Le livre en Suède - article ; n°1 ; vol.35, pg 71-88

Robert Estivals

Description

Communication et langages - Année 1977 - Volume 35 - Numéro 1 - Pages 71-88
Nous continuons la publication de la grande enquête de Robert Estivals sur la situation du livre dans certains pays choisis comme particulièrement significatifs. L'article qui suit est consacré au livre en Suède et, principalement, à un plan d'aide au livre, fort original, dont l'étude avait commencé en 1968 par la création d'une Commission d'enquête sur la littérature. Ce plan a été examiné et approuvé par le Parlement suédois en trois étapes : en 1975, 1976 et 1977. Il est, depuis, entré en application, moyennant quelques aménagements de détails qui ne touchent en rien les structures prévues, mais seulement des modalités. Le budget affecté au plan de soutien pour 1976 était de 11 151 000 couronnes; pour 1977, une augmentation de 4 841 000 couronnes est demandée. Ce qui porterait le chiffre global à 15 992 000 couronnes.
18 pages

Informations

• Publié par: COMMUNICATION_ET_LANGAGES
• Publié le: 01 janvier 1977
• Nombre de lectures: 14
• Langue: Français
• Poids de l'ouvrage: 1 Mo

Extrait

Robert Estivals
Le livre en Suède
In: Communication et langages. N°35, 1977. pp. 71-88.
Résumé
Nous continuons la publication de la grande enquête de Robert Estivals sur la situation du livre dans certains pays choisis
comme particulièrement significatifs. L'article qui suit est consacré au livre en Suède et, principalement, à un plan d'aide au livre,
fort original, dont l'étude avait commencé en 1968 par la création d'une Commission d'enquête sur la littérature. Ce plan a été
examiné et approuvé par le Parlement suédois en trois étapes : en 1975, 1976 et 1977. Il est, depuis, entré en application,
moyennant quelques aménagements de détails qui ne touchent en rien les structures prévues, mais seulement des modalités. Le
budget affecté au plan de soutien pour 1976 était de 11 151 000 couronnes; pour 1977, une augmentation de 4 841 000
couronnes est demandée. Ce qui porterait le chiffre global à 15 992 000 couronnes.
Citer ce document / Cite this document :
Estivals Robert. Le livre en Suède. In: Communication et langages. N°35, 1977. pp. 71-88.
doi : 10.3406/colan.1977.4432
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/colan_0336-1500_1977_num_35_1_4432LE LIVRE
EN SUÈDE
par Robert Estivals
Nous continuons la publication de la grande enquête de Robert Estivals sur
la situation du livre dans certains pays choisis comme particulièrement
significatifs1. L'article qui suit est consacré au livre en Suède et, principe-
lement, à un plan d'aide au livre, fort original, dont l'étude avait commencé
en 1968 par la création d'une Commission d'enquête sur la littérature. Ce
plan a été examiné et approuvé par le Parlement suédois en trois étapes :
en 1975, 1976 et 1977. Il est, depuis, entré en application, moyennant
quelques aménagements de détails qui ne touchent en rien les structures
prévues, mais seulement des modalités. Le budget affecté au plan de sou
tien pour 1976 était de 11 151 000 couronnes; pour 1977, une augmentation
de 4 841 000 couronnes est demandée. Ce qui porterait le chiffre global à
15 992 000 l b".
La « social-démocratie » suédoise vient de perdre le pouvoir.
L'événement n'est pas resté sans écho en France. Au moment
où les élections de 1978 posent le problème d'un changement
possible de société et d'une orientation vers le socialisme, le
« modèle » suédois est une solution sur laquelle on s'interroge.
Qu'en a-t-il été de la politique suédoise en matière de livre ?
Existe-t-il un modèle bibliologique social-démocrate ? C'est la
question que nous nous sommes posée et qui nous conduisit
à Stockholm en 1975.
LE PLAN SUEDOIS D'AIDE AU LIVRE : 1968-1976
Depuis 1968, la social-démocratie suédoise a élaboré une poli
tique interventionniste dans le domaine économique et culturel
du livre. On pourrait parler d'un modèle étatique tentaculaire
si ce dernier terme ne comportait une résonance péjorative.
Ce modèle n'est pas, en soi, nouveau. Nous le voyons se déve
lopper danstous les pays libéraux. verrons cependant,
dans les pages suivantes, qu'il a trouvé, en Suède, une formul
ation originale.
1. Voir « Le livre en Yougoslavie », in Communication et langages n° 31 ; « Le
livre au Mexique », in Communication et langages n° 33 ; « Le livre en
Roumanie », in Communication et langages n° 34.
1 bis : la couronne suédoise vaut actuellement 1,115 F. livre en Suède Le
