémie à Mexico. Pour déchiffrer cet événement,
j'utiliserai les documents suivants : la littérature médicale, la presse, les
ordonnances publiées par le gouvernement et tout un fonds d'archives.
Schématiquement, je distinguerai trois moments. D'abord, le temps de la
consultation du corps médical, qui s'est trouvé dans une position d'inter
locuteur de choix pour un gouvernement en quête d'informations.
Ensuite, le temps des programmes de salubrité publique. Enfin, le temps
de l'épreuve, qui a montré l'inefficacité d'une gestion autoritaire exclu
sivement fondée sur la police sanitaire.
75 François Delaporte
1. A l'époque où le choléra décimait l'Europe, le gouvernement mexi
cain s'informait auprès des médecins sur la nature du mal et sur la
manière de s'en préserver. Aussi ces derniers n'ont-ils pas manqué l'occa
sion de se mettre à jour afin de se rendre utiles. D'où une abondante
littérature médicale publiée dès 1832 et tout au long du premier semestre
de l'année suivante. Issu des bouches du Gange en 1817, le fléau passait
d'une nation à l'autre. Lentement et sûrement. Chaque pays semblait
constituer comme un seul et même individu qui communiquait le mal à
son voisin. Moreau de Jonnès avait depuis longtemps rassemblé une
importante masse de documents : des preuves, des témoignages irréfuta
bles et précis. Ils attestaient le caractère contagieux du fléau. Dancourt,
lecteur de Moreau de Jonnès, écrivait : « On sait qu'après la publication
de ce livre si utile, le choléra a envahi l'Angleterre, centre du monde
commercial qui dispersera de par le monde la graine de cette peste l. »
Mais tous les observateurs européens établissaient des rapports signi
ficatifs entre la mortalité cholérique et les conditions de vie des classes
laborieuses. A Moscou, Varsovie, Vienne, Londres et Paris, où le choléra
éclatait fin mars 1832. Au demeurant, Broussais avait vigoureusement
souligné cette donnée irréfutable. Duran, lecteur de Broussais, écrivait :
« Le choléra s'abattit sur les quartiers les plus sales, les plus pauvres et
les plus peuplés ; et parmi les habitants de ces rues étroites et fangeuses,
il a choisi les hommes affaiblis par la misère, les excès et les privations
de toutes sortes 2. »
Le choléra était arrivé en Europe en suivant les lignes de communicat
ion des peuples et il avait surtout exercé ses ravages parmi les pauvres.
Voilà les faits les plus saillants sur lesquels les médecins s'appuyaient
pour proposer des mesures prophylactiques. En effet, l'idée de prévention
est juxtaposition de deux lignes : à l'une se rattachent les mesures sani
taires pour s'opposer à l'invasion du mal, à l'autre les mesures hygiéniques
pour réduire l'ampleur de ses désastres.
L'agent cholérique était inconnu, mais il voyageait avec les hommes.
Le véhicule étant soupçonné, il suffisait de le neutraliser ; d'où les mesures
sanitaires, qui sont des mesures d'évitement. Dancourt ne doutait pas que
son pays pouvait se soustraire aux fureurs du fléau : « Le moyen le plus
sûr pour se protéger de cette maladie est de s'isoler complètement et de
se placer hors de toute communication avec les lieux où elle règne3. »
Mais la cause du choléra n'était pas la seule à agir. Il fallait tenir compte
de l'action des causes favorisantes ; d'où les mesures hygiéniques. Duran
insistait naturellement sur la salubrité publique : « II nous reste la grande
consolation de nous protéger grâce aux méthodes d'hygiène tant publi
ques que privées, il faut donner à cette branche de la médecine toute
76 Le choléra : présent et passé
l'extension dont elle est susceptible4. » La mise en œuvre de ces deux
séries de mesures posait cependant quelques problèmes.
Voyons d'abord les mesures sanitaires préconisées par les médecins du
littoral. Il fallait que le gouvernement assujettisse les embarcations à des
quarantaines de rigueur. Et, pour ce faire, qu'il tire de l'oubli les lois sur
les quarantaines. Il fallait créer à Mérida une Commission de salubrité.
Dancourt proposait que l'on adopte des mesures sévères pour les navires
en provenance d'Europe et des quarantaines plus souples pour ceux qui
venaient des Antilles, d'Amérique du Nord et des ports de la République.
Mais on ne savait pas à l'avance quels étaient les lieux infestés, ni où et
quand établir des verrous de sûreté. Il fallait sans doute placer des postes
de surveillance aux frontières. Mais comment être sûr que ces dispositifs
seraient vraiment efficaces ? Les contrebandiers étaient nombreux et la
cupidité leur faisait trouver les moyens d'échapper aux lois : « Sur des
côtes ouvertes et des frontières dépeuplées, comme celle de notre Etat, on
ne peut empêcher avec rigueur la communication clandestine qui existe
sans interruption les territoires étrangers °. » Ces mesures étaient
donc inapplicables.
Voyons ensuite les mesures hygiéniques préconisées par les médecins
des villes. Il fallait dicter des règles prophylactiques. Mais une bonne
hygiène supposait le retournement d'une condition sociale défavorisée en
une condition d'aisance qui définit celle des nantis. L'impossible. D'où
l'obligation de régler la question de la prévention par la mise en œuvre
d'un jeu de mesures traditionnelles : améliorer la salubrité publique, aider
les pauvres, secourir les malades. Assainir, selon l'ancienne coutume,
c'était purifier et assécher l'air en allumant de grands feux. A quoi les
médecins ajoutaient toute une série de recommandations : prohiber les
fruits, les légumes, les boissons alcoolisées, les motifs de frayeur et, pour
finir, déjouer le piège des inhumations précipitées. C'était bien aux classes
démunies, et à elles seules, que s'adressaient les médecins. Conseils au
peuple. Conseils à la mesure de son dénuement : « Les gens pauvres
devraient porter une ceinture de laine... S'ils pouvaient mettre des chaus
sures ou, au moins, des sandales... ce serait mieux qu'aller pieds nus6. »
II fallait aussi lui enseigner les préceptes d'hygiène élémentaire sans
jamais uti

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