Le miroir de l âme - article ; n°1 ; vol.75, pg 17-31
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Description

Communications - Année 2004 - Volume 75 - Numéro 1 - Pages 17-31
The classical era tends to favor a conception of the gaze where seeing results from the exteriorization of the interior, rendering the eye both the mirror to the soul and the instrument of its language. In the 19th century, with the analysis of the mechanism of human physiognomy, Duchenne de Boulogne dispels this illusion. Henceforth, the gaze is seen as a form of mimicry which serves the function of expression.
L'époque classique tend à privilégier un regard où la vue s'obtient par l'extériorisation de l'intérieur, faisant ainsi de l'œil, à la fois, le miroir de l'âme et l'instrument de son langage. Au XIXe siècle, avec l'analyse du mécanisme de la physionomie humaine, Duchenne de Boulogne dissipe cette illusion. Le regard s'inscrit désormais dans la mimique, qui ressortit à une fonction d'expression.
15 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 2004
Nombre de lectures 51
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Mr François Delaporte
Le miroir de l'âme
In: Communications, 75, 2004. pp. 17-31.
Abstract
The classical era tends to favor a conception of the gaze where seeing results from the exteriorization of the interior, rendering
the eye both the mirror to the soul and the instrument of its language. In the 19th century, with the analysis of the mechanism of
human physiognomy, Duchenne de Boulogne dispels this illusion. Henceforth, the gaze is seen as a form of mimicry which
serves the function of expression.
Résumé
L'époque classique tend à privilégier un regard où la vue s'obtient par l'extériorisation de l'intérieur, faisant ainsi de l'œil, à la fois,
le miroir de l'âme et l'instrument de son langage. Au XIXe siècle, avec l'analyse du mécanisme de la physionomie humaine,
Duchenne de Boulogne dissipe cette illusion. Le regard s'inscrit désormais dans la mimique, qui ressortit à une fonction
d'expression.
Citer ce document / Cite this document :
Delaporte François. Le miroir de l'âme. In: Communications, 75, 2004. pp. 17-31.
doi : 10.3406/comm.2004.2140
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/comm_0588-8018_2004_num_75_1_2140Delaporte François
Le miroir de l'âme
c'est Dans de le tout langage exprimer. des passions l'œil n'a qu'un défaut,
A. Lemoine, 1865
Pour Descartes, les modifications corporelles qui accompagnent les
passions se présentent à l'observateur sous forme de signes. Ces derniers
sont constitués par les actions des yeux et du visage, les changements de
couleur, les tremblements, les rires, les larmes, les gémissements et les
soupirs. Mais ces signes se distinguent autant par leur cause que par leur
signification. Les uns, qui s'apparentent à des symptômes, ont leur origine
dans le cœur: leurs manifestations sont involontaires. Les autres, qui
s'apparentent à des indices, sont déterminés par l'âme : leurs manifestat
ions sont volontaires. Assurément, les symptômes occupent une place
centrale. De tout ce qui est visible, les changements de couleur sont les
plus proches de l'essentiel et l'un des effets principaux des mouvements
du cœur. La joie fait rougir, parce que le sang, alors plus chaud et plus
subtil, coule plus vite. Le visage paraît enflé, riant et gai. Inversement, la
tristesse rétrécit les orifices du cœur, parce que le sang, alors plus froid et
plus épais, coule plus lentement. Le visage paraît pâle et décharné. Au
demeurant, on ne peut s'empêcher de rougir ou de pâlir lorsqu'une pas
sion y dispose. Ces changements viennent immédiatement du cœur : la
source des passions puisqu'il prépare le sang et les esprits à les produire.
Les autres signes sont les actions des yeux et du visage qui dépendent des
nerfs et des muscles. À première vue, ils se présentent comme des indices
permettant une reconnaissance. C'est que les actions du visage qui
accompagnent les passions désignent des mines. Les unes sont remarquab
les, comme le front plissé dans la colère ou certains mouvements du nez
et des lèvres dans la moquerie. Mais on aurait tort de s'y fier : elles peu
vent servir à l'homme aussi bien pour déclarer une passion que pour dissi-
17 François Delaporte
muler sa passion derrière le masque d'une autre qu'il n'éprouve que dans
la feinte. Quoi qu'il en soit, la mimique n'est pas « expression » d'une pas
sion, mais signe d'un langage dont le sens, quoique sous-entendu, appar
aît clairement.
Il n'y a aucune passion que quelque particulière action des yeux ne
déclare : et cela est si manifeste en quelques-unes, que même les valets les
plus stupides peuvent remarquer à l'œil de leur maître, s'il est fâché contre
eux ou s'il ne l'est pas l.