Le livre et la culture livresque, quoi qu'en disent depuis des
années les observateurs optimistes, est en crise dans les pays
occidentaux. La Suède n'a pas fait exception. Sur le plan litté
raire, on constate que la culture nationale est menacée, spécia
lement dans les pays dont la population est numériquement
limitée. Les ouvrages de référence, la littérature classique, la
poésie et la littérature nouvelles ont du mal à être publiés
dans des pays dont la population est inférieure, semble-t-il, à
quinze ou vingt millions d'habitants et qui parle une langue
spécifique. C'est le cas, par exemple, pour la littérature serbo-
croate en Yougoslavie. Les éditeurs capitalistes, mus par le prof
it, produisent des livres dont ils ont la certitude ou l'espoir
de pouvoir les vendre. Ils éditent en fonction du circuit de
consommation. La production littéraire suédoise nouvelle est
une mise de fonds incertaine dans un pays de huit millions
d'habitants obligeant à un tirage limité. L'établissement d'un
prix de vente imposé, qui caractérisait la période antérieure,
favorisait la librairie, mais gênait parfois les éditeurs. Sa sup
pression renforça le malaise, sur le plan de la distribution, en
créant une série de faillites en cascade dans la librairie2.
L'Etat, dont la mission, est de défendre l'intérêt national et
donc sa culture, ne put rester insensible à cette situation.
L'exemple voisin de la Norvège, qui avait sur ce problème établi,
dès 1965, une nouvelle réglementation, montrait la direction à
suivre.
LA COMMISSION D'ENQUETE SUR LA LITTERATURE
Le gouvernement suédois nomma en 1968 une Commission
d'enquête sur la littérature3. Elle était composée de parle
mentaires. Elle s'appuya sur l'expérience des bibliologues (les
professeurs Lars Furuland, A. Bromberg...). La méthodologie de
cette commission fut étonnamment sociologique. Un travail lent,
minutieux fut entrepris. Les résultats sont consignés dans plu
sieurs ouvrages comportant chacun plusieurs centaines de
pages. Ils constituent une sociologie bibliologique contempor
aine d'une grande qualité scientifique qui peut servir d'exemple.
«, L'ensemble porte le titre de Rapports officiels de l'Etat (Sov-
Ç. Statens Offentliga utredningar) . Ils traitent d'aspects différents
g, de la vie du livre :
S — Livres et habitudes de lecture dans cinq municipalités sué-
M doises - Etudes sur les habitudes de lecture (Sov 1972: 20).
$ — Expérimentations avec les bibliothèques - Etudes sur les
_o c bibliothèques (Sov 1972: 61).
.o 2. Voir A. Bromberg : « La politique de subvention de l'Etat en Suède », in
§ Bôrsenblatt (12 mars 1974).
g 3. Voir Lars Furuland : « Le livre en Suède », in Actualités suédoises n° 28
£ (avril 1974).
O o Sociologie 73
— Un Livre sur les livres - Etudes sur le commerce des livres
(Sov 1972: 80).
— La Littérature à l'école (Sov 1973: 1).
— Le Livre (Sov 1974 : 5) Summary of the Main Report from
the Swedish Literary Commission.
Ces travaux de la commission débouchaient sur un projet d'i
ntervention de l'Etat suédois. Le plan élaboré fut. après publicat
ion, démocratiquement soumis aux intéressés. L'Administration
fut chargée de regrouper les réactions et d'obtenir les bases
d'un accord. La décision du parlement, le Rikstadt, est interve
nue en trois étapes en 1975, 1976 et 1977. Le plan est mis en
œuvre dans son intégralité.
LE MODELE INTERVENTIONNISTE SOCIAL-DEMOCRATE
On connaît le principe de l'ancienne politique de la social-
démocratie suédoise : gérer le capitalisme. Cela suppose l'exi
stence de la société libérale et son contrôle par le gouverne
ment populaire afin de l'orienter selon une politique démocrat
ique et sociale. Dans cette perspective, l'Etat intervient, par
la nationalisation, le moins possible. Cependant, il ne peut se
désintéresser des secteurs économiques qui se trouvent dans
l'impossibilité d'assumer la charge du développement culturel,
national et social. Il lui faudra donc intervenir. Nous avons
observé ces phénomènes au Québec, au Mexique, en Algérie...
Partant de ces principes généraux, le plan suédois devait pro
poser l'intervention de deux programmes étatiques d'importance
différente et complémentaire, à partir d'une perspective nou
velle qui fait son originalité.
La première intervention, de loin la plus importante, fait jouer
les subventions. Le plan prévoit une intervention de l'Etat dans
le domaine de l'édition et de la distribution, par les organismes
d'Etat ou des communes, déjà existants : les bibliothèques.
Ainsi l'Etat s'établit-il dan