Le comte Matfrid d Orléans (av. 815-836). - article ; n°2 ; vol.152, pg 331-374
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Le comte Matfrid d'Orléans (av. 815-836). - article ; n°2 ; vol.152, pg 331-374

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Description

Bibliothèque de l'école des chartes - Année 1994 - Volume 152 - Numéro 2 - Pages 331-374
44 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1994
Nombre de lectures 55
Langue Français
Poids de l'ouvrage 3 Mo

Extrait

Philippe Depreux
Le comte Matfrid d'Orléans (av. 815-836).
In: Bibliothèque de l'école des chartes. 1994, tome 152, livraison 2. pp. 331-374.
Citer ce document / Cite this document :
Depreux Philippe. Le comte Matfrid d'Orléans (av. 815-836). In: Bibliothèque de l'école des chartes. 1994, tome 152, livraison 2.
pp. 331-374.
doi : 10.3406/bec.1994.450735
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/bec_0373-6237_1994_num_152_2_450735COMTE MATFRID D'ORLÉANS LE
(av. 815-836)
par
Philippe DEPREUX
« Dès avant la création du monde, le Dieu tout-puissant, éternel et miséri
cordieux vous a élu par avance serviteur (minister) de l'empereur et de
l'Empire pour ces temps de danger qui sont les nôtres ». Tels sont les termes
dont Agobard 1 usa pour inciter le comte d'Orléans à servir la justice en
affirmant que le pouvoir dont ce dernier jouissait faisait partie du plan
divin 2. Par cette lettre, dont il priait obséquieusement Matfrid, qualifié à
l'occasion « de plus prestigieux et plus illustre des hommes » de son
époque3, de prendre connaissance et de s'inspirer pour l'exercice de ses
responsabilités4, l'archevêque de Lyon, s'il critique la corruption dont il
déplore l'emprise sur la cour de Louis le Pieux5, nous livre en même
temps comme un « miroir » du conseiller du prince 6. Il nous apprend par
la même occasion quel rôle jouait Matfrid auprès de Louis le Pieux.
1. Sur ce personnage, cf. Egon Boshof, Erzbischof Agobard von Lyon, Leben und Werk,
Cologne, Vienne, 1969. Sur cette lettre en particulier, cf. p. 131 et s. L'auteur retient l'année
822 comme terminus post quem pour la rédaction de ce document.
2. M.G.H. Epistolae, t. V, n° 10, p. 201 : « Omnipotens, sempiternus et misericors Deus...
elegit vos ante mundi constitutionem futurum nostris periculosis temporibus ministrum impe-
ratoris et imperii... ».
3. « Virorum prestantissimo atque inlustrissimo Matfredo ». La seconde des épithètes n'est
autre que le superlatif du titre accordé aux comtes dans les actes royaux : inluster. Agobard
met ainsi en évidence dès l'adresse le caractère eminent de Matfrid, dont le titre comtal
n'apparaît d'ailleurs pas. Cf. Karl Brunner, Der fränkische Fürstentitel im neunten und
zehnten Jahrhundert, dans Herwig Wolfram, éd. Intitulatio II, Vienne, 1973 (Mitteilungen
des Instituts für Osterreichische Geschichtsforschung, Ergänzungsband, 24), p. 179-340,
à la p. 199.
4. « Obsecro precellentissimam claritatem vestram ut pacienter et clementer audire dignetur
que fidelis suggerit servulus, quia teste Deo... non alia intentione dico, nisi propter profec-
tum prosperitatis vestrae presentis pariter et futurae. »
5. E. Boshof, op. cit., p. 132 : « Aber die Höflichkeit und Ergebenheit des Tones mildert
kaum die schnonungslose Kritik an der Korruption, die nach Agobards Worten am kaiserl
ichen Hofe herrscht ».
6. Il a récemment été souligné que les « miroirs », au-delà d'une commande dont les auteurs
BIBL. ÉC. CHARTES. 1994. 2 22
Bibliothèque de l'École des chartes, t. 152, 1994. 332 PHILIPPE DEPREUX
Agobard souligne que Matfrid jouit de la confiance de l'empereur et fait
partie du cercle restreint de ses conseillers quand il parle de la familiaritas
que Dieu lui a accordée auprès de ce dernier : pour l'archevêque de Lyon,
Matfrid est un intime du prince7. Mais comment son influence se
manifeste-t-elle ? Dieu a placé Matfrid auprès du souverain pour qu'il soit
son suffragator dans l'exercice de l'équité 8, c'est-à-dire qu'il doit être un
soutien, un appui pour Louis le Pieux en vue d'un gouvernement juste. Vers
la fin de sa lettre, Agobard enjoint à Matfrid de se montrer un serviteur
(minister) de Dieu zélé et, auprès de l'empereur, un assistant (adjutor) con
forme au plan divin9. Plus concrètement, Matfrid doit agir avec sagesse
pour que l'injustice et la perfidie, le vice et la cruauté soient abolis, et faire