Descartes fait ici allusion à cette espèce de colère prompte et manifeste,
mais qui peut être facilement apaisée — c'est que le maître se comporte
comme lorsqu'on ne veut se venger autrement que par des mines..
Il oppose les mouvements naturels aux mouvements intentionnels,
comme cardiopathie à mimologie. Par cette distinction, il établit le rapport
des mimiques au champ des passions. Mais cette relation est éminemment
problématique : dans le même temps que Descartes intègre les mines
comme signes extérieurs des passions, il montre qu'une question reste en
suspens : les valets les plus stupides, ou les plus intelligents, ne sauront
jamais si le maître déclare sa colère ou feint la colère. Volontaires et non
pas naturelles, les mimiques signifient les passions. Signes éloquents, sans
aucun doute, mais qui sont d'autant moins fiables que la volonté peut ici
donner le change. En tout cas, le regard noir et le front plissé constituent
non des indices, mais des signes. C'est là une première réfutation de la
physiognomonie : les mimiques, comme les paroles, peuvent comporter la
vérité ou un mensonge. Mais toutes les mimiques ne sont pas volontaires ;
par exemple, le rire qui semble provenir de la joie, ou le pleurer. Suffirait-
il que les mines soient naturelles pour qu'elles deviennent d'authentiques
indices?, Quand les mines sont naturelles, Descartes les identifie à des
symptômes. Or, parmi ces derniers, il n'y en a pas un seul que l'on puisse
rattacher en toute certitude à une passion. Les signes sont parfois indéchif
frables : il y a des hommes qui font presque la même mine lorsqu'ils pleu
rent que d'autres lorsqu'ils rient. Les signes manquent de spécificité, parce
qu'ils peuvent être causés par des passions différentes. La langueur est
occasionnée par l'amour et par le désir, mais elle peut l'être aussi par la
haine, la tristesse et la joie lorsqu'elles sont violentes. Les signes sont aléa
toires : celui qui a coutume d'apparaître dans une passion peut faire place à
un signe d'une passion opposée. Sans doute, la joie fait rougir et la tristesse
fait pâlir, mais on peut rougir étant triste : c'est qu'à la tristesse se joignent
d'autres passions, telles que l'amour ou le désir, la haine ou la honte, les
quels font rougir. Les signes sont inconstants : le rire n'accompagne pas
toujours la joie ni le pleurer, la tristesse. Les signes sont incertains,
dépendant des causes et des mécanismes qui les produisent. Ainsi, les
18 Le miroir de l'âme
tremblements peuvent être provoqués tantôt par la tristesse, la peur ou la
froidure de l'air, tantôt par le désir, la colère ou l'ivresse : ici trop d'esprits
affluent au cerveau et là, trop peu. De même, le rire peut venir de la joie,
de l'admiration, de la haine, de l'aversion, voire de la faim. Dans la joie et le rire est l'effet d'un afflux de sang consécutif à la dilatation
des orifices du cœur ; dans l'aversion, la rate envoie un fluide subtil qui
augmente la raréfaction du sang ; dans la faim, la dilatation des poumons
est provoquée par le premier suc qui passe de l'estomac vers le cœur. De
cet examen, il résulte que les symptômes ne sont pas des signes patho-
gnomoniques. D'où la deuxième réfutation de la physiognomonie : les
signes des passions tirés des sont marqués par une profonde
ambiguïté.
Mais il y a plus : les symptômes, c'est-à-dire les mouvements naturels
qui accompagnent les passions, sont des signes qui ressortissent à l'étendue.
Il ne faut donc pas les prendre pour un système de signes semblable aux
paroles ou aux gestes des muets lorsqu'ils s'expriment. Dans la mesure où
les signes qui témoignent des passions procèdent de la seule disposition de
la machine corporelle, ils sont de même nature que les mouvements qu'on
observe chez les bêtes. Troisième réfutation de la physiognomonie : le déte
rminisme physiologique suffît à dissiper l'illusion d'une structure langa
gière des signes extérieurs.
On ne doit pas confondre les paroles avec les mouvements naturels qui
témoignent des passions, et peuvent être imités par des machines aussi
bien que par des animaux2.
Impossible, donc, d'appréhender la nature de l'âme par le biais des signes
extérieurs qui accompagnent les passions. Nos pensées sont des actions
qui viennent de l'âme et s'achèvent en elle. En revanche, nos passions
viennent du corps et sont reçues en l'âme. Le langage appartient à la
pensée : il n'y a pas de rapport d'expression entre l'âme et le corps. Quand
il arrive à l'homme de se fair

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