en sorte que triomphent les vertus, pour la sérénité de l'Eglise 10. Or, cette
action, c'est avant tout au Palais que Matfrid la mène. Ceci ressort de l'arg
umentation de l'archevêque de Lyon, qui cite l'exemple suivant :
« La crainte des rois et des lois s'est atténuée chez beaucoup au point que nom
breux sont ceux qui, actuellement, pensent ne devoir craindre personne, estimant
en leur for intérieur et se disant en leur cœur : 'Si le Palais venait à connaître d'un
différend me concernant, l'affaire serait confiée aux juges (causidicî). Là, je trouve
rai bien des parents ou plusieurs amis grâce auxquels tout doute sera effacé, afin
que je n'encoure aucune défaveur de la part du roi, parce qu'un cadeau donné
en secret éteint les colères et, grâce à ceux qui font écran entre lui et nous, celui
que l'on doit craindre ne verra pas nos erreurs' » n.
déjouèrent souvent l'objet initial, furent avant tout dus à l'initiative du clergé ; cf. Michel
Rouche, Miroirs des princes ou miroir du clergé ?, dans Committenti e produzione artistico-
litteraria nell'alto medioevo occidentale, Spolète, 1992 (Settimane di studio del Centro ita-
liano di studi sulValto medioevo, t. 39), t. 1, p. 341-364. Il s'agit en réalité ici d'une lettre
adressée spontanément par Agobard à Matfrid, mais qui porte le caractère moralisateur d'un
petit « miroir ». L'archevêque de Lyon justifie sa démarche ainsi : « Sed prorsus haec omnia
dicimus propter fidem, quern sub Deo domno etiam imperatori debemus et pro vestra beati-
tudine aeterna et presentis vite felicitate adipiscenda ».
7. Il est question de la tanta familiaritas quam apud domnum imperatorem obtinere vos
Deus fecit.
8. «... constituitque vos in latere rerum summam regentis, quatinus et in dispositione aequi-
tatis illi essetis suffragator, et in remuneratione beatitudinis particeps. »
9. «... sed cupio vos ita esse sollicitum, sicut studiosissimum Dei ministrum et consenta-
neum boni imperatoris adjutorem, qui ab utroque domino dignus et fidelis inventus merito
utriusque recompensationem percipiat. »
10. « Nunc igitur quid potissimum expedit devotissime intentionis vestrae, nisi ut omni
conamine omnique mentis adnisu ita in dispositionem rerum sagacissime vigiletis, ut oppri-
matur iniquitas, destruatur fraus et dolus, dissipetur pravitas, conteratur crudelitas, erigatur
justitia, consoletur humilitas, roboretur fides, serenetur ecclesia. »
11. « Quievit timor regum et legum in multis, adeo ut plerique im presenti neminem timen-
dum putent, reputantes apud semetipsos et dicentes in cordibus suis : 'Si querela de
me ad palatium venerit, causa ad causidicos dirigetur. Illic inveniam parentes vel amicos LE COMTE MATFRID D'ORLÉANS 333
Et Agobard de jeter le masque, non sans prendre de risque : « Beaucoup
sont d'avis que vous formez un mur entre eux et l'empereur pour les mettre
à l'abri de toute correction ». Ainsi l'archevêque exorte-t-il Matfrid, « le plus
eminent des hommes », à être un mur, certes, mais, pour que la félicité croisse,
un mur pour protéger les innocents contre les criminels, un mur qui plaise
à Dieu12.
Agobard, on le voit, fait jouer à Matfrid un rôle fort important. Plus qu'un
« conseiller influent de l'empereur » 13, il semble avoir exercé une fonction
précise à la cour, bien qu'à notre connaissance il n'ait jamais été revêtu
d'un quelconque titre aulique; c'est d'ailleurs tout l'intérêt du person
nage. Les propos d' Agobard, de prime abord, feraient supposer que
Matfrid joua quelque rôle au sein du tribunal du Palais14, qu'il exerça
quelque fonction similaire à celle du comte du Palais 1S, dont on sait qu'il
examinait les affaires avant de les soumettre, si cela était nécessaire, au sou
verain 16. Mais aucune source ne l'atteste de manière concrète : l'on doit
plures, per quos indubitanter fiet, ut regalem offensionem nullam incurram, quia donum
absconditum extinguet iras et his, qui timendus est, aliis interpositis non videbit insipientias
nostras' ». Le prétexte invoqué pour justifier le recours à un règlement à l'amiable est, du
moins au début, inspiré de Prov. XXI, 14 : Munus absconditum extinguet iras et donum in
sinu indignationem maximam. Sur la corruption, cf. Gabriel Monod, Les mœurs judiciaires
au VIII' siècle d'après la Paraenesis ad judices de Théodulf, dans Revue historique, t. 35, 18

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